01/12/17 : Les paysages de l’éolien : on ne peut plus faire sans les citoyens
Cet article est le dernier d’une série en cinq volets.
volet 1 : « L’éolien signe la fracture entre deux visions de l’écologie » ;
volet 2 : « Les éoliennes : pourquoi si hautes ? comment ça marche ? combien sont-elles ? ») ;
volet 3 : « L’économie de l’éolien, de plus en plus concentrée, n’est pas alternative » ;
volet 4 : « Quel est l’impact des éoliennes sur l’environnement ? Le vrai, le faux ».
L’impact paysager des éoliennes et l’industrialisation des campagnes qu’elles représentent soulèvent de nombreuses oppositions. La querelle pose une question politique : l’éolien peut-il être autre chose que la poursuite du monde industriel, fondé sur la croissance, la consommation et la marchandisation du bien commun ?« C’est quand même particulièrement cruel de détruire l’environnement au nom de l’écologie, vous ne croyez pas ? » Michel Broncard, vice-président de la Fédération environnement durable, ne mâche pas ses mots. « Dans toute cette affaire, il n’y a que le vent qui soit propre », lance-t-il. Bien loin des couloirs feutrés du colloque éolien, ils sont plus d’une centaine réunis ce 7 octobre dans le centre-ville de Carcassonne pour une manifestation « contre l’éolien industriel ». Cheveux blancs, pancartes de fortune, mégaphone pour dénoncer la « démocrature », les « soldes du patrimoine » et dire non à l’obstination et aux éoliennes. Cas emblématique de la lutte anti-éolienne dans l’Aude, la situation dans la commune de Bouriège. Comme pour chaque projet faisant l’objet d’une contestation, il faudrait des volumes pour décrire les innombrables épisodes de cette mobilisation, qui dure depuis 2004. Particularités de ce projet : la destruction partielle, en 2013, d’un site archéologique connu, mais jamais fouillé, à Saint-Pierre-le-Clair.
- Manifestation à Carcassonne, le 6 octobre 2017.
« Le stade ultime du contrôle de l’industrie sur la nature sauvage »
« Ils font la loi et prennent le pouvoir sur la ruralité », soupire Agnès. Bouriège est un cas exceptionnel, mais révélateur de la façon dont se vivent souvent les installations d’éoliennes sur le terrain. À chaque manifestation ou rassemblement similaire, on retrouve les mêmes questions, la même indignation, avec désormais une politisation plus importante. En Lozère, on refuse désormais globalement l’éolien, après avoir vu les effets produits dans le département voisin de l’Aveyron : « Les promoteurs ont toujours réponse à tout, toujours raison, mais nous sommes certain que, si nous les laissons s’implanter, cela va finir ici comme en Aveyron, avec des éoliennes partout, il n’y a pas de frein », se désole Michel Cogoluègnes, de l’association Les Robins de la Margeride, qui constate « les divisions, les haines entre habitants et la disparition de solidarités » dans les villages où l’éolien s’est implanté.
Aujourd’hui, il ne s’agit donc plus seulement de lutter contre « la destruction de nos paysages » et la « baisse de la valeur foncière de résidences secondaires » ou les craintes sur l’activité touristique. Il est plus généralement question « d’abandon des citoyens », contre « le mépris et l’obstination ». Et, à chaque fois, on retrouve mêlées les revendications du « pas chez moi » avec des critiques plus globales du système énergétique et politique, et de plus en plus fréquemment de la part des militants ou ex-militants écologistes. Ainsi Monique, croisée à la manifestation de Carcassonne : « Je faisais du solaire dès les années 1980 » ; mais elle s’indigne de la tournure que prend l’éolien. « On nous vend les éoliennes comme on nous a vendu le nucléaire il y a cinquante ans. » Pour elle,c’est « le stade ultime du contrôle de l’industrie sur la nature sauvage ».
Un nouveau « paysage » pour l’énergie
Aujourd’hui, il ne s’agit donc plus seulement de lutter contre « la destruction de nos paysages » et la « baisse de la valeur foncière de résidences secondaires » ou les craintes sur l’activité touristique. Il est plus généralement question « d’abandon des citoyens », contre « le mépris et l’obstination ». Et, à chaque fois, on retrouve mêlées les revendications du « pas chez moi » avec des critiques plus globales du système énergétique et politique, et de plus en plus fréquemment de la part des militants ou ex-militants écologistes. Ainsi Monique, croisée à la manifestation de Carcassonne : « Je faisais du solaire dès les années 1980 » ; mais elle s’indigne de la tournure que prend l’éolien. « On nous vend les éoliennes comme on nous a vendu le nucléaire il y a cinquante ans. » Pour elle,c’est « le stade ultime du contrôle de l’industrie sur la nature sauvage ».
Un nouveau « paysage » pour l’énergie
La critique « paysagère », souvent évacuée parce qu’elle serait « subjective », a son importance. Mais c’est indéniable, les éoliennes se voient, et de loin. Entre un mât qui culmine à 120 mètres de haut et le clocher de l’église de 12 mètres en surplomb du moindre village, la rupture d’échelle n’a jamais été aussi grande. Est-ce vraiment si laid ? Il pourrait y avoir une forme de beauté dans la machine, l’alignement des parcs, en respect strict des courbes de niveau, cet écartement régulier, mathématique, entre deux mâts. Dans l’Aude, les rapports sur l’impact paysager préconisent désormais de créer des « espaces de respiration » entre les différents parcs déjà installés pour éviter l’effet d’encerclement.
- Mise en perspective des éoliennes et du clocher du village d’Avignonet-Lauragais (Haute-Garonne).
- Mise en perspective des éoliennes et du clocher du village d’Avignonet-Lauragais (Haute-Garonne).
Mais, si l’on s’en tient à cela, on reste encore et toujours sur une optique technicienne du paysage et de l’implantation des turbines éoliennes. Alain Nadaï, sociologue au Centre international de recherche sur l’environnement et le développement (Cired), explique la particularité de la France dans son rapport au paysage : « On a une tradition du paysage très visuelle. On considère que ce qu’il y a à protéger dans un paysage, c’est le patrimoine, ce qui est classé. » Alors que dans d’autres pays, comme dans le nord de l’Allemagne, « on pense le paysage comme le lieu de la gestion par l’assemblée des habitants d’un territoire ». C’est justement dans ces régions qu’est né l’éolien industriel, dans des conditions bien différentes. En France, difficile d’intégrer la notion de « paysage du quotidien »,toutes « ces manières de s’approprier un environnement, sa perception et la valeur que chacun y met ainsi que les liens sociaux qui s’y nouent ». Balade en famille, point de repère pour se situer dans le monde, moyen de construire des solidarités à l’échelle d’un versant, d’une vallée…
Il n’y aura pas d’éoliennes partout
Pour le pouvoir politique, cette approche est difficile à saisir. Pour l’heure, on en reste à des objectifs de politique publique, des paliers chiffrés, depuis les lois Grenelle 1 et 2 et la loi de transition énergétique : diminution de 30 % de la consommation d’énergie d’ici à 2030, division par 4 des émissions de gaz à effet de serre et augmentation de la part des renouvelables à 40 % de la production d’électricité à la même échéance. Ces objectifs seront réévalués avec la programmation pluriannuelle de l’énergie qui sera discutée début 2018. L’éolien représente à ce titre l’une des sources principales du nouveau « mix » énergétique.
Les choses évoluent. Si la volonté affichée est de réduire les freins administratifs et de simplifier les procédures de recours, le pouvoir a ouvert avec les lois sur l’économie sociale et solidaire de nouvelles possibilités de participation citoyenne aux projets éoliens. Un fonds de l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) serait également à l’étude pour permettre aux collectivités de piloter des projets jusqu’ici entièrement privés. Au ministère, on préfère attendre les résultats des discussions en cours et les premiers éléments de la programmation pluriannuelle de l’énergie pour communiquer sur le sujet.
Sur le terrain, les maigres tentatives de déconcentrer la politique énergétique ont abouti à l’annulation par la justice de quatorze schémas régionaux éoliens, le dernier en date en Languedoc-Roussillon pour « défaut d’évaluation environnementale ». Une décision « qui ne change rien », pour Agnès Langevine, vice-présidente EELV de la région Occitanie, notamment chargée des questions environnementales.
L’implication complète des citoyens dans la décision et les choix communs
Mais si ces ouvertures laissent présager la possibilité du développement moins brutal de l’énergie, elles n’abordent pas la question politique de fond : pourquoi a-t-on besoin de produire cette énergie ? Pour quel développement ou hypothétique « croissance verte » ? Que signifie utiliser la ressource du vent, faire une marchandise de ce qui est un bien commun ? Quel est le sens de créer une continuité d’urbanisme industriel entre les villes de plus en plus peuplées et les campagnes, qui selon les opposant-e-s « deviennent des zones industrielles » de l’électricité ? On ne peut plus écarter d’un revers de la main l’analyse de ceux et celles qui estiment qu’il y aurait là une « colonisation économique d’un territoire » avec des campagnes qui deviennent « des zones industrielles de production d’énergie pour les métropoles ».La critique est celle de l’éolien « et de son monde », et cette forme de production d’électricité, si elle permet en partie de répondre aux défis climatiques et énergétiques, n’est pas nécessairement plus enviable que celui des bétonneurs de tout poil sur le plan social et politique.
- Manifestation Rodez, 21 janvier 2017.
Il n’y aura pas d’éoliennes partout
Pour le pouvoir politique, cette approche est difficile à saisir. Pour l’heure, on en reste à des objectifs de politique publique, des paliers chiffrés, depuis les lois Grenelle 1 et 2 et la loi de transition énergétique : diminution de 30 % de la consommation d’énergie d’ici à 2030, division par 4 des émissions de gaz à effet de serre et augmentation de la part des renouvelables à 40 % de la production d’électricité à la même échéance. Ces objectifs seront réévalués avec la programmation pluriannuelle de l’énergie qui sera discutée début 2018. L’éolien représente à ce titre l’une des sources principales du nouveau « mix » énergétique.
Les choses évoluent. Si la volonté affichée est de réduire les freins administratifs et de simplifier les procédures de recours, le pouvoir a ouvert avec les lois sur l’économie sociale et solidaire de nouvelles possibilités de participation citoyenne aux projets éoliens. Un fonds de l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) serait également à l’étude pour permettre aux collectivités de piloter des projets jusqu’ici entièrement privés. Au ministère, on préfère attendre les résultats des discussions en cours et les premiers éléments de la programmation pluriannuelle de l’énergie pour communiquer sur le sujet.
Sur le terrain, les maigres tentatives de déconcentrer la politique énergétique ont abouti à l’annulation par la justice de quatorze schémas régionaux éoliens, le dernier en date en Languedoc-Roussillon pour « défaut d’évaluation environnementale ». Une décision « qui ne change rien », pour Agnès Langevine, vice-présidente EELV de la région Occitanie, notamment chargée des questions environnementales.
- Inauguration de la base de maintenance éolienne de Soubès (Hérault), le 23 novembre 2017. À droite, Agnès Langevine (EELV), chargée de l’environnement de la région Occitanie, aux côtés de Sébastien Steimer, directeur d’Enercon Service France.
L’implication complète des citoyens dans la décision et les choix communs
Mais si ces ouvertures laissent présager la possibilité du développement moins brutal de l’énergie, elles n’abordent pas la question politique de fond : pourquoi a-t-on besoin de produire cette énergie ? Pour quel développement ou hypothétique « croissance verte » ? Que signifie utiliser la ressource du vent, faire une marchandise de ce qui est un bien commun ? Quel est le sens de créer une continuité d’urbanisme industriel entre les villes de plus en plus peuplées et les campagnes, qui selon les opposant-e-s « deviennent des zones industrielles » de l’électricité ? On ne peut plus écarter d’un revers de la main l’analyse de ceux et celles qui estiment qu’il y aurait là une « colonisation économique d’un territoire » avec des campagnes qui deviennent « des zones industrielles de production d’énergie pour les métropoles ».La critique est celle de l’éolien « et de son monde », et cette forme de production d’électricité, si elle permet en partie de répondre aux défis climatiques et énergétiques, n’est pas nécessairement plus enviable que celui des bétonneurs de tout poil sur le plan social et politique.
Dans son ouvrage Les Illusions renouvelables (éditions l’Échappée), l’auteur libertaire José Ardillo met bien en évidence cet impensé de l’aspect politique de l’énergie, absent de la pensée capitaliste contemporaine mais aussi des marxismes et même des anarchismes du XIXe siècle qui rêvaient déjà de société idéale et d’abondance énergétique avec la « force du vent ». L’auteur constate que, loin de répondre à une nécessité sociale, la transition énergétique deviendrait un « désir banal de reconvertir une plus grande partie de la production énergétique en technologies plus propres et plus efficaces, sans poser la question la plus importante : où nous mène le maintien de certains besoins ? (...) Avons-nous encore la possibilité de choisir comment nous voulons vivre et d’évaluer comment nous pouvons vivre ? »
Les éoliennes ne sont en cela pas plus ou moins vertueuses que les autres énergies. Les promoteurs de l’éolien sont pas animés de sentiments malsains ou machiavéliques, simplement ils ne font que leur travail d‘entreprise : construire une rentabilité économique en exploitant une ressource. En cela, ils s’insèrent dans un système économique et une répartition inégalitaire du pouvoir et s’y plient. Autant l’admettre ouvertement et poser désormais le débat sur un plan politique. En arrêtant de considérer les citoyennes et citoyens comme incapables de prendre conscience des enjeux fondamentaux de l’épuisement des ressources, de l’effondrement des écosystèmes et des changements climatiques.
Certes, l’opposition ne s’exprime pas toujours avec les arguments exacts ou la bonne connaissance technique du secteur, mais elle n’en reste pas moins valable. On ne peut pas mener une politique énergétique avec des ingénieurs et des experts, qui auront de toute façon toujours une supériorité intellectuelle de fait par leur connaissance approfondie du champ d’action. Désormais, les impératifs globaux impliquent l’implication complète des citoyens dans la décision et les choix communs, et pas seulement par les mécanismes traditionnels de démocratie représentative et délégataire. Ce n’est qu’à cette condition fondamentale que l’on évitera de reproduire les mêmes mécaniques qui ont conduit à l’impasse du nucléaire et des fossiles et qui rend si difficile aujourd’hui leur sortie. Pour la politique éolienne comme pour le reste,il est temps que le vent tourne.
Certes, l’opposition ne s’exprime pas toujours avec les arguments exacts ou la bonne connaissance technique du secteur, mais elle n’en reste pas moins valable. On ne peut pas mener une politique énergétique avec des ingénieurs et des experts, qui auront de toute façon toujours une supériorité intellectuelle de fait par leur connaissance approfondie du champ d’action. Désormais, les impératifs globaux impliquent l’implication complète des citoyens dans la décision et les choix communs, et pas seulement par les mécanismes traditionnels de démocratie représentative et délégataire. Ce n’est qu’à cette condition fondamentale que l’on évitera de reproduire les mêmes mécaniques qui ont conduit à l’impasse du nucléaire et des fossiles et qui rend si difficile aujourd’hui leur sortie. Pour la politique éolienne comme pour le reste,il est temps que le vent tourne.
30/11/17 : Quel est l’impact des éoliennes sur l’environnement ? Le vrai, le faux.
Cet article est le quatrième d’une série en cinq volets.
volet 1 : « L’éolien signe la fracture entre deux visions de l’écologie » ;
volet 2 : « Les éoliennes : pourquoi si hautes ? comment ça marche ? combien sont-elles ? ») ;
volet 3 : « L’économie de l’éolien, de plus en plus concentrée, n’est pas alternative »
Énergie renouvelable, l’éolien a, comme toute énergie, un impact sur l’environnement. Mortalité des oiseaux et des chauves-souris, besoin en matières premières, infrasons, bruit,... Reporterre fait le point sur ce qui pose problème ou pas.
Les éoliennes sont-elles mauvaises pour la planète ? C’est un point de désaccord fondamental entre les partisans et les opposants au développement de cette énergie. Le nœud de la discussion ? L’éolien, industrie moderne et récente, s’accompagne d’un cortège d’impacts environnementaux, sur les paysages, le bruit, l’impact pour les oiseaux, etc. Résultat : on n’a jamais aussi bien su quels étaient les impacts d’une source d’énergie, alors qu’il est impossible de quantifier les nuisances des centrales à charbon sur les chauves-souris ou celles de l’industrie nucléaire sur les populations d’oiseaux. Les éoliennes ont cet avantage que la chaîne de causalité entre la machine et ses effets est simple à établir. Revue de détail des questions essentielles.
Biodiversité : oiseaux et chauves-souris
C’est un des domaines où les effets des éoliennes ne font plus aucun doute. Oui, les éoliennes ont un impact sur la mortalité des oiseaux et des chauves-souris. Mais attention aux effets de loupe : là où cet impact commence à être bien mesuré, il reste inférieur à d’autres causes de mortalité, qui sont moins facilement quantifiables. Pour la mortalité des oiseaux, l’éolien vient ainsi loin derrière les prédateurs naturels ; les collisions avec les immeubles, les fenêtres des constructions et des voitures ; les travaux agricoles et les lignes haute tension… Cependant, comme pour tout ce qui touche les questions de biodiversité, l’effet est cumulatif et peut se révéler réellement néfaste.
Si l’Espagne s’est rapidement fait remarquer pour sa mauvaise prise en compte des impacts sur les oiseaux, la France a été plus précautionneuse et a rapidement intégré des études d’impact sur l’avifaune dans les dossiers éoliens. Depuis novembre 2015, un protocole spécifique rend obligatoire la fourniture des données de suivi aux Directions régionales de l’environnement (Dreal). Comme pour tous les rapports de ce genre, les éléments sont fournis par des bureaux d’études payés par l’entreprise et transmis par l’exploitant à la Dreal. En dehors de la période d’enquête publique, les données de suivi ne sont pas disponibles au grand public. Des chercheurs du Muséum national d’histoire naturelle déploraient en février dernier le manque d’accessibilité de ces données.
Les éoliennes sont-elles mauvaises pour la planète ? C’est un point de désaccord fondamental entre les partisans et les opposants au développement de cette énergie. Le nœud de la discussion ? L’éolien, industrie moderne et récente, s’accompagne d’un cortège d’impacts environnementaux, sur les paysages, le bruit, l’impact pour les oiseaux, etc. Résultat : on n’a jamais aussi bien su quels étaient les impacts d’une source d’énergie, alors qu’il est impossible de quantifier les nuisances des centrales à charbon sur les chauves-souris ou celles de l’industrie nucléaire sur les populations d’oiseaux. Les éoliennes ont cet avantage que la chaîne de causalité entre la machine et ses effets est simple à établir. Revue de détail des questions essentielles.
Biodiversité : oiseaux et chauves-souris
C’est un des domaines où les effets des éoliennes ne font plus aucun doute. Oui, les éoliennes ont un impact sur la mortalité des oiseaux et des chauves-souris. Mais attention aux effets de loupe : là où cet impact commence à être bien mesuré, il reste inférieur à d’autres causes de mortalité, qui sont moins facilement quantifiables. Pour la mortalité des oiseaux, l’éolien vient ainsi loin derrière les prédateurs naturels ; les collisions avec les immeubles, les fenêtres des constructions et des voitures ; les travaux agricoles et les lignes haute tension… Cependant, comme pour tout ce qui touche les questions de biodiversité, l’effet est cumulatif et peut se révéler réellement néfaste.
Si l’Espagne s’est rapidement fait remarquer pour sa mauvaise prise en compte des impacts sur les oiseaux, la France a été plus précautionneuse et a rapidement intégré des études d’impact sur l’avifaune dans les dossiers éoliens. Depuis novembre 2015, un protocole spécifique rend obligatoire la fourniture des données de suivi aux Directions régionales de l’environnement (Dreal). Comme pour tous les rapports de ce genre, les éléments sont fournis par des bureaux d’études payés par l’entreprise et transmis par l’exploitant à la Dreal. En dehors de la période d’enquête publique, les données de suivi ne sont pas disponibles au grand public. Des chercheurs du Muséum national d’histoire naturelle déploraient en février dernier le manque d’accessibilité de ces données.
👀Études chiroptérologiques dans les dossiers réglementaires éoliens.
D’où l’importance de la parution cet été d’une étude de la Ligue de protection des oiseaux (LPO), la première à agréger les données normalement inaccessibles aux citoyens.
« On s’est rendu compte que rien n’avait été fait en France sur le sujet », explique Geoffroy Marx, chargé du programme Éolien et biodiversité à la LPO et auteur de cette étude. Agrégeant les suivis environnementaux fournis par les exploitants aux Dreal ainsi que les éléments à disposition de chercheurs, c’est le premier panorama complet sur le sujet.
Premier constat : malgré le protocole de 2015, « il reste encore compliqué d’avoir accès aux données ». En outre, les suivis réalisés sont « très hétérogènes », avec en moyenne une collecte des cadavres d’oiseaux une fois par semaine pendant au moins 26 semaines et dans un rayon de 50 mètres autour des mâts. Au total, sur 35.000 prospections réalisées sur 142 parcs éoliens étudiés, 800 cadavres ont été retrouvés, soit une mortalité relativement faible. On note également des effets plus importants dans certaines zones, en particulier les couloirs migratoires et les zones de protection spéciale (Natura 2000). Les espèces les plus concernées sont en effet celles qui sont en vol stationnaire à proximité des pales avec des passages réguliers à proximité. Selon Geoffroy Marx, en l’absence de résultats probants à ce jour concernant les dispositifs d’effarouchement que certains constructeurs utilisent sur leurs machines, le plus efficace serait tout simplement « d’éloigner les futures éoliennes des ZPS [zones de protection spéciale] et des zones à enjeux, notamment les lieux de nidification des rapaces ».
D’où l’importance de la parution cet été d’une étude de la Ligue de protection des oiseaux (LPO), la première à agréger les données normalement inaccessibles aux citoyens.
« On s’est rendu compte que rien n’avait été fait en France sur le sujet », explique Geoffroy Marx, chargé du programme Éolien et biodiversité à la LPO et auteur de cette étude. Agrégeant les suivis environnementaux fournis par les exploitants aux Dreal ainsi que les éléments à disposition de chercheurs, c’est le premier panorama complet sur le sujet.
Premier constat : malgré le protocole de 2015, « il reste encore compliqué d’avoir accès aux données ». En outre, les suivis réalisés sont « très hétérogènes », avec en moyenne une collecte des cadavres d’oiseaux une fois par semaine pendant au moins 26 semaines et dans un rayon de 50 mètres autour des mâts. Au total, sur 35.000 prospections réalisées sur 142 parcs éoliens étudiés, 800 cadavres ont été retrouvés, soit une mortalité relativement faible. On note également des effets plus importants dans certaines zones, en particulier les couloirs migratoires et les zones de protection spéciale (Natura 2000). Les espèces les plus concernées sont en effet celles qui sont en vol stationnaire à proximité des pales avec des passages réguliers à proximité. Selon Geoffroy Marx, en l’absence de résultats probants à ce jour concernant les dispositifs d’effarouchement que certains constructeurs utilisent sur leurs machines, le plus efficace serait tout simplement « d’éloigner les futures éoliennes des ZPS [zones de protection spéciale] et des zones à enjeux, notamment les lieux de nidification des rapaces ».
👀Le parc éolien français et ses impacts sur l’avifaune.
Pour les chauves-souris, on ne dispose pas de données aussi complètes. De fait, d’abord victimesdes pesticides et de la pollution lumineuse ou des chats, c’est le mammifère le plus directement affecté par les éoliennes, à la fois par la collision directe avec la machine mais aussi, comme on l’a découvert récemment, par un effet de changement brutal de pression de l’air à proximité des lames de l’éolienne. L’effet est comparable à un plongeur qui remonte trop vite à la surface sans faire de palier : la surpression. Selon les données de la Société française pour l’étude et la protection des mammifères (Sfepm), la mortalité est estimée entre 0 et 69 (fourchette large) chauves-souris par an et par éolienne. Mais, contrairement aux oiseaux, les chauves-souris ont une activité de chasse et de vol plus concentrée et réduite dans la journée et dans l’année. De ce fait, de plus en plus d’entreprises équipent leurs éoliennes avec des dispositifs de détection, d’effarouchement, qui arrêtent automatiquement l’éolienne en période de forte activité ou de migration. Selon leurs développeurs, ces systèmes diminueraient de 50 à 70 % la mortalité des chiroptères en réduisant la production seulement 0,5 % du temps. Pour l’heure aucune étude globale ne permet de mesurer leur fiabilité.
Terres rares et autres matières premières : un coût « caché » ?
Autre élément souvent pointé par les détracteurs de l’éolien, cette industrie reproduirait le schéma extractiviste. Sous-entendu : elle ne vaut pas mieux que les voitures électriques avec leur pile au lithium et toutes les prétendues nouvelles technologies qui se veulent vertes mais qui reproduisent la même logique prédatrice. Une critique portée notamment par l’ingénieur Philippe Bihouix qui prône l’abandon des hautes technologies, y compris renouvelables, pour entrer dans l’âge des « low-tech ».
De fait, reconnaît Stéphane Chatelin, directeur de l’association Négawatt : « L’éolien n’est et ne sera jamais une solution parfaitement propre. Comme tout moyen de production d’énergie, il y a un impact. » Si, pour fonctionner, une éolienne n’émet pas de gaz à effet de serre, elle utilise des matières premières et de l’énergie dans sa phase de construction et de mise en place physique, ce que les chercheurs appellent « l’énergie grise ».
Ainsi, chaque machine nécessite en premier lieu un socle de béton, environ 1.500 tonnes par mât. « Ça peut paraitre énorme de dire que l’ensemble de l’éolien consomme 1 million de tonnes par an,dit Stéphane Chatelin. Mais dans notre scénario de transition, on parie sur une diminution en parallèle de 40 millions de tonnes de béton dans l’ensemble des secteurs, notamment le bâtiment. »
Ensuite, le mât requiert de 25 à 40 tonnes d’acier selon les modèles. Les pales sont formées de composites, un mélange de résines et de fibres de verre (donc du sable), qu’on peine à recycler pour l’instant. L’électronique utilise également quelques composants précieux, comme le silicium, l’aluminium ou des plastiques polypropylènes (pétrole). La plupart de ces éléments sont recyclables - il reste à organiser ce recyclage.
Mais il y a la question des « terres rares ». Derrière cette appellation commune se cachent 17 métaux (néodyme, dysprosium, praséodyme…), « essentiellement des sous-produits de l’industrie minière, rares parce qu’ils sont plus difficiles à extraire, pas nécessairement parce que le volume total existant sur la planète est faible », explique Bernard Multon, chargé de mission développement durable pour l’ENS de Rennes. Le principal problème concerne un type particulier d’éoliennes, celles qui utilisent des génératrices à aimant permanent, une technologie qui allège la partie centrale et réduit le coût global de production. « Mais cela n’est valable que dans le marché actuel, avertit Bernard Multon, où il est plus intéressant d‘utiliser de nouvelles terres rares que de développer les technologies nécessaires pour les recycler. » Pour autant, l’exploitation de ces ressources, utilisées aussi dans les téléphones portables, les écrans d’ordinateur ou les véhicules militaires, pose de véritables problèmes environnementaux et sociaux, notamment en Chine.
Autre matière critique : le cuivre, qui sert dans les bobines de la génératrice, 600 kg environ pour une petite éolienne. Si la ressource est abondante dans le monde, c’est peut-être le seul matériau qui, largement utilisé dans tout le secteur de l’énergie, pourrait trouver à s’épuiser à moyen terme. Mais on maîtrise les technologies pour recycler le cuivre, tout l’enjeu est donc de construire les filières, et là encore tout est sujet à la bonne volonté des investissements industriels.
Arrivé à ce stade, on retrouve le même problème que pour la biodiversité. Oui, l’éolien a des impacts notoires sur les ressources naturelles, mais il est difficile de faire des comparaisons avec d’autres ressources où les impacts sont moins précisément évalués. Alors, comment savoir si une énergie est plus propre qu’une autre ? Deux méthodes permettent de répondre à cette question.
La première est le taux de retour énergétique (Eroi en anglais). Il s’agit d’un ratio entre l’énergie totale fournie par la machine durant toute son existence et l’énergie qui est nécessaire pour la construire et la démanteler. Selon les études, l’Eroi de l’éolien se situe entre 21 et 46 pour 1. Une proportion inférieure à celle du charbon (environ 50 pour 1) mais supérieure à celui du pétrole (entre 10 et 20 pour 1). Selon certains, comme Cédric Philibert, de l’Agence internationale de l’énergie, ce mode de calcul ne serait déjà plus d’actualité car il ne prend pas en compte suffisamment la spécificité intermittente des énergies renouvelables solaires et éoliennes et surtout, les progrès technique rapides dans ces énergies en développement.
Une bonne manière de sortir de ce débat est de prendre le problème dans son ensemble et de réaliser ce qui se fait déjà pour de nombreux objets du quotidien : une analyse du cycle de vie (ACV). Celle-ci prend en compte les impacts écologiques de l’extraction des matières premières de l’utilisation au recyclage et au retraitement en les rapportant à un coût en équivalent CO2 par kilowattheure produit (g CO2 eq/kWh). Selon une étude de l’Ademe de 2015, le taux d’émission pour une éolienne terrestre est de 12,7 g CO2 eq/kWh, ce qui place l’éolien en troisième position derrière l’hydraulique (6 g) et le nucléaire, mais largement devant le fioul, le gaz et le charbon.
Pour les chauves-souris, on ne dispose pas de données aussi complètes. De fait, d’abord victimesdes pesticides et de la pollution lumineuse ou des chats, c’est le mammifère le plus directement affecté par les éoliennes, à la fois par la collision directe avec la machine mais aussi, comme on l’a découvert récemment, par un effet de changement brutal de pression de l’air à proximité des lames de l’éolienne. L’effet est comparable à un plongeur qui remonte trop vite à la surface sans faire de palier : la surpression. Selon les données de la Société française pour l’étude et la protection des mammifères (Sfepm), la mortalité est estimée entre 0 et 69 (fourchette large) chauves-souris par an et par éolienne. Mais, contrairement aux oiseaux, les chauves-souris ont une activité de chasse et de vol plus concentrée et réduite dans la journée et dans l’année. De ce fait, de plus en plus d’entreprises équipent leurs éoliennes avec des dispositifs de détection, d’effarouchement, qui arrêtent automatiquement l’éolienne en période de forte activité ou de migration. Selon leurs développeurs, ces systèmes diminueraient de 50 à 70 % la mortalité des chiroptères en réduisant la production seulement 0,5 % du temps. Pour l’heure aucune étude globale ne permet de mesurer leur fiabilité.
Terres rares et autres matières premières : un coût « caché » ?
Autre élément souvent pointé par les détracteurs de l’éolien, cette industrie reproduirait le schéma extractiviste. Sous-entendu : elle ne vaut pas mieux que les voitures électriques avec leur pile au lithium et toutes les prétendues nouvelles technologies qui se veulent vertes mais qui reproduisent la même logique prédatrice. Une critique portée notamment par l’ingénieur Philippe Bihouix qui prône l’abandon des hautes technologies, y compris renouvelables, pour entrer dans l’âge des « low-tech ».
De fait, reconnaît Stéphane Chatelin, directeur de l’association Négawatt : « L’éolien n’est et ne sera jamais une solution parfaitement propre. Comme tout moyen de production d’énergie, il y a un impact. » Si, pour fonctionner, une éolienne n’émet pas de gaz à effet de serre, elle utilise des matières premières et de l’énergie dans sa phase de construction et de mise en place physique, ce que les chercheurs appellent « l’énergie grise ».
Ainsi, chaque machine nécessite en premier lieu un socle de béton, environ 1.500 tonnes par mât. « Ça peut paraitre énorme de dire que l’ensemble de l’éolien consomme 1 million de tonnes par an,dit Stéphane Chatelin. Mais dans notre scénario de transition, on parie sur une diminution en parallèle de 40 millions de tonnes de béton dans l’ensemble des secteurs, notamment le bâtiment. »
Ensuite, le mât requiert de 25 à 40 tonnes d’acier selon les modèles. Les pales sont formées de composites, un mélange de résines et de fibres de verre (donc du sable), qu’on peine à recycler pour l’instant. L’électronique utilise également quelques composants précieux, comme le silicium, l’aluminium ou des plastiques polypropylènes (pétrole). La plupart de ces éléments sont recyclables - il reste à organiser ce recyclage.
Mais il y a la question des « terres rares ». Derrière cette appellation commune se cachent 17 métaux (néodyme, dysprosium, praséodyme…), « essentiellement des sous-produits de l’industrie minière, rares parce qu’ils sont plus difficiles à extraire, pas nécessairement parce que le volume total existant sur la planète est faible », explique Bernard Multon, chargé de mission développement durable pour l’ENS de Rennes. Le principal problème concerne un type particulier d’éoliennes, celles qui utilisent des génératrices à aimant permanent, une technologie qui allège la partie centrale et réduit le coût global de production. « Mais cela n’est valable que dans le marché actuel, avertit Bernard Multon, où il est plus intéressant d‘utiliser de nouvelles terres rares que de développer les technologies nécessaires pour les recycler. » Pour autant, l’exploitation de ces ressources, utilisées aussi dans les téléphones portables, les écrans d’ordinateur ou les véhicules militaires, pose de véritables problèmes environnementaux et sociaux, notamment en Chine.
Autre matière critique : le cuivre, qui sert dans les bobines de la génératrice, 600 kg environ pour une petite éolienne. Si la ressource est abondante dans le monde, c’est peut-être le seul matériau qui, largement utilisé dans tout le secteur de l’énergie, pourrait trouver à s’épuiser à moyen terme. Mais on maîtrise les technologies pour recycler le cuivre, tout l’enjeu est donc de construire les filières, et là encore tout est sujet à la bonne volonté des investissements industriels.
Arrivé à ce stade, on retrouve le même problème que pour la biodiversité. Oui, l’éolien a des impacts notoires sur les ressources naturelles, mais il est difficile de faire des comparaisons avec d’autres ressources où les impacts sont moins précisément évalués. Alors, comment savoir si une énergie est plus propre qu’une autre ? Deux méthodes permettent de répondre à cette question.
La première est le taux de retour énergétique (Eroi en anglais). Il s’agit d’un ratio entre l’énergie totale fournie par la machine durant toute son existence et l’énergie qui est nécessaire pour la construire et la démanteler. Selon les études, l’Eroi de l’éolien se situe entre 21 et 46 pour 1. Une proportion inférieure à celle du charbon (environ 50 pour 1) mais supérieure à celui du pétrole (entre 10 et 20 pour 1). Selon certains, comme Cédric Philibert, de l’Agence internationale de l’énergie, ce mode de calcul ne serait déjà plus d’actualité car il ne prend pas en compte suffisamment la spécificité intermittente des énergies renouvelables solaires et éoliennes et surtout, les progrès technique rapides dans ces énergies en développement.
Une bonne manière de sortir de ce débat est de prendre le problème dans son ensemble et de réaliser ce qui se fait déjà pour de nombreux objets du quotidien : une analyse du cycle de vie (ACV). Celle-ci prend en compte les impacts écologiques de l’extraction des matières premières de l’utilisation au recyclage et au retraitement en les rapportant à un coût en équivalent CO2 par kilowattheure produit (g CO2 eq/kWh). Selon une étude de l’Ademe de 2015, le taux d’émission pour une éolienne terrestre est de 12,7 g CO2 eq/kWh, ce qui place l’éolien en troisième position derrière l’hydraulique (6 g) et le nucléaire, mais largement devant le fioul, le gaz et le charbon.
Émissions de CO2 selon les technologies.
👀Impacts environnementaux de l’éolien français (Ademe).
Mais là encore, les chiffres sont trompeurs puisqu’on n’inclut pas la dangerosité spécifique du nucléaire, ni celle associée au traitement des déchets par combustion.
Éoliennes vs radars
Impossible de passer en revue les problèmes que pose l’éolien sans évoquer la grande question qui occupe les développeurs en cette fin d’année 2017. En effet, les éoliennes, par le mouvement de rotation des pales, ont un impact sur la propagation des ondes émise par ailleurs. Les plus touchés sont les instruments de mesure de Météo France, mais surtout les radars de l’Aviation civile et de l’armée. L’armée entretient jalousement ses prérogatives de « sécurité intérieure » sur une partie importante des espaces aériens du pays. Voici qu’on apprenait début novembre qu’un projet de décret porterait les zones d’exclusion de l’espace aérien des radars militaires de 30 à 70 km.
De quoi faire bondir Jean-Yves Grandidier, PDG de Valorem et auteur de l’ouvrage Le vent nous portera, qui dénonce « un faire-part de décès de la politique climatique française ». Là où 50 % du territoire est déjà exclu aujourd’hui, « presque 90 % du territoire serait pris par les militaires ».
Mais là encore, les chiffres sont trompeurs puisqu’on n’inclut pas la dangerosité spécifique du nucléaire, ni celle associée au traitement des déchets par combustion.
Éoliennes vs radars
Impossible de passer en revue les problèmes que pose l’éolien sans évoquer la grande question qui occupe les développeurs en cette fin d’année 2017. En effet, les éoliennes, par le mouvement de rotation des pales, ont un impact sur la propagation des ondes émise par ailleurs. Les plus touchés sont les instruments de mesure de Météo France, mais surtout les radars de l’Aviation civile et de l’armée. L’armée entretient jalousement ses prérogatives de « sécurité intérieure » sur une partie importante des espaces aériens du pays. Voici qu’on apprenait début novembre qu’un projet de décret porterait les zones d’exclusion de l’espace aérien des radars militaires de 30 à 70 km.
De quoi faire bondir Jean-Yves Grandidier, PDG de Valorem et auteur de l’ouvrage Le vent nous portera, qui dénonce « un faire-part de décès de la politique climatique française ». Là où 50 % du territoire est déjà exclu aujourd’hui, « presque 90 % du territoire serait pris par les militaires ».
L’effet des éoliennes sur les radars.
Contactée, la Direction de la sécurité aéronautique d’État (DSAE) n’a pas pu donner d’interview directe mais a répondu par courriel aux questions de Reporterre. Pour elle, la limite des 30 km actuelle est loin d’être un dogme d’exclusion absolue. En 2017, la quasi-totalité des projets éoliens présentés à la DSAE (94 %) aurait reçu un avis favorable. En 2016 c’était 95 %.
Pour la DSAE, « ce nouveau décret est rendu nécessaire par l’accroissement significatif de la hauteur moyenne des éoliennes, passant de 120 mètres il y a dix ans à parfois plus de 200 mètres actuellement ». Au passage, c’est pour ces seules raisons de sécurité aérienne que l’Aviation civile impose les feux clignotants jour et nuit sur les nacelles et des feux supplémentaires sur les mâts si l’éolienne dépasse 150 mètres - ce qui est source de pollution lumineuse...
Ces questions sont à l’ordre du jour de la table ronde qui s‘est ouverte cet automne sous l’égide du ministère de la Transition écologique avec les acteurs de la filière et les associations environnementales spécialisées (mais pas les opposants, comme la Fédération environnement durable).
En attendant les résultats mi-décembre, le Syndicat des énergies renouvelables a justement demandé ce 29 novembre « l’adaptation des contraintes aéronautiques et radars aux enjeux de développement de l’énergie éolienne », l’un des cinq mesures pour « libérer l’éolien ».
Contactée, la Direction de la sécurité aéronautique d’État (DSAE) n’a pas pu donner d’interview directe mais a répondu par courriel aux questions de Reporterre. Pour elle, la limite des 30 km actuelle est loin d’être un dogme d’exclusion absolue. En 2017, la quasi-totalité des projets éoliens présentés à la DSAE (94 %) aurait reçu un avis favorable. En 2016 c’était 95 %.
Pour la DSAE, « ce nouveau décret est rendu nécessaire par l’accroissement significatif de la hauteur moyenne des éoliennes, passant de 120 mètres il y a dix ans à parfois plus de 200 mètres actuellement ». Au passage, c’est pour ces seules raisons de sécurité aérienne que l’Aviation civile impose les feux clignotants jour et nuit sur les nacelles et des feux supplémentaires sur les mâts si l’éolienne dépasse 150 mètres - ce qui est source de pollution lumineuse...
Ces questions sont à l’ordre du jour de la table ronde qui s‘est ouverte cet automne sous l’égide du ministère de la Transition écologique avec les acteurs de la filière et les associations environnementales spécialisées (mais pas les opposants, comme la Fédération environnement durable).
En attendant les résultats mi-décembre, le Syndicat des énergies renouvelables a justement demandé ce 29 novembre « l’adaptation des contraintes aéronautiques et radars aux enjeux de développement de l’énergie éolienne », l’un des cinq mesures pour « libérer l’éolien ».
👀Cinq mesures phares pour libérer l’éolien terrestre dans le respect des territoires et de leurs habitants.
De l’objectivité des perceptions humaines
On rentre ici dans un domaine où les études scientifiques restent parcellaires et appellent généralement à intégrer des effets psychologiques des éoliennes, et non plus seulement physiques.
Prenons par exemple le problème dit des « infrasons ». Comme l’expliquait Michel Frangeul, de l’association Courants alternatifs, dans une tribune il y a quelques semaines, les éoliennes émettent bien des ondes à basse fréquence qui traversent les murs, mais l’environnement naturel lui aussi émet de telles ondes, et dans de plus fortes proportions. Celles-ci ne sont pas audibles mais affectent néanmoins notre corps, pouvant générer des sensations désagréables ou des troubles du sommeil. Rien ne permet à l’heure actuelle de conclure scientifiquement à un effet spécifique des infrasons éoliens sur la santé humaine.
Autre problème : « l’effet stroboscopique ». Il s’agit de l’effet produit par l’ombre des pales d’éoliennes à chaque passage régulier devant le soleil. Un effet d’alternance rapide de lumière et d’ombre qui selon certains entrainerait un effet « épileptique, des nausées ou des malaises ». Là encore, les cas concernent des personnes souffrant déjà de sensibilité à l’épilepsie, l’éolienne ne venant que renforcer une sensibilité déjà présente. Pour autant, les développeurs imaginent déjà des solutions. Ainsi Kevin de la Torre, technicien de maintenance chez Enercon, soutient que dans les endroits où le problème a été signalé, « on a déjà pu ralentir les machines en fonction d’un certain degré d’élévation du soleil dans le ciel par rapport à des habitations ». Mais il ajoute : « pour cela, il faut que les gens signalent le problème à l’exploitant du parc ».
De fait, comme le remarque l’Académie de médecine dans un rapport paru en mai dernier, le « syndrome des éoliennes » constitue avant tout un ensemble de « facteurs psychologiques » qui peuvent, assemblés, générer un réel mal-être chez les personnes. Parmi les éléments invoqués : outre les sensibilités individuelles, les facteurs sociaux et financiers « contribuent fortement à susciter des sentiments de contrariété, d’insatisfaction voire de révolte ».
De l’objectivité des perceptions humaines
On rentre ici dans un domaine où les études scientifiques restent parcellaires et appellent généralement à intégrer des effets psychologiques des éoliennes, et non plus seulement physiques.
Prenons par exemple le problème dit des « infrasons ». Comme l’expliquait Michel Frangeul, de l’association Courants alternatifs, dans une tribune il y a quelques semaines, les éoliennes émettent bien des ondes à basse fréquence qui traversent les murs, mais l’environnement naturel lui aussi émet de telles ondes, et dans de plus fortes proportions. Celles-ci ne sont pas audibles mais affectent néanmoins notre corps, pouvant générer des sensations désagréables ou des troubles du sommeil. Rien ne permet à l’heure actuelle de conclure scientifiquement à un effet spécifique des infrasons éoliens sur la santé humaine.
Autre problème : « l’effet stroboscopique ». Il s’agit de l’effet produit par l’ombre des pales d’éoliennes à chaque passage régulier devant le soleil. Un effet d’alternance rapide de lumière et d’ombre qui selon certains entrainerait un effet « épileptique, des nausées ou des malaises ». Là encore, les cas concernent des personnes souffrant déjà de sensibilité à l’épilepsie, l’éolienne ne venant que renforcer une sensibilité déjà présente. Pour autant, les développeurs imaginent déjà des solutions. Ainsi Kevin de la Torre, technicien de maintenance chez Enercon, soutient que dans les endroits où le problème a été signalé, « on a déjà pu ralentir les machines en fonction d’un certain degré d’élévation du soleil dans le ciel par rapport à des habitations ». Mais il ajoute : « pour cela, il faut que les gens signalent le problème à l’exploitant du parc ».
De fait, comme le remarque l’Académie de médecine dans un rapport paru en mai dernier, le « syndrome des éoliennes » constitue avant tout un ensemble de « facteurs psychologiques » qui peuvent, assemblés, générer un réel mal-être chez les personnes. Parmi les éléments invoqués : outre les sensibilités individuelles, les facteurs sociaux et financiers « contribuent fortement à susciter des sentiments de contrariété, d’insatisfaction voire de révolte ».
👀Nuisances sanitaires des éoliennes terrestres (Académie de médecine).
Le bruit et la fureur
Reste donc le problème du bruit. Une éolienne, comme toute machine, est effectivement bruyante. À la fois au niveau de la nacelle, quand la machine fonctionne, mais surtout, avec le bruit que génèrent le bout des pales lorsqu’elles fendant l’air en tournant. Un bruit qui diminue avec la distance mais néanmoins plus ou moins audible, même à 500 mètres du mât, la distance légale avec la première habitation.
La loi limite ce bruit en se fondant sur le concept d’émergence. Il ne s’agit pas de mesurer le bruit que fait l’éolienne en tant que telle, mais de voir dans quelle mesure elle modifie le bruit de l’environnement. Car, même dans un espace parfaitement silencieux, le volume sonore n’est pas égal à 0 décibel (dB), mais plutôt autour de 20 dB. Si vous êtes en forêt un jour de vent, le volume sonore s’élève facilement au-delà de 40 dB.
Or, selon le code de la Santé publique, l’émergence d’une installation industrielle ne doit pas dépasser + 5 dB le jour et + 3 dB la nuit. Cela peut paraitre peu, mais le bruit ne fonctionne pas par simple addition mathématique, comme l’explique Jérémy Schild, expert acoustique pour le bureau d’études Venathec. « Quand, dans une conversation, deux personnes parlent en même temps plutôt qu’une seule, on ne double pas le nombre de décibels et pourtant cela s’entend nettement. »Les éoliennes, elles, s’entendent d’autant plus facilement que l’environnement est calme, avec un faible vent ou quand celui-ci est dirigé en direction des habitations. Mais ce n’est pas tout, ajoute l’expert : « Le bruit, c’est comme la température, on a chacun une tolérance différente. Et vous allez d’autant plus entendre un bruit si vous êtes contrariés ou focalisés sur lui. » Or, les problèmes de « bruit » des éoliennes se posent souvent dans les zones rurales, des espaces où malgré l’abandon par les services publics et les réseaux de transports en commun, on jouit encore d’une richesse rare : le silence, ou plutôt, l’absence de bruit artificiel. Et si l’on s’accommode bien du passage occasionnel d’une voiture au loin, il est difficile d’accepter la présence permanente et régulière du bruit, même faible, d’un objet industriel à moins d’un kilomètre de chez soi. La question change dès lors de nature, elle cesse d’être une simple nuisance réductible à des perceptions individuelles, et devient une véritable question politique.
C’est sur ce plan aussi que se joue la question cruciale du rapport le plus direct et le plus visuel des éoliennes au paysage - que nous examinerons dans le prochain volet de cette enquête.
https://reporterre.net/Quel-est-l-impact-des-eoliennes-sur-l-environnement-Le-vrai-le-faux
29/11/17 : L’économie de l’éolien, de plus en plus concentrée, n’est pas alternative
Cet article est le troisième d’une série en cinq volets.
. volet 1 : « L’éolien signe la fracture entre deux visions de l’écologie »
. volet 2 : « Les éoliennes : pourquoi si hautes ? comment ça marche ? combien sont-elles ? ».
Le bruit et la fureur
Reste donc le problème du bruit. Une éolienne, comme toute machine, est effectivement bruyante. À la fois au niveau de la nacelle, quand la machine fonctionne, mais surtout, avec le bruit que génèrent le bout des pales lorsqu’elles fendant l’air en tournant. Un bruit qui diminue avec la distance mais néanmoins plus ou moins audible, même à 500 mètres du mât, la distance légale avec la première habitation.
La loi limite ce bruit en se fondant sur le concept d’émergence. Il ne s’agit pas de mesurer le bruit que fait l’éolienne en tant que telle, mais de voir dans quelle mesure elle modifie le bruit de l’environnement. Car, même dans un espace parfaitement silencieux, le volume sonore n’est pas égal à 0 décibel (dB), mais plutôt autour de 20 dB. Si vous êtes en forêt un jour de vent, le volume sonore s’élève facilement au-delà de 40 dB.
Or, selon le code de la Santé publique, l’émergence d’une installation industrielle ne doit pas dépasser + 5 dB le jour et + 3 dB la nuit. Cela peut paraitre peu, mais le bruit ne fonctionne pas par simple addition mathématique, comme l’explique Jérémy Schild, expert acoustique pour le bureau d’études Venathec. « Quand, dans une conversation, deux personnes parlent en même temps plutôt qu’une seule, on ne double pas le nombre de décibels et pourtant cela s’entend nettement. »Les éoliennes, elles, s’entendent d’autant plus facilement que l’environnement est calme, avec un faible vent ou quand celui-ci est dirigé en direction des habitations. Mais ce n’est pas tout, ajoute l’expert : « Le bruit, c’est comme la température, on a chacun une tolérance différente. Et vous allez d’autant plus entendre un bruit si vous êtes contrariés ou focalisés sur lui. » Or, les problèmes de « bruit » des éoliennes se posent souvent dans les zones rurales, des espaces où malgré l’abandon par les services publics et les réseaux de transports en commun, on jouit encore d’une richesse rare : le silence, ou plutôt, l’absence de bruit artificiel. Et si l’on s’accommode bien du passage occasionnel d’une voiture au loin, il est difficile d’accepter la présence permanente et régulière du bruit, même faible, d’un objet industriel à moins d’un kilomètre de chez soi. La question change dès lors de nature, elle cesse d’être une simple nuisance réductible à des perceptions individuelles, et devient une véritable question politique.
C’est sur ce plan aussi que se joue la question cruciale du rapport le plus direct et le plus visuel des éoliennes au paysage - que nous examinerons dans le prochain volet de cette enquête.
https://reporterre.net/Quel-est-l-impact-des-eoliennes-sur-l-environnement-Le-vrai-le-faux
29/11/17 : L’économie de l’éolien, de plus en plus concentrée, n’est pas alternative
Cet article est le troisième d’une série en cinq volets.
. volet 1 : « L’éolien signe la fracture entre deux visions de l’écologie »
. volet 2 : « Les éoliennes : pourquoi si hautes ? comment ça marche ? combien sont-elles ? ».
Le secteur de l’énergie éolienne concerne de multiples acteurs aux rôles bien spécifiques, du « turbinier » à l’exploitant en passant par le développeur et l’« agrégateur ». Avec la dérégulation du marché de l’énergie, le secteur n’échappe pas non plus à la concentration et à la financiarisation.
Il n’était peut-être pas nécessaire de commencer par l’atelier spécifique sur les « bridages acoustiques » et la différence entre les « balourds aérodynamiques et massiques ». Et pourtant, c’est bien de cela dont on parlait, ces 19 et 20 septembre, à Paris, pour cette 8e édition du colloque national éolien dédié aux « solutions concrètes pour la France de demain ». Un rendez-vous organisé par l’association France énergie éolienne, qui regroupe 90 % des acteurs de l’éolien en France. Comprenez : des entreprises de la filière venues du monde entier, et qui investissent et travaillent sur le territoire français.
Bienvenue dans un monde où tout est bleu, comme le ciel, et blanc, comme les machines. Un rendez-vous au croisement entre le monde des ingénieurs, des techniciens et des commerciaux. Ici, comme dans beaucoup d’autres sphères, on croise essentiellement des hommes blancs en costume, plutôt jeunes. La plupart ne travaillent dans le domaine que depuis moins de cinq ans : « La filière est encore jeune », m’explique-t-on. Si jeune qu’on n’hésite pas à utiliser de nombreux gadgets pour la promouvoir, de la clef USB au casque de réalité virtuelle pour visiter une éolienne en passant par la vidéo collaborative pour décrire « son expérience » de l’éolien.
Bienvenue dans un monde où tout est bleu, comme le ciel, et blanc, comme les machines. Un rendez-vous au croisement entre le monde des ingénieurs, des techniciens et des commerciaux. Ici, comme dans beaucoup d’autres sphères, on croise essentiellement des hommes blancs en costume, plutôt jeunes. La plupart ne travaillent dans le domaine que depuis moins de cinq ans : « La filière est encore jeune », m’explique-t-on. Si jeune qu’on n’hésite pas à utiliser de nombreux gadgets pour la promouvoir, de la clef USB au casque de réalité virtuelle pour visiter une éolienne en passant par la vidéo collaborative pour décrire « son expérience » de l’éolien.
Le discours introductif d’Olivier Perot, directeur de Senvion et président de l’association organisatrice, France énergie éolienne (FEE), ne laisse aucun doute sur les affinités du moment : « Des forces puissantes sont en marche », lance-t-il d’emblée au public, avant de faire un éloge du « progrès » dont « des philosophes à la noix nous disent que c’est un mot dépassé ». Pour lui, c’est clair, « l’éolien est le moteur de la transition énergétique qui est en marche ». Clairement, on est plus proche de la « start-up nation » que de l’écologie politique, même si l’objectif commun est « de vivre dans un monde où notre énergie ne met plus en danger les générations futures ».
Regardez le clip réalisé au colloque éolien
Regardez le clip réalisé au colloque éolien
Difficile d’échapper à la communication omniprésente et d’obtenir des informations claires. On est là pour se vendre, se faire bien voir, certaines entreprises n’hésitant pas à jouer des codes sexistes les plus traditionnels pour attirer d’éventuels clients, même si l’on échappe aux outrances du Salon de l’automobile. Ici, on est entre professionnels pour parler business et rencontrer de potentiels investisseurs. Se croisent les trois grandes familles de l’industrie éolienne : constructeurs, développeurs et exploitants, auxquels s’ajoutent des fournisseurs de service spécialisés.
« L’éolien te force à avoir beaucoup de compétences »
Les constructeurs, ou « turbiniers », impossible de les manquer. Avec leur déploiement de maquettes et de films promotionnels, ils sont là pour vendre leur machine, le dernier modèle de la gamme 2 MW ou la super-éolienne de 4 MW terrestre (retrouvez les explications techniques dans notre précédent article). Entreprises imposantes au rayonnement international, les plus importantes en France sont les Allemands de Senvion, Nordex et Enercon, les Danois de Vestas. À eux quatre, ils représentent 80 % des éoliennes installées dans le pays. Il y a aussi des noms plus connus, comme Siemens, qui vient de fusionner avec l’Espagnol Gamesa, ou les États-Uniens de General Electric Renewable Energy. Manquent à l’appel Goldwind (Chine) et Suzlon (Inde), encore peu présents en Europe.
Et la France ? Seul le groupe Vergnet, basé à Ormes, dans le Loiret, produit des éoliennes de moyenne puissance (20 kW). Placé en redressement judiciaire le 31 août dernier, il est en attente de repreneur, peut-être par le groupe chinois Sinovel. Pour les éoliennes plus puissantes, Poma-Leitwind, branche du leader italien des remontées mécaniques, démarre seulement cette année la construction des premières éoliennes de 1 à 3 MW « made in France » dans ses usines de Savoie et de l’Isère.
Viennent ensuite les développeurs, plus nombreux : de la petite PME du fond du Lauragais à des grands groupes, des passionnés de l’environnement aux affairistes sentant le filon, il y a vraiment de tout. Ce sont les développeurs qui réalisent des études de potentiel éolien, repèrent les territoires les plus intéressants et les moins contraignants. Eux également qui rencontrent sur place les propriétaires de terrains et les élus, puis réalisent toute la procédure de concertation, les réunions d’information, la présentation du projet, jusqu’à sa concrétisation. Un travail qui nécessite une grande polyvalence, dit Charles Strauss, chargé d’étude chez H2Air : « Il faut une quinzaine de spécialistes, dans l’environnement, le commercial, le juridique. » Bien sûr, tous ne fonctionnent pas ainsi, certains préférant confier à des entreprises spécialisées des tâches nécessaires à l’élaboration d’un projet : études d’impacts, concertation, BTP… Le plus souvent, pour réduire le risque financier, ils créent une société de projet pour chaque parc envisagé. Ces sociétés appartiennent à l’entreprise mère qui est responsable si la filiale fait défaut.
Effet pervers des recours en cascade contre tous les projets : certains n’ont pas la capacité financière d’aller au bout et se tournent donc vers les plus gros développeurs qui, en échange de leur garantie, prennent des parts dans les projets.
« Un grand travail en amont de concertation »
Enfin on trouve les exploitants. Car beaucoup de développeurs n’ont pas la capacité ni la volonté d’entretenir des parcs, avec la logistique, la maintenance et l’infrastructure nécessaires. C’est ainsi qu’aussitôt construit, un parc éolien est souvent revendu à un exploitant puis à un autre.
Deux entreprises dominent en France le marché de l’exploitation des éoliennes : Engie (ex-GDF), qui a racheté en avril dernier l’historique Compagnie du vent ; mais surtout EDF-Energies nouvelles (ou EDF-EN), filiale à 100 % d’EDF. Absent du colloque éolien, EDF-EN est pourtant dans nombre de discussions. Et pour cause… En off, un développeur nous explique : « La plupart du temps, ce sont les plus brutaux ; ils arrivent sur les territoires comme des rois parce qu’ils peuvent se permettre de proposer des retombées financières importantes. » Mais leurs parcs éoliens sont souvent cités comme mauvais exemples en matière de concertation ou d’impact paysager mal pensé, comme en témoigne le plateau du Lévezou, en Aveyron ou dans la plaine narbonnaise. En bref, comme le résume ce développeur : « Là où EDF-EN est passé, derrière, on rame pour construire de nouveaux projets. »
Développer un projet éolien demande d’avoir les reins solides. Car, en moyenne, il faut dix ans entre la première rencontre avec les élus et propriétaires d’un terrain et la mise en marche d’une éolienne. Selon Arnaud Gossement, avocat spécialisé dans le droit de l’environnement et administrateur d’Enerplan (solaire), cela tient à la nature industrielle de l’éolien : « Comme pour tout projet important, il y a un grand travail en amont de concertation, de rencontres essentiellement avec les élus et les propriétaires mais aussi avec des réunions publiques. Sans l’appui des collectivités, je n’ai jamais vu un projet sortir de terre. »
Ensuite vient la phase des procédures administratives : étude d’impact pour les oiseaux, les chauves-souris, les paysages, la relation avec les Bâtiments de France, l’armée, les services préfectoraux, pour aboutir à une enquête publique, au bout de quatre ans de travail préalable.
Il faut également prévoir le raccordement au réseau électrique, avec un gestionnaire du réseau, Enedis, qui n’est pas toujours parfaitement coopérant. Est-ce parce qu’il s’agit d’une filiale d’EDF, qui n’a pas encore tourné la page du nucléaire ?
En moyenne, il faut cinq ans de plus en France que dans les autres pays européens pour finaliser un projet éolien. Pourquoi ? Essentiellement à cause des recours des opposants aux projets : « C’est rare de n’en avoir aucun. Même si ce sont des petites associations, la justice va mettre un ou deux ans pour se prononcer sur la forme et sur le fond », estime Arnaud Gossement. Et ces recours peuvent se multiplier : sur le permis de construire, sur l’enquête publique, sur le plan local d’urbanisme voire sur le schéma régional éolien. Avec, à la clef, un appel voire un recours au Conseil d’État.
Tous les acteurs de la filière rencontrés partagent ce sentiment d’être des victimes, de rencontrer des freins considérables sur leur route. Et pour eux, c’est l’appareil de production électrique, de l’École des mines à EDF, qui forme ce que l’écologiste Corinne Lepage appelait « l’État nucléaire »et qui freine leurs ambitions. Comme si les associations et riverains qui se lèvent ici et là n’agissaient pas de façon autonome, refusant, à tort ou à raison, que les éoliennes industrielles s’implantent sur leur commune.
Le dernier coup en date vient de l’armée, qui prévoit, selon un projet de décret, d’étendre les zones d’exclusion aérienne de ses radars de 30 à 70 km. Une concertation a démarré sous l’égide du ministère de la Transition énergétique pour trouver des solutions avec les acteurs de la filière. Résultats attendus d’ici le début d’année 2018.
Un changement du régime économique« L’éolien te force à avoir beaucoup de compétences »
Les constructeurs, ou « turbiniers », impossible de les manquer. Avec leur déploiement de maquettes et de films promotionnels, ils sont là pour vendre leur machine, le dernier modèle de la gamme 2 MW ou la super-éolienne de 4 MW terrestre (retrouvez les explications techniques dans notre précédent article). Entreprises imposantes au rayonnement international, les plus importantes en France sont les Allemands de Senvion, Nordex et Enercon, les Danois de Vestas. À eux quatre, ils représentent 80 % des éoliennes installées dans le pays. Il y a aussi des noms plus connus, comme Siemens, qui vient de fusionner avec l’Espagnol Gamesa, ou les États-Uniens de General Electric Renewable Energy. Manquent à l’appel Goldwind (Chine) et Suzlon (Inde), encore peu présents en Europe.
Et la France ? Seul le groupe Vergnet, basé à Ormes, dans le Loiret, produit des éoliennes de moyenne puissance (20 kW). Placé en redressement judiciaire le 31 août dernier, il est en attente de repreneur, peut-être par le groupe chinois Sinovel. Pour les éoliennes plus puissantes, Poma-Leitwind, branche du leader italien des remontées mécaniques, démarre seulement cette année la construction des premières éoliennes de 1 à 3 MW « made in France » dans ses usines de Savoie et de l’Isère.
Viennent ensuite les développeurs, plus nombreux : de la petite PME du fond du Lauragais à des grands groupes, des passionnés de l’environnement aux affairistes sentant le filon, il y a vraiment de tout. Ce sont les développeurs qui réalisent des études de potentiel éolien, repèrent les territoires les plus intéressants et les moins contraignants. Eux également qui rencontrent sur place les propriétaires de terrains et les élus, puis réalisent toute la procédure de concertation, les réunions d’information, la présentation du projet, jusqu’à sa concrétisation. Un travail qui nécessite une grande polyvalence, dit Charles Strauss, chargé d’étude chez H2Air : « Il faut une quinzaine de spécialistes, dans l’environnement, le commercial, le juridique. » Bien sûr, tous ne fonctionnent pas ainsi, certains préférant confier à des entreprises spécialisées des tâches nécessaires à l’élaboration d’un projet : études d’impacts, concertation, BTP… Le plus souvent, pour réduire le risque financier, ils créent une société de projet pour chaque parc envisagé. Ces sociétés appartiennent à l’entreprise mère qui est responsable si la filiale fait défaut.
Effet pervers des recours en cascade contre tous les projets : certains n’ont pas la capacité financière d’aller au bout et se tournent donc vers les plus gros développeurs qui, en échange de leur garantie, prennent des parts dans les projets.
« Un grand travail en amont de concertation »
Enfin on trouve les exploitants. Car beaucoup de développeurs n’ont pas la capacité ni la volonté d’entretenir des parcs, avec la logistique, la maintenance et l’infrastructure nécessaires. C’est ainsi qu’aussitôt construit, un parc éolien est souvent revendu à un exploitant puis à un autre.
Deux entreprises dominent en France le marché de l’exploitation des éoliennes : Engie (ex-GDF), qui a racheté en avril dernier l’historique Compagnie du vent ; mais surtout EDF-Energies nouvelles (ou EDF-EN), filiale à 100 % d’EDF. Absent du colloque éolien, EDF-EN est pourtant dans nombre de discussions. Et pour cause… En off, un développeur nous explique : « La plupart du temps, ce sont les plus brutaux ; ils arrivent sur les territoires comme des rois parce qu’ils peuvent se permettre de proposer des retombées financières importantes. » Mais leurs parcs éoliens sont souvent cités comme mauvais exemples en matière de concertation ou d’impact paysager mal pensé, comme en témoigne le plateau du Lévezou, en Aveyron ou dans la plaine narbonnaise. En bref, comme le résume ce développeur : « Là où EDF-EN est passé, derrière, on rame pour construire de nouveaux projets. »
Installation des parcs par constructeur et exploitant, mi-2017.
Développer un projet éolien demande d’avoir les reins solides. Car, en moyenne, il faut dix ans entre la première rencontre avec les élus et propriétaires d’un terrain et la mise en marche d’une éolienne. Selon Arnaud Gossement, avocat spécialisé dans le droit de l’environnement et administrateur d’Enerplan (solaire), cela tient à la nature industrielle de l’éolien : « Comme pour tout projet important, il y a un grand travail en amont de concertation, de rencontres essentiellement avec les élus et les propriétaires mais aussi avec des réunions publiques. Sans l’appui des collectivités, je n’ai jamais vu un projet sortir de terre. »
Ensuite vient la phase des procédures administratives : étude d’impact pour les oiseaux, les chauves-souris, les paysages, la relation avec les Bâtiments de France, l’armée, les services préfectoraux, pour aboutir à une enquête publique, au bout de quatre ans de travail préalable.
Il faut également prévoir le raccordement au réseau électrique, avec un gestionnaire du réseau, Enedis, qui n’est pas toujours parfaitement coopérant. Est-ce parce qu’il s’agit d’une filiale d’EDF, qui n’a pas encore tourné la page du nucléaire ?
En moyenne, il faut cinq ans de plus en France que dans les autres pays européens pour finaliser un projet éolien. Pourquoi ? Essentiellement à cause des recours des opposants aux projets : « C’est rare de n’en avoir aucun. Même si ce sont des petites associations, la justice va mettre un ou deux ans pour se prononcer sur la forme et sur le fond », estime Arnaud Gossement. Et ces recours peuvent se multiplier : sur le permis de construire, sur l’enquête publique, sur le plan local d’urbanisme voire sur le schéma régional éolien. Avec, à la clef, un appel voire un recours au Conseil d’État.
Comparatif des recours contre le nucléaire et contre l’éolien.
Le dernier coup en date vient de l’armée, qui prévoit, selon un projet de décret, d’étendre les zones d’exclusion aérienne de ses radars de 30 à 70 km. Une concertation a démarré sous l’égide du ministère de la Transition énergétique pour trouver des solutions avec les acteurs de la filière. Résultats attendus d’ici le début d’année 2018.
2017 est une année charnière à de nombreux titres pour l’éolien. Depuis le mois de janvier, le système de rémunération a considérablement évolué. Pour comprendre, il faut faire un brin d’analyse de fonctionnement du marché de l’énergie.
Jusqu’ici, quand on produisait de l’énergie éolienne, on devait passer un contrat avec le distributeur EDF, pour une durée donnée et avec un tarif de rachat garanti à un prix donné. Un tarif d’achat largement subventionné, pour encourager la filière dans cette période naissante. Le financement s’opérait via une taxe sur les factures d’électricité, la « contribution au service public de l’électricité » (CSPE). En 2016, selon la Commission de régulation de l’énergie, l’éolien recevait 17 %, soit 1,3 milliard d’euros, du montant de cette taxe.
Mais l’Union européenne a accéléré la mise en concurrence du marché de l’électricité et des énergies, la France a donc dû adapter sa réglementation et supprimer ce tarif de rachat garanti pour le remplacer par de nouveaux dispositifs.
Pour Marine Bourboulon, chef de projet chez Boralex, « l’éolien commence à devenir mature et à se passer de subventions. Depuis le 1er janvier 2017, on aura donc désormais deux cas de figure. Pour les nouveaux parcs de maximum 6 éoliennes, l’opérateur vendra son électricité au tarif du marché, à laquelle s’ajoutera un complément de rémunération versé par l’État pour atteindre un tarif cible ». Si le tarif de rachat garanti permettait d’atteindre environ 80 €/MWh produit, le nouveau complément de rémunération se fonde sur un tarif de référence de 72 €/MWh pour les premiers mégawattheures produits puis descend à 40 €/MWh.
Rémunération et complément de rémunération des producteurs.
Un secteur en pleine concentration, avec des firmes de plus en plus puissantes
Mais surtout, pour les parcs plus importants (ou dépassant 6 MW de puissance totale), l’État procèdera désormais par appel d’offres et mise en concurrence. C’est lui qui choisira donc des lots en fonction de ses objectifs politiques. Ce 1er décembre sera fermé le dépôt des candidatures pour six tranches de 500 MW d’ici à 2020.Mais tout ceci s’inscrit dans un contexte européen très libéral. Du fait des directives européennes, le marché a été en partie ouvert à la concurrence avec la fin progressive des tarifs réglementés. Si, pour le consommateur, cela s’est surtout traduit par une hausse des factures, les industriels sont engagés dans une grande course à la rentabilité. Conséquence : les moins puissants disparaissent ou sont rachetés. Le secteur des renouvelables n’échappe pas à cette concentration, qui provoque également des plans de licenciements.
La fusion de Siemens avec Gamesa Renewable Energy provoque déjà la suppression de 6.000 emplois dans le monde, un quart de ses effectifs. Les autres turbiniers ne sont pas en reste, avec une baisse des deux tiers de la valeur des actions en 2017 pour General Electric-RE, Nordex et Vestas, ce dernier annonçant mi-novembre une baisse de 6 % de son chiffre d’affaires. L’Allemagne, un puissant moteur du secteur, évolue elle aussi, selon Emmanuel Fayat, responsable commercial chez Enercon : « L’Allemagne, déjà avancée dans sa transition énergétique, a modifié cette année son niveau de réglementation et diminué le volume de puissance raccordé. D’où une baisse des prévisions d’installations. »
Pour les entreprises cotées en Bourse, Vestas, Siemens-Gamesa ou Nordex, la baisse des commandes d’éoliennes conduit directement à une chute du cours de l’action. Àl’inverse, Enercon, entreprise d’origine familiale, reste relativement épargnée. « La France demeure un des marchés les plus stables, et le changement du mode de rémunération va se faire progressivement, avec un double système pendant quelques années », espère le constructeur.
Mais partout, les offres d’achat ou de rachat se multiplient. Il est fort à craindre que l’on aboutisse à une plus grande concentration d’entreprises qui écrase toutes les autres, notamment les plus vertueuses. Le renouvelable ne renouvelle pas les pratiques économiques. « Le secteur n’est pas plus vertueux qu’un autre », reconnaît Stéphane Chatelin, de Negawatt.
Derrière toute cette logique folle, les soucis écologiques pèsent finalement bien peu, les objectifs de réductions de consommation d’énergie semblent bien lointains. Et les problèmes posés par la technologie éolienne restent, eux, au second plan.
https://reporterre.net/L-economie-de-l-eolien-de-plus-en-plus-concentree-n-est-pas-alternative
28/11/17 : Les éoliennes : pourquoi si hautes ? comment ça marche ? combien sont-elles ?
Même si en France, on dépasse encore rarement les 120 m (de mât), pourquoi aller plus haut ? Est-ce vraiment pour se rapprocher de l’avenir ? La réponse est donnée par Bernard Multon, enseignant-chercheur à l’ENS de Rennes, spécialisé dans les technologies de l’énergie : « La vitesse du vent varie considérablement selon la hauteur. Si vous la mesurez au ras du sol, même en pleine tempête, le vent sera quasi nul, à cause de tous les obstacles et frottements de l’air. À l’inverse, dès que vous montez en altitude, vous avez des vents plus intenses. » Dans des endroits où l’humain ne sent qu’une petite brise, un appareil de mesure de la vitesse du vent placé à 100 mètres de hauteur constatera l’existence d’un « gisement » éolien. En rehaussant une même machine de 10 ou 20 m de haut, on augmente considérablement le temps équivalent où l’éolienne fonctionne à pleine puissance et donc sa productivité annuelle. Et si, en plus de cela, on augmente un peu la longueur des pales, cela accroit encore plus significativement l’effet bénéfique.
Cette augmentation de hauteur se joue depuis une dizaine d’années. Pour Cédric Philibert, de la division des Énergies renouvelables à l’Agence internationale de l’énergie (AIE), « cela a d’une part permis de mettre des éoliennes dans des endroits moins venteux, jusqu’ici non exploitables » mais surtout, « on s’est rendu compte qu’on pouvait les mettre aussi dans des endroits plus venteux et ainsi augmenter de 25 à 35 % le facteur de charge ».
Combien d’éoliennes aujourd’hui et pour quelle énergie produite ?
C’est là l’un des enjeux majeurs des énergies renouvelables variables. Comme elles ne produisent pas en permanence à pleine puissance, l’énergie réellement produite est inférieure à la puissance maximale des engins. Il faut bien distinguer deux éléments. On caractérise les éoliennes par leur puissance nominale. De 1 MW il y a dix ans, le standard est aujourd’hui autour de 3 MW et les modèles les plus récents montent à 4 MW pour les éoliennes terrestres. En mer, les machines coûtent plus cher mais produisent actuellement 5 MW, de nouveaux modèles étant expérimentés à 8 MW. La somme de ces puissances nominales constitue la puissance installée.
Actuellement, en France, l’éolien représente un parc d’environ 9 % du total de la puissance installée de l’ensemble des énergies, avec 12,8 GW raccordés au réseau électrique, selon les données parues (page 6) dans le Panorama de l’électricité renouvelable au 30 septembre 2017. Ces 12,8 GW sont en deçà des objectifs fixés par la loi de transition énergétique et le décret de programmation pluriannuelle de l’énergie qui vise 15 GW à la fin de l’année 2018, puis de 21,8 à 26 GW pour 2023.
La production d’électricité, elle, va se mesurer en kilowattheures (kWh) ou térawattheures (TWh, milliards de kWh), en quantité d’énergie produite. Selon les données du bilan électrique 2016 de RTE, la production éolienne s’est élevée à 20,7 TWh, soit environ 3,9 % de la production totale ou encore 4,4% de la consommation intérieure.
Ce que cela représente physiquement ? Les projets sont regroupés par parcs allant de 5 à 70 éoliennes. Au 31 mai 2017, on comptait 1.223 parcs réalisés ou en projet, soit environ 6.500 mâts.
Peut-on stocker l’énergie produite par les éoliennes ?
Des batteries en mesure de stocker les grandes quantités d’électricité produites par de nombreuses éoliennes auraient un coût considérable, même si la technologie évolue très rapidement. En réalité, on stocke déjà une part importante d’électricité de manière indirecte. Il s’agit de la technologie Step, pour « stations de transfert d’énergie par pompage ». On associe l’énergie hydraulique à une autre source, qui est actuellement le nucléaire, mais peut également être l’éolien, comme l’explique Bernard Multon : « Lorsque le premier est en surproduction par rapport à la demande, les groupes hydrauliques fonctionnent en mode moteur-pompe, qui fait remonter l’eau du bassin inférieur du barrage en amont pour le remplir. Lorsqu’en revanche l’éolien ne produit plus assez, on fait fonctionner l’installation hydroélectrique en mode générateur-turbine, qui décharge alors l’énergie précédemment stockée pour compenser le manque de production. » Ce système pourrait s’avérer d’autant plus utile s’il s’accompagnait de la fermeture de centrales nucléaires situées au bord de la Garonne ou en vallée du Rhône, qui utilisent de grands volumes d’eau pour refroidir leurs réacteurs.
Plus complexe, on assiste à l’apparition d’une autre forme de stockage, appelée « power to gas ». Si l’électricité est à utiliser immédiatement, le gaz, lui, peut se stocker plus aisément. Suivant la méthode de l’électrolyse, on fait passer l’électricité dans de l’eau pour séparer oxygène et hydrogène. Si l’on combine ce dernier à du CO2 , on peut créer du méthane (ou gaz naturel) : on appelle cette transformation la « méthanation », à ne pas confondre avec la méthanisation, qui provient de la décomposition de matières organiques. Des recherches sur le sujet sont en cours, avec un démonstrateur de l’opérateur GRTGaz qui devrait entrer en service dès 2018. Mais cette solution pose de nombreux problèmes avec des enjeux géopolitiques, car elle intègre les multinationales du gaz dans l’économie des renouvelables. Dans un récent rapport, l’Observatoire des multinationales et Attac s’alarmaient justement du lobbying de l’industrie gazière dans l’Union européenne pour développer les infrastructures, sans véritable souci écologique.
Combien d’éoliennes en 2050 ?
Associations et experts élaborent des scénarios, le plus connu étant celui de Négawatt, qui vise le 100 % renouvelable en 2050 et établit les besoins année après année pour y parvenir progressivement, en y adjoignant économies d’énergies et investissements massifs dans l’efficacité énergétique.
Selon le dernier scénario Négawatt, avec 247 TWh d’énergie produite en 2050 et environ 18.000 mâts sur terre et en mer, l’éolien représenterait la première source d’énergie renouvelable électrique là où aujourd’hui, avec une production annuelle de 20 TWh, elle vient bien après la biomasse et l’hydraulique. Pourquoi parier à ce point sur le vent ?
« La France bénéficie de gisements éoliens importants, avec trois régimes de vent, océanique, continental et méditerranéen, explique Stéphane Chatelin, directeur de Négawatt, mais aussi parce que nous avons de vastes zones peu densément peuplées, qui permettent l’installation de machines. » Mais il ajoute : « Il faudra faire en sorte de ne pas concentrer tous les parcs dans quelques départements ».
L’importance de l’éolien est également renforcée par la manière dont nous consommons l’énergie selon les latitudes, comme le rappelle Cédric Philibert : « Le productible éolien est important car il arrive au moment où la demande est forte, en hiver. » C’est un héritage du passé : la France s’est massivement dotée en chauffage électrique dans les années 1980 pour écouler la surproduction des centrales nucléaires. C’est aussi dans les périodes froides de l‘année qu’on trouve le plus de vent. À l’inverse, en été, où la production éolienne est plus faible, l’énergie solaire peut prendre le relais, pour alimenter les climatisations et le frigorifique. L’Inde et le Maghreb, eux, misent beaucoup plus sur l’énergie solaire.
L’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) présente quant à elle un scénario moins ambitieux d’un mix électrique allant de 50 à 100 % de renouvelables. Mais là encore, plus la part des renouvelables augmente, plus l’éolien prend une place importante dans le mix, avec notamment l’ambition du développement de l’éolien en mer à partir de 2025. Là où, dans les pays nordiques, la technologie de l’éolien « posé » (pour des eaux de moins de 40 mètres de profondeur) est déjà bien développée, la France tente de tirer son épingle du jeu en expérimentant l’éolien « flottant », une première éolienne de ce type venant d’être inaugurée au large du Croisic (Loire-Atlantique), pour une phase d’expérimentation tandis que se concluent les premiers appels d’offres dans le domaine.
Cet article est le deuxième d’une série en cinq volets. Il suit « L’éolien signe la fracture entre deux visions de l’écologie ».
Vitesse du vent, puissance installée, stockage de l’énergie produite… les questions techniques liées aux éoliennes sont nombreuses. Reporterre se plonge dans la mécanique et le vent pour tout vous expliquer.
Comment fonctionne une éolienne ?
Au commencement était le Soleil. Sous l’effet de sa chaleur, des molécules d’air se déplacent, avec des vitesses variables, des zones de pressions élevées vers des zones de pressions plus faibles. Ainsi naît le vent. Sur son passage, on dispose une turbine de trois pales, profilées comme des ailes d’avion. L’air est accéléré d’un côté et freiné de l’autre, ce qui leur confère une force de portance. Les pales se mettent à tourner, et la puissance du vent est transformée en puissance mécanique. La turbine est reliée à une génératrice électrique qui transforme l’énergie de cette rotation en électricité. Voilà pour le principe.
Mais, par définition, le vent est variable, il n’est pas continu On va donc ajouter un autre composant fondamental, un convertisseur électronique de puissance, qui va piloter l’éolienne. D’une part, il adapte la vitesse de rotation des pales à la vitesse du vent : plus il souffle fort, plus l’éolienne tourne vite ; d’autre part, il régule, au moins partiellement, la production en fonction des besoins du réseau. Bien sûr, en dessous d’une certaine vitesse du vent, l’éolienne est à l’arrêt, il faut donc un minimum de vent pour faire fonctionner la machine. Dès qu’il dépasse environ 10 km/h, la turbine commence à produire. La vitesse de rotation de la turbine accélère proportionnellement à la vitesse du vent, jusqu’au seuil des 50 km/h environ. Là, l’éolienne atteint son optimum économique, elle produit ce que l’on appelle sa puissance nominale : la puissance maximale que peut fournir cette éolienne.
Au-delà de cette vitesse, on diminue volontairement la prise au vent (portance) des pales, la production est « écrêtée » pour rester stable au niveau de la puissance nominale. Enfin, quand le vent s’approche des 100 km/h, on arrête tout simplement la machine, pour ne pas lui faire subir une force trop grande. Même si elles nous marquent plus, ces journées de grand vent sont en fait très rares rapportées à l’ensemble d’une année et il n’est pas rentable de concevoir des machines (plus coûteuses, par exemple avec des matériaux plus résistants) capables de fonctionner si peu souvent. Voilà pourquoi les éoliennes ne tournent
Vitesse du vent, puissance installée, stockage de l’énergie produite… les questions techniques liées aux éoliennes sont nombreuses. Reporterre se plonge dans la mécanique et le vent pour tout vous expliquer.
Comment fonctionne une éolienne ?
Au commencement était le Soleil. Sous l’effet de sa chaleur, des molécules d’air se déplacent, avec des vitesses variables, des zones de pressions élevées vers des zones de pressions plus faibles. Ainsi naît le vent. Sur son passage, on dispose une turbine de trois pales, profilées comme des ailes d’avion. L’air est accéléré d’un côté et freiné de l’autre, ce qui leur confère une force de portance. Les pales se mettent à tourner, et la puissance du vent est transformée en puissance mécanique. La turbine est reliée à une génératrice électrique qui transforme l’énergie de cette rotation en électricité. Voilà pour le principe.
Mais, par définition, le vent est variable, il n’est pas continu On va donc ajouter un autre composant fondamental, un convertisseur électronique de puissance, qui va piloter l’éolienne. D’une part, il adapte la vitesse de rotation des pales à la vitesse du vent : plus il souffle fort, plus l’éolienne tourne vite ; d’autre part, il régule, au moins partiellement, la production en fonction des besoins du réseau. Bien sûr, en dessous d’une certaine vitesse du vent, l’éolienne est à l’arrêt, il faut donc un minimum de vent pour faire fonctionner la machine. Dès qu’il dépasse environ 10 km/h, la turbine commence à produire. La vitesse de rotation de la turbine accélère proportionnellement à la vitesse du vent, jusqu’au seuil des 50 km/h environ. Là, l’éolienne atteint son optimum économique, elle produit ce que l’on appelle sa puissance nominale : la puissance maximale que peut fournir cette éolienne.
Au-delà de cette vitesse, on diminue volontairement la prise au vent (portance) des pales, la production est « écrêtée » pour rester stable au niveau de la puissance nominale. Enfin, quand le vent s’approche des 100 km/h, on arrête tout simplement la machine, pour ne pas lui faire subir une force trop grande. Même si elles nous marquent plus, ces journées de grand vent sont en fait très rares rapportées à l’ensemble d’une année et il n’est pas rentable de concevoir des machines (plus coûteuses, par exemple avec des matériaux plus résistants) capables de fonctionner si peu souvent. Voilà pourquoi les éoliennes ne tournent
pas les jours de tempête.Schéma théorique de la courbe de puissance d’une éolienne selon la vitesse du vent.
On comprend ainsi qu’une éolienne ne tourne pas toujours à pleine puissance. Mais pourquoi entend-on parfois des opposants dire que les éoliennes ne tournent qu’un tiers du temps ? C’est là une confusion autour de l’idée de facteur de charge. Quand on dit que le facteur de charge d’une éolienne est d’environ 30 %, cela signifie qu’elle fonctionne à pleine puissance pendant une durée équivalente à 30 % du nombre d’heures total dans une année. Mais pas qu’elles ne tournent que 30 % du temps. En fait, une éolienne tourne, même au ralenti pendant 80 à 90 % du temps. Le plus souvent, elles ne sont arrêtées qu’en cas de surproduction, panne ou maintenance.
Pourquoi les éoliennes sont-elles si hautes ?
Pour mesurer une éolienne, on dispose de deux mesures principales :
la hauteur du mât, au niveau de la nacelle centrale ;
le diamètre du rotor, c’est à dire deux fois la longueur d’une des pales.
On parle souvent de la hauteur en bout de pale, ce qui renforce l’effet d’immensité. Aussi, quand on désigne une éolienne de 150 m de haut, il s’agit de la hauteur « en bout de pale », soit la hauteur du mât (100 m) plus la longueur d’une pale (50 m). À titre de comparaison, les hauts immeubles récents de 15 étages mesurent 50 mètres de hauteur.
L’effet est encore plus renforcé par l’absence dans les campagnes d’autres éléments d’une telle hauteur, ce qui marque une « rupture d’échelle » entre les éoliennes qui paraissent immenses à côté de certains clochers d’église par exemple, surtout avec une longue focale.
Aujourd’hui, on assiste à une course à l’agrandissement et à l’élévation des éoliennes : les plus récents modèles expérimentés à l’étranger atteignent désormais les 160 m de hauteur de mât, soit 230 m en bout de pale.On comprend ainsi qu’une éolienne ne tourne pas toujours à pleine puissance. Mais pourquoi entend-on parfois des opposants dire que les éoliennes ne tournent qu’un tiers du temps ? C’est là une confusion autour de l’idée de facteur de charge. Quand on dit que le facteur de charge d’une éolienne est d’environ 30 %, cela signifie qu’elle fonctionne à pleine puissance pendant une durée équivalente à 30 % du nombre d’heures total dans une année. Mais pas qu’elles ne tournent que 30 % du temps. En fait, une éolienne tourne, même au ralenti pendant 80 à 90 % du temps. Le plus souvent, elles ne sont arrêtées qu’en cas de surproduction, panne ou maintenance.
Pourquoi les éoliennes sont-elles si hautes ?
Pour mesurer une éolienne, on dispose de deux mesures principales :
la hauteur du mât, au niveau de la nacelle centrale ;
le diamètre du rotor, c’est à dire deux fois la longueur d’une des pales.
On parle souvent de la hauteur en bout de pale, ce qui renforce l’effet d’immensité. Aussi, quand on désigne une éolienne de 150 m de haut, il s’agit de la hauteur « en bout de pale », soit la hauteur du mât (100 m) plus la longueur d’une pale (50 m). À titre de comparaison, les hauts immeubles récents de 15 étages mesurent 50 mètres de hauteur.
L’effet est encore plus renforcé par l’absence dans les campagnes d’autres éléments d’une telle hauteur, ce qui marque une « rupture d’échelle » entre les éoliennes qui paraissent immenses à côté de certains clochers d’église par exemple, surtout avec une longue focale.
Même si en France, on dépasse encore rarement les 120 m (de mât), pourquoi aller plus haut ? Est-ce vraiment pour se rapprocher de l’avenir ? La réponse est donnée par Bernard Multon, enseignant-chercheur à l’ENS de Rennes, spécialisé dans les technologies de l’énergie : « La vitesse du vent varie considérablement selon la hauteur. Si vous la mesurez au ras du sol, même en pleine tempête, le vent sera quasi nul, à cause de tous les obstacles et frottements de l’air. À l’inverse, dès que vous montez en altitude, vous avez des vents plus intenses. » Dans des endroits où l’humain ne sent qu’une petite brise, un appareil de mesure de la vitesse du vent placé à 100 mètres de hauteur constatera l’existence d’un « gisement » éolien. En rehaussant une même machine de 10 ou 20 m de haut, on augmente considérablement le temps équivalent où l’éolienne fonctionne à pleine puissance et donc sa productivité annuelle. Et si, en plus de cela, on augmente un peu la longueur des pales, cela accroit encore plus significativement l’effet bénéfique.
Cette augmentation de hauteur se joue depuis une dizaine d’années. Pour Cédric Philibert, de la division des Énergies renouvelables à l’Agence internationale de l’énergie (AIE), « cela a d’une part permis de mettre des éoliennes dans des endroits moins venteux, jusqu’ici non exploitables » mais surtout, « on s’est rendu compte qu’on pouvait les mettre aussi dans des endroits plus venteux et ainsi augmenter de 25 à 35 % le facteur de charge ».
Combien d’éoliennes aujourd’hui et pour quelle énergie produite ?
C’est là l’un des enjeux majeurs des énergies renouvelables variables. Comme elles ne produisent pas en permanence à pleine puissance, l’énergie réellement produite est inférieure à la puissance maximale des engins. Il faut bien distinguer deux éléments. On caractérise les éoliennes par leur puissance nominale. De 1 MW il y a dix ans, le standard est aujourd’hui autour de 3 MW et les modèles les plus récents montent à 4 MW pour les éoliennes terrestres. En mer, les machines coûtent plus cher mais produisent actuellement 5 MW, de nouveaux modèles étant expérimentés à 8 MW. La somme de ces puissances nominales constitue la puissance installée.
Actuellement, en France, l’éolien représente un parc d’environ 9 % du total de la puissance installée de l’ensemble des énergies, avec 12,8 GW raccordés au réseau électrique, selon les données parues (page 6) dans le Panorama de l’électricité renouvelable au 30 septembre 2017. Ces 12,8 GW sont en deçà des objectifs fixés par la loi de transition énergétique et le décret de programmation pluriannuelle de l’énergie qui vise 15 GW à la fin de l’année 2018, puis de 21,8 à 26 GW pour 2023.
La production d’électricité, elle, va se mesurer en kilowattheures (kWh) ou térawattheures (TWh, milliards de kWh), en quantité d’énergie produite. Selon les données du bilan électrique 2016 de RTE, la production éolienne s’est élevée à 20,7 TWh, soit environ 3,9 % de la production totale ou encore 4,4% de la consommation intérieure.
Ce que cela représente physiquement ? Les projets sont regroupés par parcs allant de 5 à 70 éoliennes. Au 31 mai 2017, on comptait 1.223 parcs réalisés ou en projet, soit environ 6.500 mâts.
Peut-on stocker l’énergie produite par les éoliennes ?
Des batteries en mesure de stocker les grandes quantités d’électricité produites par de nombreuses éoliennes auraient un coût considérable, même si la technologie évolue très rapidement. En réalité, on stocke déjà une part importante d’électricité de manière indirecte. Il s’agit de la technologie Step, pour « stations de transfert d’énergie par pompage ». On associe l’énergie hydraulique à une autre source, qui est actuellement le nucléaire, mais peut également être l’éolien, comme l’explique Bernard Multon : « Lorsque le premier est en surproduction par rapport à la demande, les groupes hydrauliques fonctionnent en mode moteur-pompe, qui fait remonter l’eau du bassin inférieur du barrage en amont pour le remplir. Lorsqu’en revanche l’éolien ne produit plus assez, on fait fonctionner l’installation hydroélectrique en mode générateur-turbine, qui décharge alors l’énergie précédemment stockée pour compenser le manque de production. » Ce système pourrait s’avérer d’autant plus utile s’il s’accompagnait de la fermeture de centrales nucléaires situées au bord de la Garonne ou en vallée du Rhône, qui utilisent de grands volumes d’eau pour refroidir leurs réacteurs.
Plus complexe, on assiste à l’apparition d’une autre forme de stockage, appelée « power to gas ». Si l’électricité est à utiliser immédiatement, le gaz, lui, peut se stocker plus aisément. Suivant la méthode de l’électrolyse, on fait passer l’électricité dans de l’eau pour séparer oxygène et hydrogène. Si l’on combine ce dernier à du CO2 , on peut créer du méthane (ou gaz naturel) : on appelle cette transformation la « méthanation », à ne pas confondre avec la méthanisation, qui provient de la décomposition de matières organiques. Des recherches sur le sujet sont en cours, avec un démonstrateur de l’opérateur GRTGaz qui devrait entrer en service dès 2018. Mais cette solution pose de nombreux problèmes avec des enjeux géopolitiques, car elle intègre les multinationales du gaz dans l’économie des renouvelables. Dans un récent rapport, l’Observatoire des multinationales et Attac s’alarmaient justement du lobbying de l’industrie gazière dans l’Union européenne pour développer les infrastructures, sans véritable souci écologique.
Combien d’éoliennes en 2050 ?
Associations et experts élaborent des scénarios, le plus connu étant celui de Négawatt, qui vise le 100 % renouvelable en 2050 et établit les besoins année après année pour y parvenir progressivement, en y adjoignant économies d’énergies et investissements massifs dans l’efficacité énergétique.
Selon le dernier scénario Négawatt, avec 247 TWh d’énergie produite en 2050 et environ 18.000 mâts sur terre et en mer, l’éolien représenterait la première source d’énergie renouvelable électrique là où aujourd’hui, avec une production annuelle de 20 TWh, elle vient bien après la biomasse et l’hydraulique. Pourquoi parier à ce point sur le vent ?
« La France bénéficie de gisements éoliens importants, avec trois régimes de vent, océanique, continental et méditerranéen, explique Stéphane Chatelin, directeur de Négawatt, mais aussi parce que nous avons de vastes zones peu densément peuplées, qui permettent l’installation de machines. » Mais il ajoute : « Il faudra faire en sorte de ne pas concentrer tous les parcs dans quelques départements ».
L’importance de l’éolien est également renforcée par la manière dont nous consommons l’énergie selon les latitudes, comme le rappelle Cédric Philibert : « Le productible éolien est important car il arrive au moment où la demande est forte, en hiver. » C’est un héritage du passé : la France s’est massivement dotée en chauffage électrique dans les années 1980 pour écouler la surproduction des centrales nucléaires. C’est aussi dans les périodes froides de l‘année qu’on trouve le plus de vent. À l’inverse, en été, où la production éolienne est plus faible, l’énergie solaire peut prendre le relais, pour alimenter les climatisations et le frigorifique. L’Inde et le Maghreb, eux, misent beaucoup plus sur l’énergie solaire.
L’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) présente quant à elle un scénario moins ambitieux d’un mix électrique allant de 50 à 100 % de renouvelables. Mais là encore, plus la part des renouvelables augmente, plus l’éolien prend une place importante dans le mix, avec notamment l’ambition du développement de l’éolien en mer à partir de 2025. Là où, dans les pays nordiques, la technologie de l’éolien « posé » (pour des eaux de moins de 40 mètres de profondeur) est déjà bien développée, la France tente de tirer son épingle du jeu en expérimentant l’éolien « flottant », une première éolienne de ce type venant d’être inaugurée au large du Croisic (Loire-Atlantique), pour une phase d’expérimentation tandis que se concluent les premiers appels d’offres dans le domaine.
Ainsi, quelle que soit la maille de l’échelon technique, impossible d’échapper à l’existence de ce marché des énergies, ses logiques, ses acteurs. Pour exploiter ce « potentiel », ces « gisements éoliens », il n’y a pas cinquante possibilités : il faut créer un véritable secteur industriel. Cela tombe bien, c’est justement l’objectif de la filière.
https://reporterre.net/Les-eoliennes-pourquoi-si-hautes-comment-ca-marche-combien-sont-elles
27/11/17 :L’éolien signe la fracture entre deux visions de l’écologie
Le Code californien de la construction prévoit aussi qu’à partir de 2020 toutes les nouvelles maisons ou immeubles de moins de quatre niveaux devront être équipés d’installations photovoltaïques individuelles ou collectives. L’augmentation du coût de construction serait plus que compensée par la baisse de la facture d’électricité. Dès 2019, la structure des prix de l’électricité devra aussi tenir compte de l’heure de la consommation, ce qui promeut le stockage par batterie, les technologies de consommation intelligente, et indirectement la voiture électrique.
L’ambition de la loi ne concerne que la production électrique et non l’ensemble de la consommation énergétique de l’État
L’objectif californien d’une électricité sans carbone d’ici 27 ans n’est pas le point le plus important de la loi qui vient d’être ratifiée. L’important réside dans la vision politique qui la sous-tend, élaborée de longue date, et avec elle la construction d’un cadre réglementaire et législatif pérenne et pragmatique. Comment l’objectif sera atteint, peu importe, la loi ne prend pas parti sur les choix technologiques, elle définit un cadre, anticipe les contournements et fait confiance à l’innovation et au marché. La Californie, qui doit sa richesse à sa capacité de saisir les deux révolutions technologiques précédentes, celle de la micro-informatique, puis celle de l’internet, se donne les moyens d’inventer les produits et services de la révolution de l’énergie. Vingt-deux milliards de dollars ont été investis dans les start-up de l’énergie verte de 2007 à 2017.
Le gouverneur Brown vient de ratifier une autre loi favorisant les microréseaux électriques, autrement dit, la possibilité pour un hameau, un quartier ou un immeuble de créer son propre réseau électrique et de gérer librement les échanges entre consommateurs et producteurs, une technologie essentielle à la transition énergétique [et à la démocratie de l’énergie], un marché évalué à 38 milliards de dollars d’ici 2030 par les analystes de Bloomberg.
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27/11/17 :L’éolien signe la fracture entre deux visions de l’écologie
Emblème de la transition énergétique ou avatar vert du capitalisme pour d’autres ? L’énergie éolienne divise les écologistes. Reporterre a mené une grande enquête, en cinq volets, pour examiner en détail les questions soulevées par le développement de cette industrie et les enjeux qui l’accompagnent.
Elles sont là, partout autour de nous. Dans les rues et dans les campagnes. Chez les grands énergéticiens, Total, EDF, Engie, mais aussi dans des pubs pour des assurances, pour des produits de la ferme, même en photo dans les toilettes d’un TGV. Qui ? Les éoliennes, bien sûr. Elles sont désormais un élément constitutif de l’imaginaire collectif contemporain. En quelques dizaines d’années, ces machines produisant de l’électricité par la force du vent sont devenues le symbole par excellence de notre siècle, associées aux discours sur le « développement durable »ou « la transition énergétique ». Et de fait, c’est bien la technologie renouvelable qui se développe le plus aujourd’hui en France. Si l’hydraulique est encore le premier poste d’énergie « propre », les équipements sont vieillissants et l’époque des grands barrages est désormais révolue.Place donc au solaire, mais surtout aux éoliennes. On les retrouve sur les crêtes du sud du Massif central, dans les grandes plaines du Centre, du Nord et de la Champagne, des monts du Morvan aux littoraux occitans, et bientôt demain en mer au large de la Bretagne et de la Normandie voire de la côte catalane.
Et « c’est une chance », clament ensemble des écolos, engagés depuis des dizaines d’années dans les associations environnementales, comme France nature environnement ou la commission énergie d’Europe Écologie les Verts. Certains ont fait profession de leur engagement, en créant des bureaux d’étude ou des PME innovantes. Dans ces milieux plutôt urbains, proches des ingénieurs et des techniciens voire de la « start-up nation », l’éolien est vu comme une « technologie fiable, qui a fait ses preuves et comme une énergie hautement compétitive », ainsi que l’explique Olivier Perot, directeur de Senvion Europe et président de France énergie éolienne. Une « chance » d’abord et avant tout pour parvenir à la sortie du nucléaire, de ses risques et des dépendances induites. Mais aussi une « chance » économique, un potentiel d’investissement et de croissance,une « économie verte » durable capable de reconvertir des anciens bassins industriels et de transformer en profondeur le mode de production centralisé du nucléaire français. Mais pour cela, il faut faire vite. L’urgence climatique avance inexorablement. Alors, il faut développer, construire, massifier les parcs solaires et éoliens, dans un calendrier qui s’impose comme une évidence.
L’éolien révèle la fracture entre deux visions de l’écologie
Le problème, c’est que le développement de la filière s’impose aussi à d’autres écologistes, tout aussi convaincus, souvent plus ruraux, peut-être moins insérés dans la mondialisation. Il peut s’agir de propriétaires retraités de maisons secondaires soucieux de la valeur de leur bien, mais aussi de plus jeunes gens, tentant d’utopiques « sorties du système », en recherche de modes de vie moins coûteux en énergie. Les écolos critiques de l’éolien sont plus nombreux qu’on le pense. Certains tentent des alliances dans l’action avec des groupes peut-être moins radicaux sur la sortie du nucléaire, d’autres rejettent en bloc l’atome, l’éolien, et le solaire comme une même mécanique capitaliste qui change simplement de forme.
Le point commun, c’est la dénonciation de l’« industrialisation de la campagne ». Ces militants anti-éolien défendent un cadre de vie, serein, silencieux, loin de métropoles toujours plus grandes et avides de terres arables. Pour eux, l’éolien est intrinsèquement « industriel », une « histoire de gros sous », comme le clame une brochure du collectif de l’Amassada, dans le sud de l’Aveyron ; des installations qui font « un mal considérable, aux habitant-e-s, en dégradation sociale, économique et environnementale », selon le collectif Toutes nos énergies Occitanie. La question qu’ils posent n’est pas l’occasion de la sortie du nucléaire et de la diminution des émissions de gaz à effet de serre, mais la manière de penser globalement l’énergie et sa place dans nos sociétés.
L’éolien, en fait, révèle la fracture entre deux visions de l’écologie : développement durable et acceptation du capitalisme versus sobriété et désir d’émancipation.
Dans ce débat, on oublie souvent la réalité matérielle de ces machines, de leur fonctionnement, des infrastructures nécessaires pour les relier au réseau de distribution. Impossible de parler sérieusement du sujet sans embrasser toute la chaine de l’énergie, la fin des monopoles sur l’électricité, le rôle pivot des gestionnaires de réseau, RTE (Réseau de transport d’électricité) et Enedis. Envisager l’éolien, c’est envisager aussi une ingénierie du monde, assez technophile, qui espère créer un système cohérent, efficace, « intelligent », avec des technologies toujours plus sophistiquées pour stocker ce qui ne se stocke pas : Step, smart grid et consorts sont de la fête.
Chaque camp a ses propres chiffres, ses propres définitions, son propre langage
Reste que cette utopie demeure profondément ancrée dans un système économique de libre-échange et de concurrence. Sur ce point, même Stéphane Chatelin, directeur de Négawatt, pourtant chaud partisan de l’éolien, l’admet : « Aujourd’hui, rien ne pousse l’éolien à être plus exemplaire qu’un autre secteur économique. » De fait, l’éolien fonctionne dans une logique transnationale, les usines en Chine, en Allemagne ou au Portugal, les constructeurs en Allemagne, au Danemark, les sites de production partout dans le monde et l’énergie revendue sur un marché à travers toute l’Europe et même au-delà avec des « brokers » dans la plus pure tradition financière. Et comme toute industrie, l’éolien a un impact environnemental, économique et surtout social. Des impacts qu’il faut nécessairement mesurer, comparer, chiffrer.
Mais là encore, ça coince. Chaque camp a ses propres chiffres, ses propres définitions, son propre langage. Ici, on parle de parc ; en face, on compte les mâts. Les uns raisonnent en entrepreneurs économiques visant à optimiser des installations, les autres critiquent les effets politiques et sociaux sur une communauté de vie. Les uns se veulent spécialistes de l’énergie, les autres parlent de paysages et de protection de la nature. Qui croire entre ceux qui promeuvent « un pari gagnant » et ceux qui dénoncent « la grande arnaque » ? Dans les débats, que ce soit sur internet, dans les discussions entre amis ou entre voisins, les anti-éoliens ont souvent tendance à garder le dernier mot. Mais, dans le système politique actuel, ce sont surtout les préfets qui soufflent ou non le chaud et le froid.
De fait, selon les sondages (commandés par la filière), « l’acceptabilité sociale » de l’éolien reste élevée dans la population. selon un sondage Ifop de 2016 commandé par la fédération France énergie éolienne, 77 % des mille personnes interrogées ont une bonne ou très bonne image des éoliennes, et le chiffre ne baisse que très peu pour les riverains immédiats (75 %).
L’énergie, de sa production à sa consommation, est une question politique
Mais « accepter » ne signifie pas adhérer, participer et encourager. Or, la question de l’énergie, de sa production à sa consommation, est une véritable question politique. Elle ne peut se résoudre par des consultations fragmentaires et partielles où l’on recueille un avis qui, de toute façon , ne sera que consultatif. Et, plus le temps passe, plus la menace d’une implantation dure, rapide et sans aucune concertation des énergies renouvelables par les services de l’État pointe le bout de son nez. C’est qu’il faut bien tenir les objectifs de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE).
Dans beaucoup d’endroits, on sent que le mantra de la « transition énergétique » est accueilli aussi froidement qu’un « There is no alternative » du temps de Margaret Thatcher. La réalité factuelle du changement climatique est indéniable. Mais l’effet politique de sidération face à la catastrophe semble parfois empêcher de se donner le choix de réfléchir aux modalités. Alors, forcément, on en vient à rejeter l’idée même de cette « transition », qui ne serait qu’un avatar d’un système capitaliste toujours plus destructeur et antidémocratique.
C’est à une bonne partie de ces questions que nous voulions tenter de répondre dans ce dossier, sans prétendre à l’exhaustivité et à l’impartialité. Au sein même de la rédaction de Reporterre, nos avis sont très variés sur l’éolien, selon où l’on vit, les trajectoires politiques, les expériences individuelles. « Moulin à vent moderne » ou « monstre mécanique dans les campagnes », chacun a sa propre image de ce que sont des éoliennes. En l’occurrence, ce dossier a été écrit par un journaliste né dans une zone rurale de moyenne montagne, et qui a vu dès 2002 ses premières éoliennes sur les monts en face de chez lui. De douze éoliennes au départ, il y en a désormais plus de cinquante, dont les dernières ont permis en début d’année au constructeur Enercon de franchir la barre des 3 gigawatts de puissance installée en France. Au même moment,le maire de la commune voisine se voyait condamné par la justice pour prise illégale d’intérêts, lui-même étant propriétaire d’une partie du bois qui accueillait une des éoliennes voisines. Au croisement entre ces deux réalités, du socle du mât au bout de la pale, Reporterre va tenter de vous expliquer les enjeux clefs de la question éolienne en France.
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30/10/19 : Pour « sauver la planète », l’industrie tue les campagnes
Au nom de la transition énergétique, les campagnes s’industrialisent à grande vitesse. L’autrice de cette tribune raconte la métamorphose de la Haute-Marne, autrefois vivante et dorénavant colonisée par les éoliennes, les méthaniseurs, les plantations de biomasse…
24/10/19 : Le sale business des éoliennes d’EDF au Mexique
L’isthme mexicain de Tehuantepec est un eldorado pour les compagnies éoliennes, qui y multiplient les projets au mépris des populations autochtones. EDF, comme l’explique l’auteur de cette tribune, se distingue par son mégaprojet Gunaa Sicarú, d’une puissance de 252 mégawatts et d’une superficie de 4.400 hectares......
1 - Les énergies renouvelables (solaire, éolien, biomasse…) ne sont pas la panacée : bien souvent, elles emploient des ressources non renouvelables (métaux, terres rares…) et leur conception peut être à la fois très énergivore et chimiquement polluante ;
2 - Ces énergies « vertes » ne font actuellement que s’ajouter aux énergies fossiles au lieu de s’y substituer. Par conséquent, la consommation énergétique globale augmente en valeur absolue. On ne viendra pas à bout du problème énergétique sans diminuer la consommation d’énergie globale, que celle-ci soit fossile ou renouvelable.
Nous n’exigeons pas davantage d’énergies renouvelables, mais la décroissance énergétique
C’est pourquoi nous n’exigeons pas « davantage d’énergies renouvelables », mais la décroissance énergétique.
12/02/19 : Aveyron : Contre l’éolien industriel, la Zad de l’Amassada s’organise pour durer
La Zad aveyronnaise de l’Amassada, opposée à la construction d’un super-transformateur électrique, organisait dimanche 10 février un pique-nique de soutien. Enjeu : préparer la résistance, alors que l’arrestation récente de cinq opposants préfigure une possible tentative d’expulsion par la gendarmerie.
Saint-Victor-et-Melvieu (Aveyron)
Il pleut. Une pluie aux airs de neige accompagnée de folles bourrasques qui font comprendre pourquoi l’Aveyron, l’est du Tarn et le nord de l’Hérault, en région Occitanie, sont chéris des constructeurs d’éoliennes. C’est pourtant ce dimanche 10 février qu’a lieu le pique-nique de soutien à l’Amassada (« assemblée », en occitan), en prélude à l’hebdomadaire assemblée générale. Les plats, modestes ou élaborés, sont installés en mezze sur une longue table à l’intérieur de la « halle », un bâtiment construit par les occupants ; un poêle qui mériterait un prix au concours Lépine est allumé ; le chat sans nom, mascotte du lieu, est à la fête. Les conversations vont déjà bon train entre la cinquantaine de personnes qui ont franchi à pied les barricades bloquant les trois chemins d’accès à ces près de six hectares à défendre. Outre ceux qui ont dormi là, des petits groupes sont arrivés des hameaux et villages alentour, de Saint-Victor, ou de plus loin : du nord du département, du Tarn voisin (marqué par l’épisode du barrage de Sivens), de Notre-Dame-des-Landes. Deux membres de la Confédération paysanne, qui soutient la lutte contre le projet de transformateur et contre l’industrialisation des campagnes, sont là aussi. Pas de peur, pas de découragement. Au contraire, une pointe de colère en plus, le même dégoût en fond et une détermination à tenir en étant conscient des menaces.
Mardi 12 février, le tribunal de Rodez doit décider du complément d’indemnisation des ex-propriétaires en indivision et de l’association Plateau survolté, qui représente le village, tous expropriés par RTE (Réseau de transport d’électricité). L’entreprise de transport d’électricité a acquis des terrains sur lesquels doit être construit un second super-transformateur sur cette commune, lié à l’extension de l’éolien industriel dans le sud de l’Aveyron. Une somme dérisoire est attendue. Les quelques expropriés présents en sourient, ce n’est pas ça l’important. « Quand mon grand-père a acheté ces terres, il voulait le meilleur. Ce sont d’excellentes terres agricoles, mon mari en exploite encore une partie », explique Marie, qui possédait, via sa famille, la quasi-totalité des six hectares où doivent se dérouler les travaux, l’espace dédié au transformateur lui-même étant de 12.000 m².
« Quand ma sœur m’a cédé sa part, je voulais que le fait de devenir propriétaire ait un sens. C’est pourquoi j’ai revendu quatre parcelles, dont le cœur de l’Amassada, à 134 indivisibles. » Une tactique déjà utilisée à Notre-Dame-des-Landes pour compliquer les expropriations en multipliant les procédures. « Ce qui est choquant, c’est la façon dont une entreprise peut disposer du bien des gens en claquant des doigts. Une voisine vient d’ailleurs d’être informée qu’une partie de sa propriété qui jouxte le terrain sera utilisée pendant trois ans par l’entreprise chargée des travaux [pour du passage, des lieux de vie, etc.] et il n’est même pas question d’indemnisation, sans parler d’un quelconque accord ! »
« Nous devons maintenir une présence à l’Amassada, malgré les risques »
Bien plus que la routine juridique des expropriations rendues possibles par la déclaration d’utilité publique, signée en juin 2018, juste avant sa démission, par Nicolas Hulot, ce qui inquiète les occupants de la zone à défendre de Saint-Victor-et Melvieu, c’est l’accentuation des pressions des pouvoirs publics. Elle s’est brusquement manifestée mercredi 6 février par l’arrestation sur le site des cinq personnes qui l’occupaient. Après un passage en garde à vue de plusieurs heures dans des gendarmeries différentes, des décisions administratives ont établi que deux d’entre eux sont interdits de présence sur le site de l’Amassada et les trois autres en Aveyron, en attendant leur jugement le 3 juillet.
Gladys insiste : « L’occupation illégale du bien d’autrui, c’est ce qu’ils ont trouvé de mieux pour pouvoir arrêter des participants. La peine maximale encourue est d’un an, ce qui leur permet de placer les gens arrêtés en garde à vue. En réalité, il est probable qu’il y ait non-lieu. Ces actions sont vraiment pour nous mettre la pression. » Active dans la lutte depuis trois ans, elle ne lâchera pas. Tant pis pour son côté rébarbatif, le droit est une arme dans les luttes zadistes. L’avocat de ce groupe est d’ailleurs en relation avec celui de Bure. « Parce que les luttes que nous menons ici résonnent ailleurs, dit Harold, nous devons maintenir une présence à l’Amassada, malgré les risques. C’est un lieu symbolique, mais c’est là aussi, dans cette communion, dans le fait de faire des choses ensemble que nous trouvons notre force. »
Donc, l’occupation continue. Comment ? C’est la question du jour de cette assemblée générale consacrée aux nécessaires aménagements de la présence sur le lieu des volontaires et à la façon de communiquer au mieux, c’est-à-dire au plus. En appelant déjà au « carnaval action » à Millau le 9 mars, en même temps que la tenue d’un débat sur l’industrie de l’éolien. En encourageant à soutenir la marche des lycéens pour le climat, le 15 mars. Fin janvier, RTE a obtenu le feu vert pour commencer les travaux, cette semaine, le maire de Saint-Victor (élu pour son opposition au projet de second transformateur sur sa commune) est convoqué à la préfecture de Rodez. Pour la première fois des arrestations ont été faites.
L’envie de boucler l’affaire se fait sentir du côté des autorités de façon pressante. Pourquoi une telle urgence sur un projet qui grippe depuis 2009 ? Peut-être à cause... des petits oiseaux. En effet, il est bien possible qu’avec une absurdité et une hypocrisie tout à fait dans l’air du temps, le maître d’œuvre qui s’apprête à transformer six hectares de bocage en chantier dantesque pour les trois prochaines années respecte la loi qui impose de ne procéder à aucune coupe d’arbres entre mars et juillet pour permettre à l’avifaune de se reproduire. Espoir mis à part, le calendrier s’accélère et la nécessité de tenir se fait plus impérieuse. « Pas res nos arresta ! » (Rien ne nous arrêtera !) lance Gladys en guise de conclusion.
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04/10/18 : La Californie est-elle un modèle de transition énergétique ?
Début septembre, la Californie adoptait une loi fixant l’objectif de 100 % d’électricité « sans carbone » d’ici à 2045. Ajoutée à d’autres mesures favorables au climat, la décision a fait de cet État étasunien un modèle de la transition énergétique à grande échelle. Notre chroniqueur explique cependant pourquoi l’ambition californienne est moins louable qu’au premier regard.
Elles sont là, partout autour de nous. Dans les rues et dans les campagnes. Chez les grands énergéticiens, Total, EDF, Engie, mais aussi dans des pubs pour des assurances, pour des produits de la ferme, même en photo dans les toilettes d’un TGV. Qui ? Les éoliennes, bien sûr. Elles sont désormais un élément constitutif de l’imaginaire collectif contemporain. En quelques dizaines d’années, ces machines produisant de l’électricité par la force du vent sont devenues le symbole par excellence de notre siècle, associées aux discours sur le « développement durable »ou « la transition énergétique ». Et de fait, c’est bien la technologie renouvelable qui se développe le plus aujourd’hui en France. Si l’hydraulique est encore le premier poste d’énergie « propre », les équipements sont vieillissants et l’époque des grands barrages est désormais révolue.Place donc au solaire, mais surtout aux éoliennes. On les retrouve sur les crêtes du sud du Massif central, dans les grandes plaines du Centre, du Nord et de la Champagne, des monts du Morvan aux littoraux occitans, et bientôt demain en mer au large de la Bretagne et de la Normandie voire de la côte catalane.
Et « c’est une chance », clament ensemble des écolos, engagés depuis des dizaines d’années dans les associations environnementales, comme France nature environnement ou la commission énergie d’Europe Écologie les Verts. Certains ont fait profession de leur engagement, en créant des bureaux d’étude ou des PME innovantes. Dans ces milieux plutôt urbains, proches des ingénieurs et des techniciens voire de la « start-up nation », l’éolien est vu comme une « technologie fiable, qui a fait ses preuves et comme une énergie hautement compétitive », ainsi que l’explique Olivier Perot, directeur de Senvion Europe et président de France énergie éolienne. Une « chance » d’abord et avant tout pour parvenir à la sortie du nucléaire, de ses risques et des dépendances induites. Mais aussi une « chance » économique, un potentiel d’investissement et de croissance,une « économie verte » durable capable de reconvertir des anciens bassins industriels et de transformer en profondeur le mode de production centralisé du nucléaire français. Mais pour cela, il faut faire vite. L’urgence climatique avance inexorablement. Alors, il faut développer, construire, massifier les parcs solaires et éoliens, dans un calendrier qui s’impose comme une évidence.
L’éolien révèle la fracture entre deux visions de l’écologie
Le problème, c’est que le développement de la filière s’impose aussi à d’autres écologistes, tout aussi convaincus, souvent plus ruraux, peut-être moins insérés dans la mondialisation. Il peut s’agir de propriétaires retraités de maisons secondaires soucieux de la valeur de leur bien, mais aussi de plus jeunes gens, tentant d’utopiques « sorties du système », en recherche de modes de vie moins coûteux en énergie. Les écolos critiques de l’éolien sont plus nombreux qu’on le pense. Certains tentent des alliances dans l’action avec des groupes peut-être moins radicaux sur la sortie du nucléaire, d’autres rejettent en bloc l’atome, l’éolien, et le solaire comme une même mécanique capitaliste qui change simplement de forme.
Le point commun, c’est la dénonciation de l’« industrialisation de la campagne ». Ces militants anti-éolien défendent un cadre de vie, serein, silencieux, loin de métropoles toujours plus grandes et avides de terres arables. Pour eux, l’éolien est intrinsèquement « industriel », une « histoire de gros sous », comme le clame une brochure du collectif de l’Amassada, dans le sud de l’Aveyron ; des installations qui font « un mal considérable, aux habitant-e-s, en dégradation sociale, économique et environnementale », selon le collectif Toutes nos énergies Occitanie. La question qu’ils posent n’est pas l’occasion de la sortie du nucléaire et de la diminution des émissions de gaz à effet de serre, mais la manière de penser globalement l’énergie et sa place dans nos sociétés.
L’éolien, en fait, révèle la fracture entre deux visions de l’écologie : développement durable et acceptation du capitalisme versus sobriété et désir d’émancipation.
Dans ce débat, on oublie souvent la réalité matérielle de ces machines, de leur fonctionnement, des infrastructures nécessaires pour les relier au réseau de distribution. Impossible de parler sérieusement du sujet sans embrasser toute la chaine de l’énergie, la fin des monopoles sur l’électricité, le rôle pivot des gestionnaires de réseau, RTE (Réseau de transport d’électricité) et Enedis. Envisager l’éolien, c’est envisager aussi une ingénierie du monde, assez technophile, qui espère créer un système cohérent, efficace, « intelligent », avec des technologies toujours plus sophistiquées pour stocker ce qui ne se stocke pas : Step, smart grid et consorts sont de la fête.
Chaque camp a ses propres chiffres, ses propres définitions, son propre langage
Reste que cette utopie demeure profondément ancrée dans un système économique de libre-échange et de concurrence. Sur ce point, même Stéphane Chatelin, directeur de Négawatt, pourtant chaud partisan de l’éolien, l’admet : « Aujourd’hui, rien ne pousse l’éolien à être plus exemplaire qu’un autre secteur économique. » De fait, l’éolien fonctionne dans une logique transnationale, les usines en Chine, en Allemagne ou au Portugal, les constructeurs en Allemagne, au Danemark, les sites de production partout dans le monde et l’énergie revendue sur un marché à travers toute l’Europe et même au-delà avec des « brokers » dans la plus pure tradition financière. Et comme toute industrie, l’éolien a un impact environnemental, économique et surtout social. Des impacts qu’il faut nécessairement mesurer, comparer, chiffrer.
Mais là encore, ça coince. Chaque camp a ses propres chiffres, ses propres définitions, son propre langage. Ici, on parle de parc ; en face, on compte les mâts. Les uns raisonnent en entrepreneurs économiques visant à optimiser des installations, les autres critiquent les effets politiques et sociaux sur une communauté de vie. Les uns se veulent spécialistes de l’énergie, les autres parlent de paysages et de protection de la nature. Qui croire entre ceux qui promeuvent « un pari gagnant » et ceux qui dénoncent « la grande arnaque » ? Dans les débats, que ce soit sur internet, dans les discussions entre amis ou entre voisins, les anti-éoliens ont souvent tendance à garder le dernier mot. Mais, dans le système politique actuel, ce sont surtout les préfets qui soufflent ou non le chaud et le froid.
De fait, selon les sondages (commandés par la filière), « l’acceptabilité sociale » de l’éolien reste élevée dans la population. selon un sondage Ifop de 2016 commandé par la fédération France énergie éolienne, 77 % des mille personnes interrogées ont une bonne ou très bonne image des éoliennes, et le chiffre ne baisse que très peu pour les riverains immédiats (75 %).
L’énergie, de sa production à sa consommation, est une question politique
Mais « accepter » ne signifie pas adhérer, participer et encourager. Or, la question de l’énergie, de sa production à sa consommation, est une véritable question politique. Elle ne peut se résoudre par des consultations fragmentaires et partielles où l’on recueille un avis qui, de toute façon , ne sera que consultatif. Et, plus le temps passe, plus la menace d’une implantation dure, rapide et sans aucune concertation des énergies renouvelables par les services de l’État pointe le bout de son nez. C’est qu’il faut bien tenir les objectifs de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE).
Dans beaucoup d’endroits, on sent que le mantra de la « transition énergétique » est accueilli aussi froidement qu’un « There is no alternative » du temps de Margaret Thatcher. La réalité factuelle du changement climatique est indéniable. Mais l’effet politique de sidération face à la catastrophe semble parfois empêcher de se donner le choix de réfléchir aux modalités. Alors, forcément, on en vient à rejeter l’idée même de cette « transition », qui ne serait qu’un avatar d’un système capitaliste toujours plus destructeur et antidémocratique.
C’est à une bonne partie de ces questions que nous voulions tenter de répondre dans ce dossier, sans prétendre à l’exhaustivité et à l’impartialité. Au sein même de la rédaction de Reporterre, nos avis sont très variés sur l’éolien, selon où l’on vit, les trajectoires politiques, les expériences individuelles. « Moulin à vent moderne » ou « monstre mécanique dans les campagnes », chacun a sa propre image de ce que sont des éoliennes. En l’occurrence, ce dossier a été écrit par un journaliste né dans une zone rurale de moyenne montagne, et qui a vu dès 2002 ses premières éoliennes sur les monts en face de chez lui. De douze éoliennes au départ, il y en a désormais plus de cinquante, dont les dernières ont permis en début d’année au constructeur Enercon de franchir la barre des 3 gigawatts de puissance installée en France. Au même moment,le maire de la commune voisine se voyait condamné par la justice pour prise illégale d’intérêts, lui-même étant propriétaire d’une partie du bois qui accueillait une des éoliennes voisines. Au croisement entre ces deux réalités, du socle du mât au bout de la pale, Reporterre va tenter de vous expliquer les enjeux clefs de la question éolienne en France.
https://reporterre.net/L-eolien-signe-la-fracture-entre-deux-visions-de-l-ecologie
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15/10/20 : Lutter contre l’éolien, c’est montrer l’impasse de notre mode de vie
Extrait : Le département de la Creuse suscite l’intérêt des installateurs d’éoliennes. Pour l’auteur de cette tribune, s’opposer à cet « aménagement du territoire » est à la fois défendre une région encore préservée et clamer haut et fort la nécessité de transformer notre mode de production et nos institutions sociales.
Au nom de la transition énergétique, les campagnes s’industrialisent à grande vitesse. L’autrice de cette tribune raconte la métamorphose de la Haute-Marne, autrefois vivante et dorénavant colonisée par les éoliennes, les méthaniseurs, les plantations de biomasse…
24/10/19 : Le sale business des éoliennes d’EDF au Mexique
L’isthme mexicain de Tehuantepec est un eldorado pour les compagnies éoliennes, qui y multiplient les projets au mépris des populations autochtones. EDF, comme l’explique l’auteur de cette tribune, se distingue par son mégaprojet Gunaa Sicarú, d’une puissance de 252 mégawatts et d’une superficie de 4.400 hectares......
https://reporterre.net/Le-sale-business-des-eoliennes-d-EDF-au-Mexique
06/03/19 : Un commissaire-enquêteur radié pour avoir voulu trop bien faire
06/03/19 : Un commissaire-enquêteur radié pour avoir voulu trop bien faire
Gabriel Ullmann était chargé de mener les enquêtes publiques sur des grands projets tels que des autoroutes ou des zones d’activités. Pour avoir donné l’avis défavorable de trop, il a été radié par le préfet de l’Isère de la liste des commissaires-enquêteurs. Son cas illustre les menaces qui pèsent sur l’enquête publique.
Il a été remercié après 25 ans de service. Gabriel Ullmann, docteur en droit de l’environnement, était aussi depuis 1994 commissaire-enquêteur. Aéroport, autoroute, usine, grosse ferme, grand entrepôt, zone commerciale ou d’activités… pour de nombreux projets, la loi prévoit que, avant d’obtenir l’autorisation du préfet, une enquête publique soit réalisée par un commissaire-enquêteur. Celui-là examine le dossier du porteur de projet, recueille les avis du public, puis rédige un rapport et émet un avis, favorable ou défavorable, au projet — un avis uniquement consultatif.
Mais voilà : Gabriel Ullmann a voulu trop bien faire, a jugé la préfecture à l’issue de sa dernière enquête. Il a donc été radié en décembre 2018 de la liste des commissaires-enquêteurs de la préfecture de l’Isère. M. Ullmann « conçoit les enquêtes publiques dont il est chargé comme des missions d’expertise, indique la décision préfectorale. Cela le conduit à mener des investigations et à rédiger des développements sortant du cadre d’une exécution complète et diligente de l’enquête. »
Pourquoi, après que M. Ullmann a mené près d’une soixantaine d’enquêtes publiques, la préfecture de l’Isère a-t-elle soudainement jugé qu’il ne faisait plus l’affaire ? Gabriel Ullmann fait un lien direct avec sa dernière enquête publique en date, qui portait sur l’ambitieux projet Inspira. Il s’agit d’agrandir de 300 hectares la zone industrielle en bordure du Rhône, au sud de Lyon, afin d’y accueillir de nouvelles entreprises. Le projet est porté, notamment, par le département de l’Isère… Qui très vite, n’a pas apprécié le profil de M. Ullmann.
« Il m’a été reproché d’avoir rendu 10 % d’avis défavorables ces dernières années »
Ainsi, début mai, le président du département, Jean-Pierre Barbier, a demandé la mise à l’écart de l’enquête publique du juriste. « On estimait que M. Ullmann manquait d’impartialité car il est très proche des milieux écologistes, ce qui risquait de biaiser sa vision dans le dossier », nous explique-t-on au service presse du département de l’Isère. Il lui était plus particulièrement reproché la publication d’articles sur le droit de l’environnement et son appartenance, il y a quelques années, au conseil d’administration de France Nature Environnement. Le président du tribunal administratif de Grenoble avait rejeté la demande de M. Barbier, rappelant d’ailleurs que la connaissance des questions d’environnement est un critère de sélection des commissaires-enquêteurs. « Ce n’était pas la première fois que cela m’arrivait », commente Gabriel Ullmann, qui a alors passé outre et poursuivit son enquête avec les deux autres commissaires. Ils ont rendu fin juillet leur rapport et ont émis un avis défavorable.
L’été s’est passé puis, fin septembre, M. Ullmann a reçu un mémoire du préfet demandant sa radiation. Début décembre, elle a été confirmée par une commission de neuf membres dont six sont nommés… par le préfet. « Ce jour-là, il m’a été reproché d’avoir rendu 10 % d’avis défavorables ces dernières années. C’est peu, mais c’est bien plus que la moyenne, qui est plutôt autour de 1 % », rapporte Gabriel Ullmann. « Le préfet a agit à la demande du président de département, qui a ainsi contourné le refus du tribunal », dénonce-t-il. « J’avais également présidé la commission d’enquête pour le projet de Center Parcs de Roybon, en 2014, ce qui m’avait déjà valu les foudres de M. Barbier. C’est la deuxième fois que je rends un avis défavorable sur un projet qu’il souhaite. »
Mais voilà : Gabriel Ullmann a voulu trop bien faire, a jugé la préfecture à l’issue de sa dernière enquête. Il a donc été radié en décembre 2018 de la liste des commissaires-enquêteurs de la préfecture de l’Isère. M. Ullmann « conçoit les enquêtes publiques dont il est chargé comme des missions d’expertise, indique la décision préfectorale. Cela le conduit à mener des investigations et à rédiger des développements sortant du cadre d’une exécution complète et diligente de l’enquête. »
Pourquoi, après que M. Ullmann a mené près d’une soixantaine d’enquêtes publiques, la préfecture de l’Isère a-t-elle soudainement jugé qu’il ne faisait plus l’affaire ? Gabriel Ullmann fait un lien direct avec sa dernière enquête publique en date, qui portait sur l’ambitieux projet Inspira. Il s’agit d’agrandir de 300 hectares la zone industrielle en bordure du Rhône, au sud de Lyon, afin d’y accueillir de nouvelles entreprises. Le projet est porté, notamment, par le département de l’Isère… Qui très vite, n’a pas apprécié le profil de M. Ullmann.
« Il m’a été reproché d’avoir rendu 10 % d’avis défavorables ces dernières années »
Ainsi, début mai, le président du département, Jean-Pierre Barbier, a demandé la mise à l’écart de l’enquête publique du juriste. « On estimait que M. Ullmann manquait d’impartialité car il est très proche des milieux écologistes, ce qui risquait de biaiser sa vision dans le dossier », nous explique-t-on au service presse du département de l’Isère. Il lui était plus particulièrement reproché la publication d’articles sur le droit de l’environnement et son appartenance, il y a quelques années, au conseil d’administration de France Nature Environnement. Le président du tribunal administratif de Grenoble avait rejeté la demande de M. Barbier, rappelant d’ailleurs que la connaissance des questions d’environnement est un critère de sélection des commissaires-enquêteurs. « Ce n’était pas la première fois que cela m’arrivait », commente Gabriel Ullmann, qui a alors passé outre et poursuivit son enquête avec les deux autres commissaires. Ils ont rendu fin juillet leur rapport et ont émis un avis défavorable.
L’été s’est passé puis, fin septembre, M. Ullmann a reçu un mémoire du préfet demandant sa radiation. Début décembre, elle a été confirmée par une commission de neuf membres dont six sont nommés… par le préfet. « Ce jour-là, il m’a été reproché d’avoir rendu 10 % d’avis défavorables ces dernières années. C’est peu, mais c’est bien plus que la moyenne, qui est plutôt autour de 1 % », rapporte Gabriel Ullmann. « Le préfet a agit à la demande du président de département, qui a ainsi contourné le refus du tribunal », dénonce-t-il. « J’avais également présidé la commission d’enquête pour le projet de Center Parcs de Roybon, en 2014, ce qui m’avait déjà valu les foudres de M. Barbier. C’est la deuxième fois que je rends un avis défavorable sur un projet qu’il souhaite. »
Le service presse de M. Barbier nie qu’il ait pu faire une telle demande au préfet. À la préfecture, on nous répond que « c’est la commission chargée d’établir la liste d’aptitude aux fonctions de commissaire-enquêteur qui a décidé, à la suite d’un vote, la radiation de M. Gabriel Ullmann. Il n’appartient pas au préfet de s’exprimer sur la décision de cette commission indépendante. »
Dans le milieu des juristes de l’environnement, la nouvelle de l’affaire s’est diffusée, et des soutiens ont organisé une conférence de presse, qui doit se tenir ce mercredi matin. Parmi eux, la députée écologiste Michèle Rivasi ou encore Corinne Lepage. « Je suis scandalisée, réagit l’ex-ministre de l’Environnement et avocate, jointe par Reporterre. Je ne comprends pas qu’un commissaire-enquêteur qui exerce depuis de très longues années puisse être radié parce qu’il a déplu au promoteur d’un projet. »
« La méthode de radiation de M. Ullmann est indigne d’un État de droit, dit Gilles Martin, professeur émérite en droit de l’environnement à l’université Côte d’Azur, également joint par Reporterre. Cela bafoue les principes d’indépendance et d’impartialité des commissaires-enquêteurs, ainsi que le droit à l’information des citoyens en matière d’environnement. »
Le nombre d’enquêtes publiques fond aussi vite que la banquise : d’un peu plus de 9.000 enquêtes publiques en 2013, on est passés à moins de 6.000 en 2017
Ainsi, bien qu’exceptionnelle, l’affaire questionne les conditions dans lesquelles sont réalisées les enquêtes publiques. Les commissaires-enquêteurs, souvent des retraités de la fonction publique ayant travaillé dans l’équipement, ne sont pas forcément un modèle d’indépendance. « Ils ont fréquemment bétonné toute leur vie », estime Corinne Lepage. « Et ils peuvent être soumis à des pressions indirectes », souligne Gabriel Ullmann, qui a reçu plusieurs appels de ses collègues depuis sa radiation. Ainsi, les commissaires-enquêteurs sont payés par le maître d’ouvrage. Donc, quand l’avis est défavorable, « il arrive qu’il refuse de payer », rapporte-t-il. C’est d’ailleurs ce qui lui arrive pour le dossier Inspira. Il faut alors faire des recours auprès du tribunal afin d’être enfin rémunéré, ce qui peut durer un certain temps. « Sur un autre dossier, où l’avis formulait un certain nombre de réserves, le commissaire a eu droit à un contrôle fiscal et d’autres mesures telles qu’il a décidé de ne plus être commissaire-enquêteur », poursuit-il. Ou encore, sur le projet de « grand contournement ouest » de Strasbourg, « la pression était très forte car le gouvernement avait déjà annoncé qu’il ferait le projet. Le préfet a refusé de prolonger l’enquête publique malgré le très grand nombre d’observations reçues de la part de citoyens ».
Par ailleurs, le principe même de l’enquête publique a du plomb dans l’aile. Reporterre vous le rapportait mardi 5 mars, il est désormais possible, dans certains cas, de les remplacer par des consultations sur internet. La loi Essoc d’août 2018, « pour un État au service d’une société de confiance », a mis en place une expérimentation de trois ans dans les régions Bretagne et Hauts-de-France. « Cela est dangereux pour le droit à l’information des citoyens », souligne Gilles Martin. Selon les chiffres assemblés par Gabriel Ullmann, et confirmés par le Canard enchaîné, le nombre d’enquêtes publiques fond aussi vite que la banquise : d’un peu plus de 9.000 enquêtes publiques en 2013, on est passés à moins de 6.000 en 2017.
Malgré toutes les imperfections de l’outil, nos interlocuteurs tiennent cependant à défendre l’enquête publique. « Quand il y a un avis défavorable, il est plus facile d’obtenir une suspension du projet en urgence devant le tribunal, souligne Corinne Lepage. C’est un élément de démocratie locale non négligeable. L’avis du commissaire-enquêteur est le plus médiatisé, et le préfet peut reprendre des prescriptions », ajoute M. Ullmann.
Reste que dans le cas du projet Inspira, cela n’a pas été le cas. Le préfet a autorisé la zone d’aménagement malgré l’avis défavorable des commissaires-enquêteurs. Gabriel Ullmann, de son côté, a déposé des recours contre sa radiation et la composition de la commission qui a pris la décision.
https://reporterre.net/Un-commissaire-enqueteur-radie-pour-avoir-voulu-trop-bien-faire?fbclid=IwAR1L7lck0JVN2JuiiJNeqFkikoiQxYgy1PmD377fmA0e4pWa1e4gf4t0qJQ
19/02/19 : 2e leçon des jeunes au gouvernement : il faut la décroissance énergétique
Dans le milieu des juristes de l’environnement, la nouvelle de l’affaire s’est diffusée, et des soutiens ont organisé une conférence de presse, qui doit se tenir ce mercredi matin. Parmi eux, la députée écologiste Michèle Rivasi ou encore Corinne Lepage. « Je suis scandalisée, réagit l’ex-ministre de l’Environnement et avocate, jointe par Reporterre. Je ne comprends pas qu’un commissaire-enquêteur qui exerce depuis de très longues années puisse être radié parce qu’il a déplu au promoteur d’un projet. »
« La méthode de radiation de M. Ullmann est indigne d’un État de droit, dit Gilles Martin, professeur émérite en droit de l’environnement à l’université Côte d’Azur, également joint par Reporterre. Cela bafoue les principes d’indépendance et d’impartialité des commissaires-enquêteurs, ainsi que le droit à l’information des citoyens en matière d’environnement. »
Le nombre d’enquêtes publiques fond aussi vite que la banquise : d’un peu plus de 9.000 enquêtes publiques en 2013, on est passés à moins de 6.000 en 2017
Ainsi, bien qu’exceptionnelle, l’affaire questionne les conditions dans lesquelles sont réalisées les enquêtes publiques. Les commissaires-enquêteurs, souvent des retraités de la fonction publique ayant travaillé dans l’équipement, ne sont pas forcément un modèle d’indépendance. « Ils ont fréquemment bétonné toute leur vie », estime Corinne Lepage. « Et ils peuvent être soumis à des pressions indirectes », souligne Gabriel Ullmann, qui a reçu plusieurs appels de ses collègues depuis sa radiation. Ainsi, les commissaires-enquêteurs sont payés par le maître d’ouvrage. Donc, quand l’avis est défavorable, « il arrive qu’il refuse de payer », rapporte-t-il. C’est d’ailleurs ce qui lui arrive pour le dossier Inspira. Il faut alors faire des recours auprès du tribunal afin d’être enfin rémunéré, ce qui peut durer un certain temps. « Sur un autre dossier, où l’avis formulait un certain nombre de réserves, le commissaire a eu droit à un contrôle fiscal et d’autres mesures telles qu’il a décidé de ne plus être commissaire-enquêteur », poursuit-il. Ou encore, sur le projet de « grand contournement ouest » de Strasbourg, « la pression était très forte car le gouvernement avait déjà annoncé qu’il ferait le projet. Le préfet a refusé de prolonger l’enquête publique malgré le très grand nombre d’observations reçues de la part de citoyens ».
Par ailleurs, le principe même de l’enquête publique a du plomb dans l’aile. Reporterre vous le rapportait mardi 5 mars, il est désormais possible, dans certains cas, de les remplacer par des consultations sur internet. La loi Essoc d’août 2018, « pour un État au service d’une société de confiance », a mis en place une expérimentation de trois ans dans les régions Bretagne et Hauts-de-France. « Cela est dangereux pour le droit à l’information des citoyens », souligne Gilles Martin. Selon les chiffres assemblés par Gabriel Ullmann, et confirmés par le Canard enchaîné, le nombre d’enquêtes publiques fond aussi vite que la banquise : d’un peu plus de 9.000 enquêtes publiques en 2013, on est passés à moins de 6.000 en 2017.
Malgré toutes les imperfections de l’outil, nos interlocuteurs tiennent cependant à défendre l’enquête publique. « Quand il y a un avis défavorable, il est plus facile d’obtenir une suspension du projet en urgence devant le tribunal, souligne Corinne Lepage. C’est un élément de démocratie locale non négligeable. L’avis du commissaire-enquêteur est le plus médiatisé, et le préfet peut reprendre des prescriptions », ajoute M. Ullmann.
Reste que dans le cas du projet Inspira, cela n’a pas été le cas. Le préfet a autorisé la zone d’aménagement malgré l’avis défavorable des commissaires-enquêteurs. Gabriel Ullmann, de son côté, a déposé des recours contre sa radiation et la composition de la commission qui a pris la décision.
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19/02/19 : 2e leçon des jeunes au gouvernement : il faut la décroissance énergétique
Extrait :
La solution au problème de l’énergie que présentent habituellement les institutions est d’une remarquable hypocrisie : « Il suffit d’investir dans les énergies renouvelables pour que celles-ci se substituent aux énergies fossiles, et le tour est joué ! Pour le reste, business as usual ! ». Or on sait aujourd’hui deux choses :1 - Les énergies renouvelables (solaire, éolien, biomasse…) ne sont pas la panacée : bien souvent, elles emploient des ressources non renouvelables (métaux, terres rares…) et leur conception peut être à la fois très énergivore et chimiquement polluante ;
2 - Ces énergies « vertes » ne font actuellement que s’ajouter aux énergies fossiles au lieu de s’y substituer. Par conséquent, la consommation énergétique globale augmente en valeur absolue. On ne viendra pas à bout du problème énergétique sans diminuer la consommation d’énergie globale, que celle-ci soit fossile ou renouvelable.
Nous n’exigeons pas davantage d’énergies renouvelables, mais la décroissance énergétique
C’est pourquoi nous n’exigeons pas « davantage d’énergies renouvelables », mais la décroissance énergétique.
12/02/19 : Aveyron : Contre l’éolien industriel, la Zad de l’Amassada s’organise pour durer
La Zad aveyronnaise de l’Amassada, opposée à la construction d’un super-transformateur électrique, organisait dimanche 10 février un pique-nique de soutien. Enjeu : préparer la résistance, alors que l’arrestation récente de cinq opposants préfigure une possible tentative d’expulsion par la gendarmerie.
Saint-Victor-et-Melvieu (Aveyron)
Il pleut. Une pluie aux airs de neige accompagnée de folles bourrasques qui font comprendre pourquoi l’Aveyron, l’est du Tarn et le nord de l’Hérault, en région Occitanie, sont chéris des constructeurs d’éoliennes. C’est pourtant ce dimanche 10 février qu’a lieu le pique-nique de soutien à l’Amassada (« assemblée », en occitan), en prélude à l’hebdomadaire assemblée générale. Les plats, modestes ou élaborés, sont installés en mezze sur une longue table à l’intérieur de la « halle », un bâtiment construit par les occupants ; un poêle qui mériterait un prix au concours Lépine est allumé ; le chat sans nom, mascotte du lieu, est à la fête. Les conversations vont déjà bon train entre la cinquantaine de personnes qui ont franchi à pied les barricades bloquant les trois chemins d’accès à ces près de six hectares à défendre. Outre ceux qui ont dormi là, des petits groupes sont arrivés des hameaux et villages alentour, de Saint-Victor, ou de plus loin : du nord du département, du Tarn voisin (marqué par l’épisode du barrage de Sivens), de Notre-Dame-des-Landes. Deux membres de la Confédération paysanne, qui soutient la lutte contre le projet de transformateur et contre l’industrialisation des campagnes, sont là aussi. Pas de peur, pas de découragement. Au contraire, une pointe de colère en plus, le même dégoût en fond et une détermination à tenir en étant conscient des menaces.
Mardi 12 février, le tribunal de Rodez doit décider du complément d’indemnisation des ex-propriétaires en indivision et de l’association Plateau survolté, qui représente le village, tous expropriés par RTE (Réseau de transport d’électricité). L’entreprise de transport d’électricité a acquis des terrains sur lesquels doit être construit un second super-transformateur sur cette commune, lié à l’extension de l’éolien industriel dans le sud de l’Aveyron. Une somme dérisoire est attendue. Les quelques expropriés présents en sourient, ce n’est pas ça l’important. « Quand mon grand-père a acheté ces terres, il voulait le meilleur. Ce sont d’excellentes terres agricoles, mon mari en exploite encore une partie », explique Marie, qui possédait, via sa famille, la quasi-totalité des six hectares où doivent se dérouler les travaux, l’espace dédié au transformateur lui-même étant de 12.000 m².
« Quand ma sœur m’a cédé sa part, je voulais que le fait de devenir propriétaire ait un sens. C’est pourquoi j’ai revendu quatre parcelles, dont le cœur de l’Amassada, à 134 indivisibles. » Une tactique déjà utilisée à Notre-Dame-des-Landes pour compliquer les expropriations en multipliant les procédures. « Ce qui est choquant, c’est la façon dont une entreprise peut disposer du bien des gens en claquant des doigts. Une voisine vient d’ailleurs d’être informée qu’une partie de sa propriété qui jouxte le terrain sera utilisée pendant trois ans par l’entreprise chargée des travaux [pour du passage, des lieux de vie, etc.] et il n’est même pas question d’indemnisation, sans parler d’un quelconque accord ! »
« Nous devons maintenir une présence à l’Amassada, malgré les risques »
Bien plus que la routine juridique des expropriations rendues possibles par la déclaration d’utilité publique, signée en juin 2018, juste avant sa démission, par Nicolas Hulot, ce qui inquiète les occupants de la zone à défendre de Saint-Victor-et Melvieu, c’est l’accentuation des pressions des pouvoirs publics. Elle s’est brusquement manifestée mercredi 6 février par l’arrestation sur le site des cinq personnes qui l’occupaient. Après un passage en garde à vue de plusieurs heures dans des gendarmeries différentes, des décisions administratives ont établi que deux d’entre eux sont interdits de présence sur le site de l’Amassada et les trois autres en Aveyron, en attendant leur jugement le 3 juillet.
Gladys insiste : « L’occupation illégale du bien d’autrui, c’est ce qu’ils ont trouvé de mieux pour pouvoir arrêter des participants. La peine maximale encourue est d’un an, ce qui leur permet de placer les gens arrêtés en garde à vue. En réalité, il est probable qu’il y ait non-lieu. Ces actions sont vraiment pour nous mettre la pression. » Active dans la lutte depuis trois ans, elle ne lâchera pas. Tant pis pour son côté rébarbatif, le droit est une arme dans les luttes zadistes. L’avocat de ce groupe est d’ailleurs en relation avec celui de Bure. « Parce que les luttes que nous menons ici résonnent ailleurs, dit Harold, nous devons maintenir une présence à l’Amassada, malgré les risques. C’est un lieu symbolique, mais c’est là aussi, dans cette communion, dans le fait de faire des choses ensemble que nous trouvons notre force. »
Donc, l’occupation continue. Comment ? C’est la question du jour de cette assemblée générale consacrée aux nécessaires aménagements de la présence sur le lieu des volontaires et à la façon de communiquer au mieux, c’est-à-dire au plus. En appelant déjà au « carnaval action » à Millau le 9 mars, en même temps que la tenue d’un débat sur l’industrie de l’éolien. En encourageant à soutenir la marche des lycéens pour le climat, le 15 mars. Fin janvier, RTE a obtenu le feu vert pour commencer les travaux, cette semaine, le maire de Saint-Victor (élu pour son opposition au projet de second transformateur sur sa commune) est convoqué à la préfecture de Rodez. Pour la première fois des arrestations ont été faites.
L’envie de boucler l’affaire se fait sentir du côté des autorités de façon pressante. Pourquoi une telle urgence sur un projet qui grippe depuis 2009 ? Peut-être à cause... des petits oiseaux. En effet, il est bien possible qu’avec une absurdité et une hypocrisie tout à fait dans l’air du temps, le maître d’œuvre qui s’apprête à transformer six hectares de bocage en chantier dantesque pour les trois prochaines années respecte la loi qui impose de ne procéder à aucune coupe d’arbres entre mars et juillet pour permettre à l’avifaune de se reproduire. Espoir mis à part, le calendrier s’accélère et la nécessité de tenir se fait plus impérieuse. « Pas res nos arresta ! » (Rien ne nous arrêtera !) lance Gladys en guise de conclusion.
https://reporterre.net/Contre-l-eolien-industriel-la-Zad-de-l-Amassada-s-organise-pour-durer
Début septembre, la Californie adoptait une loi fixant l’objectif de 100 % d’électricité « sans carbone » d’ici à 2045. Ajoutée à d’autres mesures favorables au climat, la décision a fait de cet État étasunien un modèle de la transition énergétique à grande échelle. Notre chroniqueur explique cependant pourquoi l’ambition californienne est moins louable qu’au premier regard.
Dans le secteur de l’énergie, deux mondes s’affrontent : l’ancien, celui des combustibles fossiles et carbonés ; et le nouveau, celui de technologies capables de récolter les innombrables et inépuisables ondulations de la nature. Parce que les questions énergétiques concentrent tous les enjeux (sociétaux, économiques, politiques, climatiques), elles méritent qu’on les explique en prenant de la hauteur. Telle est l’ambition de cette chronique.
La loi californienne prévoyait déjà que, d’ici la fin de l’année 2030, 50 % de l’électricité consommée serait d’origine « renouvelable ». Une nouvelle loi, dite loi SB-100, promue par le sénateur Kevin de León, votée le 27 août dernier, et ratifiée par le gouverneur Jerry Brown le 10 septembre, fixe maintenant l’objectif de 50 % d’électricité renouvelable en 2026, 60 % en 2030 et 100 % d’électricité « sans carbone » d’ici 2045.
Notez la différence sémantique entre les termes « renouvelable » et « sans carbone ». Le premier terme fait référence principalement aux sources d’électricité hydraulique, éolienne, et solaire, et accessoirement à la géothermie et au biogaz ; le deuxième terme ajoute la possibilité du nucléaire dans le mix électrique pour atteindre les 100 % et n’exclut pas le recours aux énergies fossiles avec capture et stockage du carbone.
Cet objectif confirme l’ambition de la 5e économie du monde de figurer parmi les leaders de la défense du climat et résonne comme un défi à une administration Trump qui détricote les réglementations environnementales et fait la promotion des combustibles fossiles.
Mais de très nombreux médias du monde ont confondu électricité et énergie, et beaucoup ont traduit « zero carbon » par « renouvelable ». Non, la loi ne pose pas l’objectif d’une Californie sur la voie d’une énergie 100 % renouvelable ni même d’une électricité 100 % renouvelable. Cette chronique vise à remettre de l’ordre dans les idées concernant les ambitions californiennes.
Les objectifs de la loi sont réalistes et même prudents
Ainsi écrite, la loi désamorce les querelles partisanes. D’un côté, elle satisfait les adeptes des renouvelables convaincus que l’éolien et le solaire associés à des réseaux intelligents et du stockage peuvent produire la quasi-totalité de l’électricité ; d’un autre côté, elle ne se met pas à dos les catastrophistes convaincus qu’au-delà de 70 % de renouvelables dans le réseau électrique nous retournerons à la bougie.
Concernant le nucléaire, il faut rappeler qu’au début de 2018 l’administration californienne a accepté la fermeture de la dernière centrale nucléaire de l’État, celle de Diablo Canyon, à San Luis Obispo. Et on trouvera peut-être surprenant ici que ce ne soit pas sous la pression des antinucléaires, mais à la demande de l’opérateur, Pacific Gas & Electric Co, qui considère qu’au-delà de 2025, la centrale ne pourra plus être rentable.
Le nucléaire ne fournit aujourd’hui que 9 % de l’électricité californienne, moins que le vent (9,4 %), moins que le solaire (10,2 %), moins que le petit hydraulique, la géothermie et la biomasse réunis (9,4 %), beaucoup moins que les grands barrages (15 %). En tout, les renouvelables, gros hydraulique compris, fournissent déjà 44 % de l’électricité californienne. Ceci montre que les objectifs de la loi sont réalistes (50 % en 2026), et même prudents. Ils s’inscrivent dans une longue suite d’objectifs sans cesse dépassés et renouvelés à la hausse dans le contexte d’une baisse continue des coûts de production de l’électricité solaire ou éolienne. En 2002, la première loi de programmation sur les renouvelables ne prévoyait que 20 % d’électricité renouvelable à l’horizon 2017.Notez la différence sémantique entre les termes « renouvelable » et « sans carbone ». Le premier terme fait référence principalement aux sources d’électricité hydraulique, éolienne, et solaire, et accessoirement à la géothermie et au biogaz ; le deuxième terme ajoute la possibilité du nucléaire dans le mix électrique pour atteindre les 100 % et n’exclut pas le recours aux énergies fossiles avec capture et stockage du carbone.
Cet objectif confirme l’ambition de la 5e économie du monde de figurer parmi les leaders de la défense du climat et résonne comme un défi à une administration Trump qui détricote les réglementations environnementales et fait la promotion des combustibles fossiles.
Mais de très nombreux médias du monde ont confondu électricité et énergie, et beaucoup ont traduit « zero carbon » par « renouvelable ». Non, la loi ne pose pas l’objectif d’une Californie sur la voie d’une énergie 100 % renouvelable ni même d’une électricité 100 % renouvelable. Cette chronique vise à remettre de l’ordre dans les idées concernant les ambitions californiennes.
Les objectifs de la loi sont réalistes et même prudents
Ainsi écrite, la loi désamorce les querelles partisanes. D’un côté, elle satisfait les adeptes des renouvelables convaincus que l’éolien et le solaire associés à des réseaux intelligents et du stockage peuvent produire la quasi-totalité de l’électricité ; d’un autre côté, elle ne se met pas à dos les catastrophistes convaincus qu’au-delà de 70 % de renouvelables dans le réseau électrique nous retournerons à la bougie.
Concernant le nucléaire, il faut rappeler qu’au début de 2018 l’administration californienne a accepté la fermeture de la dernière centrale nucléaire de l’État, celle de Diablo Canyon, à San Luis Obispo. Et on trouvera peut-être surprenant ici que ce ne soit pas sous la pression des antinucléaires, mais à la demande de l’opérateur, Pacific Gas & Electric Co, qui considère qu’au-delà de 2025, la centrale ne pourra plus être rentable.
Le Code californien de la construction prévoit aussi qu’à partir de 2020 toutes les nouvelles maisons ou immeubles de moins de quatre niveaux devront être équipés d’installations photovoltaïques individuelles ou collectives. L’augmentation du coût de construction serait plus que compensée par la baisse de la facture d’électricité. Dès 2019, la structure des prix de l’électricité devra aussi tenir compte de l’heure de la consommation, ce qui promeut le stockage par batterie, les technologies de consommation intelligente, et indirectement la voiture électrique.
L’ambition de la loi ne concerne que la production électrique et non l’ensemble de la consommation énergétique de l’État
L’objectif californien d’une électricité sans carbone d’ici 27 ans n’est pas le point le plus important de la loi qui vient d’être ratifiée. L’important réside dans la vision politique qui la sous-tend, élaborée de longue date, et avec elle la construction d’un cadre réglementaire et législatif pérenne et pragmatique. Comment l’objectif sera atteint, peu importe, la loi ne prend pas parti sur les choix technologiques, elle définit un cadre, anticipe les contournements et fait confiance à l’innovation et au marché. La Californie, qui doit sa richesse à sa capacité de saisir les deux révolutions technologiques précédentes, celle de la micro-informatique, puis celle de l’internet, se donne les moyens d’inventer les produits et services de la révolution de l’énergie. Vingt-deux milliards de dollars ont été investis dans les start-up de l’énergie verte de 2007 à 2017.
Le gouverneur Brown vient de ratifier une autre loi favorisant les microréseaux électriques, autrement dit, la possibilité pour un hameau, un quartier ou un immeuble de créer son propre réseau électrique et de gérer librement les échanges entre consommateurs et producteurs, une technologie essentielle à la transition énergétique [et à la démocratie de l’énergie], un marché évalué à 38 milliards de dollars d’ici 2030 par les analystes de Bloomberg.
La Californie montre-t-elle pour autant la voie de la résolution du problème climatique ? L’objectif est monumental certes, mais il faut noter que l’ambition de la loi ne concerne que la production électrique et non l’ensemble de la consommation énergétique de l’État, dominée par le pétrole brûlé dans de grosses automobiles. L’électricité consommée en Californie ne représente que 16 % des émissions de gaz à effet de serre, contre 41 % pour les transports et 23 % pour l’industrie. La Californie est le quatrième État producteur de pétrole des États-Unis, le troisième par l’abondance de ses réserves, et le troisième encore par ses capacités de raffinage (18 millions de barils/jour) ; la Californie à elle seule consomme 1/5 du kérosène aéronautique des États-Unis. Le vrai défi, au-delà de l’électricité propre, c’est le transport. Le plan californien prévoit, d’ici 2030, de réduire l’usage du pétrole de 50 % dans les automobiles en augmentant l’efficacité des véhicules, et de mettre 5 millions de véhicules électriques sur les routes (360.000 aujourd’hui sur 28 millions de véhicules) ; plus généralement l’objectif est de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) de 40 % par rapport à l’année 1990, objectif en très bonne voie d’être respecté, malgré l’augmentation de la population et de l’activité.
Il ne s’agit pas forcément d’éradiquer la consommation de combustibles fossiles, mais de neutraliser les émissions
À ce florilège de lois concernant l’environnement, le gouverneur Brown vient d’ajouter un décret visant la neutralité carbone en 2045. Le décret fait référence à des sécheresses historiques, des pluies torrentielles, des températures extrêmes, des menaces pour la santé publique, et il concerne toutes les émissions, dont celles de l’agriculture.
Là encore, le décret fait l’objet d’interprétations trop rapides. Il ne s’agit pas forcément d’éradiquer la consommation de combustibles fossiles, mais de neutraliser les émissions. On peut même y voir la main des groupes d’influence pétrolier et gazier, la neutralité ne voulant pas dire « pas d’émissions » mais des émissions « compensées »ou « neutralisées ». La capture du CO2 émis par les centrales à gaz et son stockage dans des réservoirs géologiques profonds pourrait être l’outil majeur de cette neutralité. Certaines technologies promettent même de capturer deux fois plus de CO2 que le CO2résultant de la combustion du gaz naturel, l’État pourrait ainsi parvenir à un bilan carbone négatif, ou neutraliser les émissions de millions d’automobiles en brûlant du gaz!
Trop beau pour être vrai ? La technologie de capture et de stockage du carbone, CSCen abrégé, est encore peu développée, et n’a pas démontré sa faisabilité économique. Il faut rappeler ici quelques éléments de physique : quand on brûle une tonne de gaz naturel, on produit 2,75 tonnes de CO2. Pour une grosse centrale à gaz, comptez de l’ordre de 10.000 tonnes par jour. La CSC propose de compresser, transporter, et injecter ce gaz carbonique dans un réservoir géologique profond. L’économie n’y résiste pas, sauf à ce que cette injection, faite dans un réservoir pétrolifère épuisé, permette d’en prolonger l’exploitation par la surpression générée — ce qui rentabilise l’opération mais aboutit à l’opposé de l’effet recherché.
Cette mise au point faite, sans nul doute la Californie montre-t-elle la voie d’une transition énergétique à très grande échelle
Et puis, la capture et le stockage du carbone pourront faire l’objet d’oppositions politiques : on sait ici, en France, la différence entre « enfouir ses saletés pour ne plus les voir » et « ne pas les produire ». Déjà les associations, notamment 350.org, demandent à l’administration californienne de ne plus donner de permis d’extraction (20.000 pendant le mandat de Jerry Brown), de fermer les puits les plus proches des habitations, de ne plus permettre l’extension des infrastructures existantes et de mettre en place un plan de transition pour les travailleurs du secteur. Il faut préciser que la grande majorité des puits sont des puits de pétrole conventionnels mais que la production est fréquemment stimulée par la fracturation hydraulique ou par l’injection de produits chimiques — au grand dam des protecteurs de l’environnement, qui dénoncent les impacts sur des aquifères précieux. La montée des prix du pétrole n’arrange pas les choses car elle va favoriser l’exploitation des gisements non conventionnels malgré une réglementation en théorie un peu plus tatillonne qu’ailleurs.
Il ne s’agit pas forcément d’éradiquer la consommation de combustibles fossiles, mais de neutraliser les émissions
À ce florilège de lois concernant l’environnement, le gouverneur Brown vient d’ajouter un décret visant la neutralité carbone en 2045. Le décret fait référence à des sécheresses historiques, des pluies torrentielles, des températures extrêmes, des menaces pour la santé publique, et il concerne toutes les émissions, dont celles de l’agriculture.
Là encore, le décret fait l’objet d’interprétations trop rapides. Il ne s’agit pas forcément d’éradiquer la consommation de combustibles fossiles, mais de neutraliser les émissions. On peut même y voir la main des groupes d’influence pétrolier et gazier, la neutralité ne voulant pas dire « pas d’émissions » mais des émissions « compensées »ou « neutralisées ». La capture du CO2 émis par les centrales à gaz et son stockage dans des réservoirs géologiques profonds pourrait être l’outil majeur de cette neutralité. Certaines technologies promettent même de capturer deux fois plus de CO2 que le CO2résultant de la combustion du gaz naturel, l’État pourrait ainsi parvenir à un bilan carbone négatif, ou neutraliser les émissions de millions d’automobiles en brûlant du gaz!
Trop beau pour être vrai ? La technologie de capture et de stockage du carbone, CSCen abrégé, est encore peu développée, et n’a pas démontré sa faisabilité économique. Il faut rappeler ici quelques éléments de physique : quand on brûle une tonne de gaz naturel, on produit 2,75 tonnes de CO2. Pour une grosse centrale à gaz, comptez de l’ordre de 10.000 tonnes par jour. La CSC propose de compresser, transporter, et injecter ce gaz carbonique dans un réservoir géologique profond. L’économie n’y résiste pas, sauf à ce que cette injection, faite dans un réservoir pétrolifère épuisé, permette d’en prolonger l’exploitation par la surpression générée — ce qui rentabilise l’opération mais aboutit à l’opposé de l’effet recherché.
Cette mise au point faite, sans nul doute la Californie montre-t-elle la voie d’une transition énergétique à très grande échelle
Et puis, la capture et le stockage du carbone pourront faire l’objet d’oppositions politiques : on sait ici, en France, la différence entre « enfouir ses saletés pour ne plus les voir » et « ne pas les produire ». Déjà les associations, notamment 350.org, demandent à l’administration californienne de ne plus donner de permis d’extraction (20.000 pendant le mandat de Jerry Brown), de fermer les puits les plus proches des habitations, de ne plus permettre l’extension des infrastructures existantes et de mettre en place un plan de transition pour les travailleurs du secteur. Il faut préciser que la grande majorité des puits sont des puits de pétrole conventionnels mais que la production est fréquemment stimulée par la fracturation hydraulique ou par l’injection de produits chimiques — au grand dam des protecteurs de l’environnement, qui dénoncent les impacts sur des aquifères précieux. La montée des prix du pétrole n’arrange pas les choses car elle va favoriser l’exploitation des gisements non conventionnels malgré une réglementation en théorie un peu plus tatillonne qu’ailleurs.
Cette mise au point faite, sans nul doute la Californie montre-t-elle la voie d’une transition énergétique à très grande échelle, très largement fondée sur les énergies renouvelables et les réseaux intelligents. Et face à Trump, qui ne cesse de prétendre que les politiques climatiques sont contre les intérêts des États-Unis d’Amérique et qu’elles détruisent des emplois, la Californie montre le contraire. Mais que cette transition se fasse au bénéfice de tous relève d’une autre paire de manches : dans l’État au 2.800 milliards de dollars de PIB pour 40 millions d’habitants, le taux de pauvreté y reste plus élevé qu’ailleurs aux États-Unis. Pour sauver la planète, il faudra bien que l’humanité invente d’autres objectifs que la consommation à outrance et l’invariabilité des comportements au prétexte que l’énergie sera bientôt « propre ».
30/04/18 : Les Mirages de l’éolien
Le nouveau livre de la collection Reporterre : une enquête-reportage pour réfléchir à cette question très contemporaine : les éoliennes sont-elles écologiques ?
Les éoliennes sont devenues un symbole de « la transition énergétique ». Elles sont partout : sur les crêtes du sud du Massif central, dans les plaines du Centre, du Nord et de la Champagne, des monts du Morvan aux littoraux occitans, et bientôt au large de la Bretagne et de la Normandie. Dans la « start-up nation » que serait la France d’aujourd’hui, l’éolien est vu par beaucoup comme une technologie fiable et très compétitive. Il faudrait donc développer les parcs éoliens, dans un calendrier qui s’impose comme une évidence. Mais d’autres, plus nombreux qu’on le pense, s’opposent à ce développement aveugle et dénoncent l’« industrialisation de la campagne ». Presque partout, des conflits opposent habitants des campagnes et ceux qui veulent y implanter des éoliennes.
Ces conflits révèlent en réalité la fracture entre deux visions de l’écologie : développement durable et acceptation du capitalisme versus sobriété et désir d’émancipation. Les uns raisonnent en entrepreneurs, les autres critiquent les effets politiques et sociaux sur une communauté de vie. Les uns se veulent spécialistes de l’énergie, les autres parlent de paysages et de protection de la nature. Alors, « pari gagnant » ou « grande arnaque » ? Une enquête hautement contemporaine.
Journaliste indépendant, Grégoire Souchay a déjà publié dans la même collection Sivens. Le barrage de trop. Il a coécrit, pour Reporterre, une enquête déterminante sur les circonstances de la mort de Rémi Fraisse. Ni « pro » ni « anti » éolien, il tente ici d’éclaircir cet imbroglio de notre modernité.
Les éoliennes sont devenues un symbole de « la transition énergétique ». Elles sont partout : sur les crêtes du sud du Massif central, dans les plaines du Centre, du Nord et de la Champagne, des monts du Morvan aux littoraux occitans, et bientôt au large de la Bretagne et de la Normandie. Dans la « start-up nation » que serait la France d’aujourd’hui, l’éolien est vu par beaucoup comme une technologie fiable et très compétitive. Il faudrait donc développer les parcs éoliens, dans un calendrier qui s’impose comme une évidence. Mais d’autres, plus nombreux qu’on le pense, s’opposent à ce développement aveugle et dénoncent l’« industrialisation de la campagne ». Presque partout, des conflits opposent habitants des campagnes et ceux qui veulent y implanter des éoliennes.
Ces conflits révèlent en réalité la fracture entre deux visions de l’écologie : développement durable et acceptation du capitalisme versus sobriété et désir d’émancipation. Les uns raisonnent en entrepreneurs, les autres critiquent les effets politiques et sociaux sur une communauté de vie. Les uns se veulent spécialistes de l’énergie, les autres parlent de paysages et de protection de la nature. Alors, « pari gagnant » ou « grande arnaque » ? Une enquête hautement contemporaine.
Journaliste indépendant, Grégoire Souchay a déjà publié dans la même collection Sivens. Le barrage de trop. Il a coécrit, pour Reporterre, une enquête déterminante sur les circonstances de la mort de Rémi Fraisse. Ni « pro » ni « anti » éolien, il tente ici d’éclaircir cet imbroglio de notre modernité.