Tout en affirmant tirer l’ambition climatique vers le haut à Marrakech, l’Union européenne est en train de préparer une législation énergétique qui pourrait subventionner de nouvelles centrales à charbon, et affaiblir les renouvelables en Europe.
La Commission européenne doit en effet dévoiler le 30 novembre prochain son « paquet hiver », soit une série de propositions de loi baptisée « De l’énergie propre pour tous » (Clean Energy for All), qu’EurActiv a pu consulter.
Cette série de huit textes, qui comporte révisions de directives et nouveaux règlements, cherche à mettre le consommateur au cœur du marché de l’énergie et à lui permettre d’être aussi producteur d’électricité. Mais d’autres profondes réformes du marché de l’énergie sont aussi à l’étude.
Une subvention déguisée au charbon ?
La généralisation des mécanismes de capacité, un dispositif déjà présent dans plusieurs pays européens, comme la France et le Royaume-Uni, et qui permet de rémunérer les capacités de production non utilisées, fait notamment débat.
Le dispositif permet en effet de subventionner les centrales utilisant des énergies fossiles, au grand dam des ONG environnementales. Or, dans le nouveau règlement sur le marché intérieur de l’électricité, et plus précisément dans son article 23, l’absence de limite d’émission de CO2 pour les nouvelles capacités de production crée potentiellement une subvention pour les nouvelles centrales à charbon.
« Je ne comprends pas pourquoi on ouvre la porte aux mécanismes de capacité, parce qu’on est déjà en surcapacité en Europe. La solution des Allemands, qui est de faire des « réserves stratégiques », est plus pertinente : avec l’interconnexion des marchés, il n’est pas nécessaire de garder des capacités de production non utilisées partout en Europe », s’insurge l’eurodéputé vert Claude Turmes.
Le gouvernement polonais prépare actuellement son propre mécanisme de capacité, qui devrait être très proche de ce qui existe au Royaume-Uni. Un copier-coller qui permettra de passer sans encombre l’embûche de la réglementation européenne sur les aides d’État, puisque la DG Concurrence a déjà validé le modèle britannique. Mais contrairement au Royaume-Uni, le pays pourrait tout à fait l’utiliser pour des centrales à charbon.
« Si la Pologne construit de nouvelles centrales à charbon, la crédibilité de la Commission est en jeu. Pourquoi le commissaire au climat autorise cela ?» s’interroge Claudes Turmes, à Marrakech.
La priorité des renouvelables à la trappe
Autre problème, l’accès prioritaire des renouvelables au marché est remis en cause par l’article 11 du même règlement.
>>Lire : Les énergies renouvelables pourraient perdre l’accès prioritaire au marché européen (en anglais)
L’accès prioritaire des renouvelables au marché actuellement en vigueur est une garantie de rentabilité pour les investisseurs. L’UE envisage dans l’article 11 de la supprimer.
Pour les énergéticiens, l’afflux de nouvelles capacités de production renouvelables a laissé un goût amer en pesant sur les prix du marché de gros : l’apparition de grandes capacités éoliennes notamment a concordé avec une demande en berne, et un prix du megawatt/heure inférieur à 50 euros, donc en dessous des prix de production de la plupart des capacités de production.
Les prix ont toutefois de nouveau grimpé depuis, à la faveur d’une demande plus soutenue et de capacités de production en berne avec les interruptions de réacteurs nucléaires en France.
« Aucun gouvernement n’a demandé qu’on détruise la sécurité d’investissement dans les énergies renouvelables, alors que si on veut arriver à limiter le réchauffement à 1,5°, on n’a pas le choix, il faut décupler les renouvelables !» affirme Claude Turmes. De fait, Paris et Berlin ont, selon Contexte, écrit à la Commission pour que les renouvelables conservent leur priorité sur le marché.
L’exécutif européen propose aussi d’élargir les pouvoirs de l’autorité de régulation de l’énergie européenne, dans laquelle collaborent les autorités de régulation nationales du secteur.
« Ce paquet énergie, c’est un cadeau à la Pologne ; les gouvernements pro-renouvelables comme l’Allemagne perdent du terrain, ce n’est pas cohérent » assure Claude Turmes.
Un objectif renouvelable modeste pour 2030
Autre couleuvre pour les défenseurs de l’environnement, la Commission européenne propose de fixer l’objectif d’énergies renouvelables en 2030 à 27 % de la production d’électricité, sans proposer de répartition pays par pays, et sans contrainte.
Jean-François Fauconnier, du Réseau Action Climat, se désole de cet objectif. “La Commission européenne n’a pas compris le message de l’accord de Paris. Les propositions sont à des kilomètres de ce qui est nécessaire pour changer les objectifs de Paris en réalité”.
Pour 2020, la Commission européenne visait 20 % d’énergie renouvelable dans le total de l’énergie, une cible qui pourrait ne pas être atteinte.
https://www.euractiv.fr/section/energie/news/lue-prepare-un-paquet-energie-plus-fossile-que-renouvelable/