Témoignages des habitants de l’Aisne : 359 malades, ils demandent à être entendus.
« Je m’appelle Sophie Peyron, et j’habite en Thiérache, dans l’Aisne. C’était une région paisible où il faisait bon vivre, avant l’apparition des aérogénérateurs. Il en pousse actuellement des centaines autour des habitations, et nos campagnes sont transformées en zones industrielles. Notre malheur vient du fait que nos villages sont en plaine. Rien n’arrête les promoteurs.
Depuis l’installation des éoliennes tout autour de ma maison, j’ai commencé à ressentir des migraines, et des bourdonnements permanents dans les oreilles. Je me suis mise à avoir également des douleurs sur le poumon droit, dès qu’il y avait du vent. Je suis allée faire un scanner. Le radiologue m’a dit que j’avais une inflammation permanente. Loin de chez moi, loin des éoliennes, l’inflammation disparait. Elle réapparaît dès que je reviens et dès que les aérogénérateurs se mettent à tourner. En fonction de mon état de santé je peux vous dire sans regarder par la fenêtre si les machines sont en route ou pas !
Bien entendu, les nuits sont devenues infernales. J’ai donc pris l’habitude de fuir de chez moi en cas de vent. Je pars à 20 km, je dors dans ma voiture pour soulager mon corps, ou je vais parfois dormir chez ma mère, à 25 kms de là, pour avoir au moins des nuits paisibles..
Plus je roule, plus je m’éloigne et plus la douleur s’estompe.
J'ai cherché à joindre un acousticien de l’ARS mais il m’a dit qu’il ne pouvait rien pour moi, ni pour les autres habitants de nos villages qui vivent la même souffrance que moi. Il est habilité pour tester les sons audibles, mais pas ceux qui ne s’entendent pas. Mon mal est donc invisible et inexistant aux yeux de la loi. Pourtant, dans les usines, une loi protège la santé des ouvriers contre les infrasons. Mais nous qui vivons à demeure au pied des machines, personne ne nous entend. Autour de chez moi, il y aura bientôt plus de 500 éoliennes. Qui peut vivre dans ces conditions ?
« Je m’appelle Evelyne Geoffroy, et j’habite la commune de Puisieux-Clanlieu, dans l’Aisne. Avec mon mari, nous habitons une petite maison sur un grand terrain. Notre département est inondé de projets et de constructions de parcs éoliens, mais jusque-là, cela ne me dérangeait pas vraiment : je me disais que c’était l’avenir, la nouvelle écologie, et puis, il faut dire que depuis notre maison nous n’en voyons aucune. Les premières sont à plus de deux kilomètres. Aux alentours, il y en a des centaines, mais notre maison est située dans un endroit encore préservé visuellement !
Je n’avais par ailleurs aucun problème de santé particulier, jusqu’en Avril 2019 : je me suis malencontreusement cassé le poignet, et là, ma vie a basculé…Opération, installation d’une plaque en titane dans le bras….Vous allez me dire, quel est le rapport entre un membre cassé et des éoliennes dans le paysage….je vous avoue qu’il m’a fallu un petit temps pour oser parler des symptômes étranges que je ressentais à mon chirurgien et à mon médecin.
Ces symptômes, les voici : je n’ai plus besoin de regarder par la fenêtre pour savoir s’il y a du vent. Les jours où il y en a, j’ouvre les yeux le matin dans mon lit et la pièce se met à tourner, tourner, les meubles tournent, les murs tournent…moi qui avais l’habitude de me lever assez rapidement de mon lit, il me faut à présent plus d’une demi-heure pour me mettre sur pied. Et puis ce sont des acouphènes, des vertiges qui ne me lâchent pas, tant que je suis chez moi.
Nous nous rendons fréquemment vers la famille de mon mari en Bourgogne où il n’y a pour l’instant aucune éolienne aux alentours. Là, tous les symptômes disparaissent. Et ce n’est pas tout : sur la route du retour, le phénomène est absolument frappant et étrange : les acouphènes réapparaissent brutalement à partir de Troyes, jusqu’à Reims. A cet endroit, les parcs éoliens sont si nombreux qu’on confond parfois les lumières rouges au loin avec celles des voitures qui freinent. Ensuite, mon mal s’estompe. Mais il revient dans l’Aisne à partir de Monceau-le-Neuf.
Je me suis alors demandé ce que mon corps « captait », et j’en ai parlé au chirurgien qui m’a opéré du poignet. Il ne m’a pas du tout prise pour une folle. Je lui ai demandé si la plaque de titane qui a été insérée dans mon corps pouvait avoir un impact ou un lien avec les infrasons, ou les champs électromagnétiques des éoliennes. Il m’a répondu qu’il allait se renseigner. J’en ai aussi parlé à mon médecin traitant qui m’a conseillé de déménager. Je vous avoue que j’ai eu beaucoup de mal à parler de ce que je ressentais, car cela semble fou, et je sais très bien ce qu’on dit à ceux qui se plaignent : « c’est psychologique ». Sauf que …je ne vois pas pourquoi je me mettrais à développer un mal-être brutal contre quelque chose que je ne combattais pas et qui ne me gênait pas : les aérogénérateurs. Alors, non, je ne suis pas folle, et je vous le dis, il faut que les langues se délient, car il y a un gros problème de santé publique. On implante ces machines sans aucune étude préalable objective sur la santé humaine et animale. En osant en discuter, je me suis aperçue que j’étais loin d’être la seule dans ce cas …. Je sais que c’est un peu le pot de terre contre le pot de fer, mais j’ai décidé de faire une réclamation avec des centaines de personnes qui en ont assez de se taire et de subir. Toutes souffrent de problèmes de santé, toutes habitent mon département qui est envahi par les aérogénérateurs. Elles se portaient très bien avant l’installation de tous ces parcs. En Bourgogne, là où mon médecin m’a conseillé de déménager, des projets de parcs commencent à voir le jour…s’ils sont construits, où vais-je pouvoir vivre ?
Légende carte : la maison d’Evelyne, entourée sur la carte, et cernée par les parcs.
Témoignages recueillis par Sioux berger
Dans l’Aisne, des centaines de patients remplissent un formulaire de réclamation ICPE pour interpeller les pouvoirs publics. Ce formulaire est prévu par la loi française pour que tout citoyen puisse faire remonter un problème lié à une installation industrielle à proximité de chez lui. La forte concentration d’éoliennes autour des villages, sur un périmètre restreint, pose question : les plaignants souffrent de troubles identiques, depuis la mise en route des machines.
En image vous trouverez la première page du formulaire de réclamation, ainsi qu’un détail statistique des malades ayant rempli les documents, réalisé par l’association SOS danger Eolien. Chaque citoyen a droit à la parole : la réclamation est gratuite.
Sioux Berger, novembre 2022