Mon nom est Jean-François Maquigny.
Dans ma famille on est agriculteur depuis 1850. Nous habitons à Moreuil, dans la Somme. Je possède une centaine de vaches laitières, et j’ai repris l’exploitation de mes parents dans les années 80.
Je me suis intéressé à l’éolien quand un premier
permis de construire a été accordé en 2010 sur une zone rouge interdite à tout
parc, avec un avis négatif de la DREAL pour atteinte à la biodiversité. Mes
problèmes ont commencé lorsque celui-ci a été mis en fonctionnement à un kilomètre
de chez moi. Je tiens à préciser que je suis aussi entouré de plusieurs
antennes 4G. L’attitude de mes bêtes est devenue étrange et incontrôlable. Le
troupeau, pris de panique, se jette régulièrement et sans raison sur les
barrières. Quand ils sont au pâturage, les animaux sont victimes des mêmes
troubles : lorsque nous voulons les rentrer pour la traite, les vaches refusent
de s’approcher des bâtiments et sont même capables de passer au-dessus de
quatre ou cinq hommes qui les poussent. Guider le troupeau est devenu vraiment
dangereux. J’étais très inquiet, car, entre-temps, deux autres parcs à moins de
600 mètres de chez moi devaient voir le jour. Lorsque ceux-ci ont démarré, les
problèmes se sont aggravés : sur une parcelle que je possède et qui se situe à
moins de 300 mètres des aérogénérateurs, je constate malheureusement des
avortements à la pelle, et le comportement de mes vaches ne s’est pas amélioré.
Dès le départ, j’ai tout fait pour en parler aux
pouvoirs publics. Dans un premier temps, j’ai contacté Barbara Pompili qui, à
l’époque, était secrétaire d’Etat. Je me suis ensuite rendu à Clermont-Ferrand,
au sommet de l’élevage, et j’ai réussi à parler à Emmanuel Macron. Il m’a
adressé à son conseiller environnement, monsieur Paul Delduc. Après quelques
échanges téléphoniques, nous sommes convenus d’un rendez-vous à l’Elysée. Nous
avons discuté du dossier pendant une bonne heure. Monsieur Delduc m’a dit qu’il
avait connaissance des problèmes et il a décidé de faire intervenir à la fois
la ministre de l’Écologie, Elisabeth Borne, et la préfète de région. Madame
Borne a demandé une enquête au GPSE. (Groupement Pour la Sécurité Electrique).
Le GPSE a constaté des troubles. J’étais donc satisfait d’avoir été entendu,
jusqu’au moment où j’ai découvert que le rapport qui m’avait été remis était
profondément différent de celui qui m’avait été rapporté par l’inspecteur : Je
n’ai pas retrouvé les paroles de l’expert dans le dossier remis à l’Elysée. Les
faits avaient été grandement atténués !
Entre temps, la préfecture et la DDPP (Direction
Départementale Pour la Protection des Populations) ont débloqué des fonds afin
de faire placer des caméras dans le bâtiment ainsi que dans les pâtures dans le
but d’observer le bétail. Ils ont aussi nommé un vétérinaire en charge de
constater les avortements et les pathologies de mes bêtes. Un géobiologue s’est
aussi déplacé et il a pu déterminer précisément quelles étaient les éoliennes
les plus impactantes.
En août 2022, j’ai été convoqué à la préfecture
d’Amiens pour faire un bilan des observations caméras et vétérinaires. La
préfecture a reconnu qu’il y avait bien des troubles, mais ils m’ont informé
qu’ils avaient pris la décision de poursuivre l’enquête : j’ai donc « obtenu »…
trois années d’études complémentaires. Et j’ai claqué la porte.
Le conseiller environnement de Monsieur Macron, Paul
Delduc, m’a clairement fait comprendre que les lois pour promouvoir les
énergies renouvelables étaient votées pour 20 ans, et qu’on ne pouvait
absolument pas les modifier, plus rien faire pour les arrêter.
Dans 10 ans, il y aura encore plus d’éoliennes, mais
des éleveurs, il n’en restera plus beaucoup.
Témoignage recueilli par Sioux Berger Janvier 2023