PAR FRÉDÉRIC THERIN (À MUNICH), publié le 25/08/2015 | Le Point.fr
La transition énergétique voulue par Angela Merkel coûte 28 milliards d'euros aux consommateurs. Une situation qui inquiète les milieux économiques.
La note commence à être vraiment salée pour nos voisins. Une étude de l'Institut de l'économie allemande (Institut der deutschen Wirtschaft, IW) effectuée pour le quotidien économique Handelsblatt montre que la transition énergétique en République fédérale coûte chaque année... 28 milliards d'euros aux consommateurs. Une famille utilisant 3 500 kilowatts-heure tous les douze mois doit ainsi payer en moyenne 270 euros supplémentaires pour financer la politique environnementale mise en place par le gouvernement.
Pour lutter contre le réchauffement climatique, Berlin avait voulu montrer l'exemple au reste du monde. En souhaitant produire 60 % de son énergie et 80 % de son électricité grâce aux renouvelables d'ici à 2050, notre voisin s'est fixé des objectifs très ambitieux. Afin d'arriver à ses fins, le gouvernement n'a pas ménagé ses efforts... et ses deniers pour encourager ses citoyens et ses entreprises à jouer la carte écolo.
Les entreprises touchées
La loi sur les énergies renouvelables (EEG) mise en place en 2000, qui garantit aux producteurs de courant vert un tarif d'achat supérieur à celui de l'électricité conventionnelle, s'est révélée être un véritable gouffre financier. Attirés par des prix garantis élevés, des centaines de milliers de foyers se sont équipés de panneaux solaires. L'Allemagne doit ainsi verser près de 24 milliards d'euros de subventions aux producteurs d'énergies renouvelables chaque année. Ce programme a déjà coûté 300 milliards d'euros et l'ancien ministre de l'Environnement, Peter Altmaier, a estimé que la note pourrait atteindre 680 milliards d'euros en 2022.
Ces aides publiques sont payées in fine par les utilisateurs par le biais de taxes sur leurs factures. Les prix de l'électricité des ménages outre-Rhin ont ainsi plus que doublé en un peu plus d'une décennie. Ils sont passés de 0,14 €/kWh en 2000 à plus de 0,29 €/kWh aujourd'hui. Une récente étude de l'Association allemande des industries de l'énergie et de l'eau (BDEW) montrait que 52 % de la facture d'électricité payée par les particuliers étaient composés de taxes et d'aides aux énergies renouvelables. Même si les groupes qui ont besoin d'énormément de courant pour faire tourner leurs usines bénéficient de tarifs préférentiels, les entreprises ne sont pas non plus épargnées par cette envolée des prix. Des experts estiment ainsi que la République fédérale aurait pu accroître ses exportations de 52 milliards d'euros de 2008 à 2013 si ses coûts énergétiques étaient comparables à ceux de ses cinq principaux partenaires commerciaux.
« Revoir la copie »
L'étude de l'institut IW confirme ce bilan. « La révolution énergétique a été lancée en prenant comme hypothèses de départ que les coûts de l'énergie resteraient gérables et que leurs hausses suivraient une tendance mondiale, critique dans les colonnes du journal Handelsblatt Barbara Minderjahn, la directrice générale de l'Association des producteurs industriels d'électricité (VIK). Ces deux postulats se sont révélés faux. »
Le président de la Fédération allemande de l'industrie (BDI) dresse le même constat. « Les calculs [d'IW] montrent ce que coûte réellement la transition énergétique, résume Ulrich Grillo. Et les entreprises ont peur que ces hausses continuent de s'accélérer » dans les années à venir. Le patronat souhaite donc que le gouvernement change drastiquement de politique. « La grande coalition doit revoir sa copie, préconise Carsten Linnemann, le président de l'Association des PME qui est également député du parti chrétien-démocrate (CDU). Les conséquences de la transition énergétique deviennent une menace pour l'attrait de l'Allemagne car elles risquent de dissuader les investisseurs et de provoquer des pertes d'emplois. » La note pour le moins salée payée pourrait en outre amener d'autres pays à renoncer à suivre le « modèle » allemand.