Le verdict est tombé vendredi 7 septembre : l’autorisation d’exploitation unique du projet de parc éolien Le Bois de Saint-Aubert a été annulée par le tribunal administratif (TA) de Lille. Il avait été accordé le 26 janvier 2016 par un arrêté du préfet du Nord. « Le tribunal administratif a estimé que l’autorité environnementale avait remis son avis dans des conditions irrégulières : à l’époque, le préfet de région était par ailleurs le préfet de département qui délivrait l’autorisation », expose Francis Monamy, avocat des requérants dont l’association Non au projet éolien de Walincourt-Selvigny et Haucourt-en-Cambrésis.
Pas de critique sur le fond
En 2015, la préfecture était chargée simultanément de l’instruction de la demande et de l’émission d’un avis en tant qu’autorité environnementale. Selon le TA, le vice a entaché l’information auprès du public, et donc « la procédure d’adoption de l’arrêté ». « La question débattue devant l’audience : fallait-il enjoindre l’administration à régulariser l’autorisation ? L’irrégularité de l’avis environnemental était intervenue au tout début de la démarche, il fallait annuler l’autorisation et renvoyer le pétitionnaire (le promoteur éolien, NDLR) devant l’administration », poursuit Me Monamy. En somme, le tribunal s’est attaché à identifier s’il y avait une irrégularité (oui), si elle entraînait une illégalité (oui) et s’il y avait possibilité de la régulariser (non). Dans sa défense, le juriste a aussi démontré une incompatibilité du droit français par rapport à l’Union européenne. « Les juridictions françaises sont partagées sur cette question. J’étais assez confiant, même si ce n’était pas acquis d’avance. C’est la première fois que le tribunal se prononce sur la question », conclut-il.
« Ce qui a conduit à l’annulation de l’autorisation, ce n’est pas le travail fait par l’opérateur éolien. C’est une erreur de l’État (…). »
« On a eu une surprise. Il y aura un procès en appel, c’est certain », indique Me David Deharbe, du cabinet Green Law avocats. « Ce qui a conduit à l’annulation de l’autorisation, ce n’est pas le travail fait par l’opérateur éolien. C’est une erreur de l’État dans la désignation de l’autorité environnementale », précise-t-il en qualifiant de « victoire à la Pyrrhus » la réussite de son confrère. Pour le juriste, « le résultat ralentit dans l’immédiat la réalisation du projet […] Cela ne veut pas dire du tout qu’il y a une critique sur le fond du dossier. » Et en cas d’échec en cour d’appel, l’opérateur pourrait redemander l’autorisation, avec un projet qui comporterait potentiellement des éoliennes plus hautes, selon la configuration.
« Une satisfaction » pour l’association locale
Le jugement du tribunal administratif de Lille est une victoire pour l’association Non au projet éolien de Walincourt-Selvigny et Haucourt-en-Cambrésis (NPEWSH). Son président Julien Lalaux (conseiller municipal d’opposition à Walincourt-Selvigny) exprime sa satisfaction : « On s’est battus avec persévérance et motivation contre un lobby ultra-puissant financièrement. À force de travail et d’acharnement, on arrive à avoir des résultats positifs. » Soit quatre ans « de travail acharné, de recherches, à se débrouiller comme des grands » puisque l’association avait été créée en 2014, précise celui qui « se faisait un point d’honneur à aller jusqu’au bout ». Le combat n’est pas fini : l’avocat de l’opérateur a annoncé avoir fait appel. Julien Lalaux compte faire perdurer l’association pour tenter de contrer d’autres projets éoliens, comme celui annoncé sur Élincourt et qui comprendrait une turbine sur Walincourt-Selvigny. Notamment car les délibérations en conseil municipal sont « purement consultatives », déduit-il : « Au conseil municipal, nous avons délibéré contre le projet éolien d’Élincourt et demandé un complément d’information qui ne nous a toujours pas été fourni. »
Un long feuilleton judiciaire
Le 26 janvier 2016, la préfecture du Nord délivrait l’autorisation unique d’exploitation du parc éolien Le Bois de Saint-Aubert à son opérateur Les Vents du Sud Cambrésis. La NPEWSH l’a contesté auprès du tribunal administratif de Lille (TA), avec l’appui de la Société pour la protection des paysages et de l’esthétique de la France (SPPEF) et dix-sept autres requérants. Après la première audience en novembre 2017, le Conseil d’État a été sollicité du fait de l’évolution de la réglementation depuis deux ans. Il a rendu son avis fin juillet. D’où une seconde audience au TA, le 3 septembre dernier.
Un vice dans la délivrance de l’arrêté
Ce jour-là, l’avocat des requérants a démontré un vice de forme sur la délivrance du permis d’autorisation unique. L’avocat de la défense a annoncé qu’il allait faire appel du jugement. Au final, l’avis du Conseil d’État, utile notamment sur l’examen du fond du dossier, n’aura pas servi.
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Archives :
30/08/18 : Walincourt-Haucourt : L’avenir du parc éolien du Bois de Saint-Aubert déterminé ce lundi
http://ventsetterritoires.blogspot.com/2018/08/nord-walincourt-haucourt-lavenir-du.html
12/08/18 : Walincourt-Haucourt : Le tribunal administratif statuera sur le dossier du parc éolien le 3 septembre
08/08/18 : Walincourt-Haucourt : Le parc éolien du bois de Saint-Aubert pourra-t-il être construit? Verdict cet automne