Ministre d'État, ministre de la Transition
écologique et solidaire
Hôtel de Roquelaure
246, boulevard Saint Germain
75007 PARIS
Péronne, le lundi 14 mai 2018
Nous, Députés, Sénateurs et Président du Conseil départemental de la Somme,
demandons un moratoire immédiat sur les installations d’éoliennes dans le département.
Face à leur développement anarchique, un véritable mitage du territoire s’est en effet opéré ces dernières années. Il n’a de cesse de s’amplifier malgré l’opposition de plus en plus forte de nombreux habitants et élus qui dénoncent, à juste titre, une saturation du paysage.
Il ne s’agit pas ici de nous opposer à l’énergie éolienne en tant que telle, mais bien de porter la voix de nos concitoyens qui ont le sentiment légitime de ne pas être entendus.
Le département de la Somme est actuellement le 1er de France en termes de puissance éolienne installée. Par ailleurs, près d’un tiers de la puissance des parcs en instruction de la région se trouve dans le département, alors même que les Hauts-de-France concentrent d’ores et déjà un quart des éoliennes en production.
A titre d’exemple, pour le seul arrondissement de Péronne, ce ne sont pas moins de 73 éoliennes qui sont en production, 104 autorisations accordées et non encore construites, et 96 en cours d’instruction.
Il est également essentiel de rappeler que le Schéma Régional du Climat, de l’Air et de l’Énergie (SRCAE) de la région Picardie a été annulé par arrêt de la cour administrative d’appel de Douai en juin 2016 pour défaut d’évaluation environnementale. Une annulation confirmée par le Conseil d’Etat pour ce même motif.
Lors du vote solennel sur le Projet de loi relatif à la transition énergétique le 26 mai 2015, un certain nombre d’amendements visait à fixer un cadre précis à l’implantation d’éoliennes sur nos territoires. L’un d’eux proposait notamment d’instaurer une distance de 1 000 mètres à respecter entre l’installation d’éoliennes et les premières habitations. La majorité gouvernementale de l’époque a rejeté cette proposition préférant une distance minimale de
500 mètres.
Celle-ci avait cependant été fixée alors que les éoliennes avaient une taille moyenne inférieure à celles de nos jours. L'augmentation de la taille moyenne des éoliennes industrielles a en effet été extrêmement rapide : 50 mètres en 2000, 100 mètres en 2005 et 150 mètres de haut en bout de pale en 2010. Certaines atteignent désormais les 200 mètres et des projets vont encore au-delà. Le refus d’appliquer cette distance des 1000 mètres contribue donc au
sentiment de saturation du paysage.
C’est ainsi que la DREAL Hauts-de-France, dans son analyse du développement de l’éolien terrestre dans la région datée de novembre 2017 écrit notamment page 7 : « Dans ce qui allait devenir la région Hauts-de-France, l’objectif fixé en 2012 était de 4 587 MW de puissance installée par les deux SRE. Ce potentiel découlait d’un croisement de plusieurs facteurs : le potentiel éolien, les contraintes socio-économiques, environnementales et patrimoniales et les
contraintes techniques liées à la météorologie ainsi qu’à l’aviation civile et militaire. »
Selon cette même analyse (toujours page 7), au 1er juillet 2017, ce potentiel était atteint à 111% dans les Hauts-de-France et à 116% dans l’Est de la Somme. La DREAL reconnait également la saturation de l’Ouest de la Somme qui n'est pourtant qu'à 87% de ce potentiel.
La Somme avec 1 192 MW de puissance éolienne terrestre installée fin 2017 accueille plus du quart de la puissance onshore du Danemark (4 229 MW), pays européen reconnu comme étant l'un des plus densément équipé en éoliennes, alors que notre département couvre une superficie sept fois moins grande (6 170 km² contre 42 924 km²) ; ce qui représente 193 kw/km² pour la Somme, contre 98 kw/km² pour le Danemark.
Le département de la Somme
possède donc une densité d’éoliennes par km² deux fois supérieure à celle du Danemark.
Par ailleurs, la saturation visuelle de notre territoire, si elle est une nuisance pour ses habitants, pourrait aussi s’avérer néfaste pour la biodiversité. En effet, l’impact d'un tel développement sur l'environnement n'a pas été étudié à l'échelle de notre territoire (département ou région).
Enfin, le démantèlement des installations en fin de vie pose question quant à la pérennité et la salubrité de nos terres agricoles.
L’arrêté du 26 août 2011, relatif à la remise en état et à la constitution des garanties financières pour les installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, prévoit en effet :
« L'excavation des fondations et le remplacement par des terres de caractéristiques comparables aux terres en place à proximité de l'installation :
- sur une profondeur minimale de 30 centimètres, lorsque les terrains ne sont pas utilisés pour un usage agricole au titre du document d'urbanisme opposable et que la présence de roche massive ne permet pas une excavation plus importante ;
- sur une profondeur minimale de 2 mètres dans les terrains à usage forestier au titre du document d'urbanisme opposable ;
- sur une profondeur minimale de 1 mètre dans les autres cas. »
Il nous semble donc impératif de :
- fixer un cadre clair à l’installation d’éoliennes en France visant à en assurer un
développement raisonné et acceptable par nos concitoyens ;
- redonner du pouvoir au maire, aujourd’hui dépossédé de toute maîtrise de
l’implantation d’éoliennes sur son territoire ;
- prévoir une distance minimale afin d’éloigner les éoliennes de la voie publique et des habitations ;
- augmenter la profondeur des obligations de démantèlement des fondations des installations en fin de vie et, parallèlement, les sommes provisionnées à cette fin.
Pour cela, il est urgent d’entendre les élus locaux et les habitants et de suspendre toute nouvelle installation d’éoliennes dans le département de la Somme. Un moratoire permettra de mettre les différents acteurs de nos territoires autour d’une même table, d’échanger dans la sérénité, puis de prendre les bonnes décisions avec objectivité, dans la concertation, l’écoute et le dialogue.
Celui-ci devra être accompagné de la réalisation d’un bilan économique, social, énergétique, écologique et financier pour la région. Il devra, notamment, faire le point sur le nombre d’éoliennes installées et la puissance concernée, la production et la consommation actuelle, l’impact sur la biodiversité et sur la décarbonisation de la production d’électricité, le nombre d'emplois pérennes créés, le taux de charge depuis 5 ans, mais aussi établir le rapport financier entre les subventions et les retours financiers aux communes pour la région. Il devra également présenter une projection pour les prochaines années sur ces différents aspects mais aussi concernant l’impact économique pour la pêche en Hauts-de-France (éolien offshore) et sur le tourisme.
Vous remerciant de la réponse que vous voudrez bien nous apporter, nous vous prions de croire Monsieur le Ministre, en l’expression, de notre haute considération.
Stéphane Demilly, Député de la Somme