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Les impératifs démocratiques les plus élémentaires commandent que les séances du conseil municipal soient publiques. Des possibilités de réunion à huis clos sont toutefois prévues, dans certaines circonstances.
L’article L. 2121-18 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) pose, en matière de réunion du conseil municipal, un principe et une exception :
- Le principe : les séances des conseils municipaux sont publiques,
- L’exception : néanmoins, sur la demande de trois membres ou du maire, le conseil municipal peut décider, sans débat, à la majorité absolue des membres présents ou représentés, qu’il se réunit à huis clos.
La loi ne limite pas de manière générale la possibilité de recourir au huis clos (1). Toutefois, le juge administratif exerce un contrôle restreint sur la décision de délibérer à huis clos (2), une stricte procédure devant être suivie (3).
I. La loi ne limite pas de manière générale la possibilité de recourir au huis clos
L’article L. 2121-18 du CGCT ne limite pas les possibilités de décider du huis clos, et aucune autre disposition législative ou réglementaire ne limite de manière générale cette possibilité.
Par conséquent, les délibérations à huis clos peuvent porter sur toute question relevant de la compétence du conseil municipal (CE 17 octobre 1986 Commune de Saint-Léger-en-Yvelines, n°74694).
Le huis clos peut toutefois être prohibé par une disposition législative spéciale, la seule disposition applicable en l’état actuel du droit étant l’article 432-12 du Code Pénal prohibant le huit clos concernant le « rapport d’intérêt autorisé » des maires, adjoints et conseillers municipaux des communes de 3500 habitants au plus avec la commune (transfert de biens mobiliers ou immobiliers, fourniture de services, acquisition d’une parcelle d’un lotissement communal pour y édifier leur habitation personnelle, etc.). Cette prohibition du huis clos vise bien entendu à écarter en la matière le risque de prise illégale d’intérêts (pour un exemple, voir CE 27 septembre 2010 SCI Planet n°320905).
II. Le juge administratif exerce toutefois un contrôle restreint sur la décision de délibérer à huis clos
Le juge administratif exerce un contrôle restreint sur la décision de délibérer à huis clos :
« Considérant qu’il appartient au juge de l’excès de pouvoir, saisi d’une requête tendant à l’annulation d’une délibération adoptée par le conseil municipal à l’issue d’une séance à huis clos, de contrôler que la décision de recourir au huis clos, autorisée par les dispositions précitées de l’article L. 2121-18 du code général des collectivités territoriales, ne repose pas sur un motif matériellement inexact et n’est pas entaché d’erreur de droit, d’erreur manifeste d’appréciation ou de détournement de pouvoir » (CE 19 mai 2004, Commune de Vincly, n°248577).
Puisque le principe et celui de la publicité des débats, et que le huis clos est l’exception, la décision de recourir au huis clos doit donc nécessairement reposer sur un motif, qui est donc contrôlé par le juge.
Le huis clos peut ainsi être décidé, à titre d’exemple :
- pour l’élection du maire et des adjoints (CE 28 janvier 1972 Election du maire et d’un adjoint de Castetner, Pyrénées-Atlantiques, n°83128),
- pour la désignation d’un représentant de la commune dans un organisme extérieur (réponse ministérielle du Ministère de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales publiée dans le JO Sénat du 16/04/2009 - page 959 à la Question écrite n° 07241 de M. Jean Louis Masson (Moselle - NI) publiée dans le JO Sénat du 29/01/2009 - page 216),
- pour le vote sur le maintien de conseillers municipaux dans leurs fonctions d’adjoint (CAA Douai 19 janvier 2012, Duquenoy c/ Commune d’Haillicourt, n°11DA00493),
- ou pour tout autre objet relevant de la compétence du conseil municipal (CE 17 octobre 1986, Commune de Saint-Léger-en-Yvelines, n°74694, espèce portant sur la suppression d’un emploi).
Mais, le plus souvent, la commune invoquera les nécessités de l’ordre public ou le caractère particulièrement sensible de l’ordre du jour pour décider du huis clos. L’existence du contrôle du juge vise ainsi simplement à lui permettre de sanctionner le recours abusif au huis clos et d’interdire par exemple qu’un conseil municipal ne siège systématiquement à huis clos, ou qu’il ne décide de siéger ainsi chaque fois que du public se présente (conclusions de Monsieur Guillaume Goulard, rapporteur public, sous CE 19 mai 2004, Commune de Vincly, n°248577).
Ainsi si en théorie, tout motif peut justifier un huis clos à condition qu’il soit exact et rende indispensable le huis clos, en pratique c’est le plus souvent l’ordre public qui viendra justifier le recours au huis clos.
Dans la décision d’espèce ayant donné lieu à l’arrêt de principe CE 19 mai 2004, Commune de Vincly, n°248577, le conseil municipal avait décidé de procéder par un vote à huis-clos pour approuver le budget primitif. Selon la commune, le huis clos était motivé par des troubles à l’ordre public, une personne du public agitant un livre sans cesse en criant « J’ai le code des communes ». Toutefois, cette version des faits a été démentie par les pièces du dossier, et les juges ont donc considéré que la réalité des faits ayant motivés le huis clos (troubles à l’ordre public) n’était pas établie par les pièces du dossier (CAA Douai 24 avril 2002, Commune de Vincly, n° 98DA01835).
Ainsi le huis clos ne saurait être décidé à titre purement préventif, en prévision d’un éventuel trouble à l’ordre public, il faut disposer de véritables éléments prouvant que le risque de trouble à l’ordre public est réel et non hypothétique (TA Limoges, 29 octobre 2009, Mme Marinette Beuze et autres C/ Commune de Domeyrot, n° 0801440, « eu égard au caractère récurrent des décisions de recourir au huis-clos et à la circonstance qu’elles ont été votées avant l’examen de l’ordre du jour des séances, de telles décisions n’ont pu être prises qu’à titre préventif et non pour remédier aux troubles allégués, dont la commune ne justifie pas en outre de la réalité »).
Pour un autre exemple sur le motif d’ordre public, voir CE 14 décembre 1992, Commune de Toul, n°128646 :
« Considérant qu’aux termes de l’article L. 121-15 du code des communes : « Les séances des conseils municipaux sont publiques. Néanmoins, sur la demande de trois membres ou du maire, le conseil municipal par assis et levé, sans débat, décide qu’il se forme en comité secret" ; et qu’aux termes de l’article L. 121-16 du même code : "Le maire a seul la qualité de police de l’assemblée. Il peut faire expulser de l’auditoire ou arrêter tout individu qui trouble l’ordre" ; qu’il appartient au maire, en application de ces dispositions, de prendre les mesures destinées à empêcher que soit troublé le déroulement des séances publiques du conseil municipal, y compris en faisant interdire, pour des raisons de sécurité et d’ordre publics, l’accès de la salle aux personnes dont le comportement traduit l’intention de manifester et de perturber les travaux de l’assemblée municipale ;Considérant que si le maire de Toul a fait contrôler, le 17 décembre 1990, l’entrée de la salle dans laquelle se réunissait habituellement le conseil municipal et où il était convoqué pour tenir une séance ce jour-là, il résulte des pièces du dossier que l’accès a été refusé à un groupe de personnes, dont certaines portaient des pancartes et du matériel sonore, et qui, par la suite, ont fait irruption dans la salle par une autre issue, et ont empêché, par leurs manifestations bruyantes, le déroulement normal de la séance ; qu’en faisant ainsi interdire l’accès de la salle des délibérations à ces personnes, afin de prévenir le renouvellement d’incidents qui avaient eu lieu lors de la précédente séance et en avaient perturbé la tenue, le maire n’a pas, dans les circonstances de l’espèce, fait irrégulièrement usage de ses pouvoirs de police, et n’a pas, en faisant effectuer ce contrôle, méconnu le principe de publicité des séances ; que, dans ces conditions, la décision de se former en comité secret, prise par le conseil municipal au cours de la séance, est bien intervenue lors d’une séance publique ; qu’il en résulte que la Ville de Toul est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a annulé les délibérations du 17 décembre 1990, au motif que le conseil municipal les aurait adoptées au cours d’un comité secret décidé en violation des dispositions précitées de l’article L. 121-15 du code des communes ».
III. La procédure à suivre
Concernant la procédure à suivre, l’article L. 2121-18 du CGCT prévoit que, sur la demande de trois membres ou du maire, le conseil municipal peut décider, sans débat, à la majorité absolue des membres présents ou représentés, qu’il se réunit à huis clos.
La demande de huis clos (initiative) doit donc émaner du maire ou de trois conseillers municipaux au moins. Aucun formalisme n’est imposé pour cette demande mais ce préalable indispensable est sanctionné par la nullité de la délibération prise en huis clos (CE 16 juin 1978, M. Robert X., n°05197).
Le conseil municipal doit également impérativement se prononcer par un vote public sur le huis clos, et le maire ne peut donc pas décréter le huis clos seul (CE 4 mars 1994, Regoin, n°91179). La preuve de cette décision peut être faite par tous moyens (TA Limoges, 8 juin 1989, Chauvat). Cette décision constitue un acte préparatoire de la délibération qui va être prise, et en tant que tel, est inattaquable directement en excès de pouvoir (REP) (TA Nancy, 24 mai 2011, Mme Damienne Villaume, n°1100479).
La chronologie à suivre est la suivante :
- le conseil municipal doit commencer à siéger en audience publique,
- prendre la décision de siéger à huis clos (soit au tout début du conseil, soit en cours de séance),
- puis se réunir à huis clos.
Les modalités de fonctionnement des séances sont les mêmes que pour les réunions en séance publique (CE 25 mars 1966, Ville de Royan, n°46504), à la différence que lorsque le huis clos est décidé, la présence de personnes étrangères au conseil constitue une irrégularité (sauf le secrétaire de mairie CE 28 janvier 1972, Election du maire et d’un adjoint de Castetner, Pyrénées-Atlantiques, n°83128).
Il est par ailleurs toujours possible, dans le cadre d’une séance où le huis clos a été décidé, de retourner au régime de la séance publique, sans vote préalable. Une telle décision ne doit pas nécessairement faire l’objet d’un vote public préalable, mais elle doit respecter le parallélisme des formes et compétences, et donc recueillir l’assentiment de la majorité absolue des élus présents ou représentés. Cette décision ne doit pas être le résultat d’une pression extérieure émanant par exemple du public (CE 14 décembre 1992, commune de Toul, n° 128659).
Le retour au régime de la séance publique est même parfois obligatoire : un conseil municipal qui décide un huis clos motivé par une seule affaire inscrite à son ordre du jour, mais profite ensuite du huis clos pour voter 21 délibérations commet une erreur manifeste d’appréciation sanctionnée par le juge (CAA Douai, 23 juin 2005, M. Paul Cherdon, N°04DA00503).
Par ailleurs, la circonstance qu’une séance se déroule à huis clos ne dispense pas de mentionner au PV et au registre des délibérations l’ensemble des questions abordées au cours de cette séance, dans les mêmes conditions qu’en cas de séance publique (CE 27 avril 1994, Commune de Rance c/ Coronado, n° 145597). A priori toutefois, et logiquement, les opinions émises lors du huis clos ne figureront pas dans ce PV.
Enfin le huis clos doit rester l’exception, le principe posé par l’article L. 2121-18 du CGCT étant la séance publique. Il n’y a donc pas lieu pour un conseil municipal de siéger à huis clos à chaque séance.
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