Revue de presse et autres infos

jeudi 4 mars 2021

Bilan électrique 2020



https://bilan-electrique-2020.rte-france.com/wp-content/uploads/2021/03/PDF_BE2020-1.pdf

LE BILAN ELECTRIQUE RTE-2020

Eléments choisis et jugements en « trompe l'oeil »...


Chaque année, RTE publie un bilan électrique qui fait un panorama très complet de cette énergie au plan national, avec un regard sur son insertion dans les échanges européens. Il s'agit aussi pour notre opérateur national de replacer cela dans la perspective de la « transition énergétique », afin de faire une sorte de bilan des avancées dans cette dernière. La version qui vient d' être publiée est un « gros pavé » de 180 pages dans son édition complète, accompagnée aussi d'une synthèse ou de volets numériques plus faciles à comprendre.
cf. :
www.bilan-electrique-2020.rte-france.com

De nombreux journaux du jour reprennent la synthèse de ce bilan ou le communiqué de presse qui l' accompagne, sans aucun recul critique ou analyse. L' exercice pour RTE reste essentiellement de démontrer le succès des « énergies renouvelables », et accessoirement de la baisse des émissions de CO2, à coups de choix contestables des éléments statistiques, d' omissions volontaires d'éléments d' analyse, ou même de fautes de frappe volontaires (?) donnant des renseignements ou chiffres faux ! Nous allons donc en effectuer une analyse plus critique...

1. - UNE CONSOMMATION EN BAISSE TRES NETTE :

Cette dernière est en effet en recul de 3,5%, ce qui est lié à la crise sanitaire et aux deux confinements décrétés. En plus les températures moyennes supérieures à la normale (1°C environ) ont pu entraîner aussi une part de la baisse de consommation.
Cette partie s' accompagne aussi d' une prospective à l' horizon 2050 des consommations électriques, lesquelles devraient augmenter sous l' effet des transferts d' usages vers l' électrique (véhicules, mode de chauf age, développement de la filière hydrogène...) RTE n' entre pas dans les détails, mais annonce la publication d' un rapport pour l' automne 2021...

2. - UNE PRODUCTION EN FORTE BAISSE ET DES TRANSFERTS DANS LES MODES DE PRODUCTION :
La production baisse plus fortement que la consommation, puisqu'elle chute de 7%, passant de 535,1 Twh en 2019 à 500,1 Twh en 2020. La différence avec le recul de la consommation tient aussi à la chute de nos exportations électriques. Cette production est donc la plus basse depuis 20 ans !
Ce que le bilan met d' abord en évidence, c'est la forte croissance des « énergies renouvelables », qui participent à hauteur de 23,4% de la production totale. Mais cela est d' abord dû aux excellentes performances de l' hydraulique, qui tient toujours la meilleure part des renouvelables et n' est pas assez mis en avant. L'année pluviométrique a été exceptionnelle, les réserves étaient de 22% plus importantes que celles de l' an passé.
Pour la production des aléatoires, éolien et solaire, certes les chiffres de production sont en hausse, mais cela tient d' abord à leur insertion prioritaire sur le réseau dans une conjoncture de baisse de la consommation qui ne les a donc pas affectés. Cela RTE se garde bien de le rappeler ! Il faut tenir compte aussi de la croissance forte de la puissance installée, qui a par exemple augmenté de 7% pour l' éolien.
Voulant sans doute rajouter dans le bilan favorable à l' éolien, RTE annonce pour ce dernier un taux de charge moyen de 36%, chiffre qui m'a fait bondir, et que j'ai vérifié à partir des taux moyens mensuels : on arrive alors à un taux de charge moyen de 26% pour 2020, au lieu de 24,7% en 2019. Progression déjà remarquable, mais un peu plus cohérente !
Si les EnR croissent, le thermique est en recul, soit le classique, soit le nucléaire, ce dernier avec les fermetures de FESSENHEIM 1 et 2, et la moins bonne disponibilité des autres centrales, touchées par des décalages de maintenance ou des indisponibilités de salariés (covid19).
Et les émissions de CO2 ? Le bilan tente de nous convaincre de leur recul, ce qui serait bien le moins, au vu de la baisse de la production globale, et en particulier du thermique classique. En passant de 18,7 millions de t de CO2 en 2019 à 17,1 en 2020, mais avec une production électrique en baisse de 7%, mes calculs montrent des émissions qui passent de 34,9 à 34,2 grammes/CO2/kwh, soit une différence infinitésimale qui est loin des 9% de baisse annoncés par RTE, décidément brouillé avec les calculs !!!

3. - DES EXPORTATIONS ET DES PRIX DE GROS EN CHUTE, DANS UN MARCHE ERRATIQUE :
Nos exportations électriques sont en chute, notre solde est pour 2020 de 43,2 Twh, soit 13 Twh de moins qu' en 2019. Nous restons toutefois les premiers en Europe pour nos exportations électriques, en quantité, mais les chiffres en valeur ne sont pas donnés par le rapport, ce qui serait pourtant essentiel. Nous restons globalement nettement exportateurs à destination de l' Italie, du Royaume-Uni, de la Suisse et de la péninsule ibérique. Nous avons des échanges à peu près équilibrés avec le bloc CWE (Allemagne et Bénélux).
Cette évolution assez défavorable de nos exportations électriques tient à une disponibilité moindre de nos excédents électriques, à la crise sanitaire qui a concerné tout le continent, à la capacité limitée des interconnexions (en cours de renforcement avec le R-Uni et l' Irlande), et enfin les évolutions de prix qui font qu'il est parfois plus avantageux d' importer que de produire (prix négatifs le plus souvent en Allemagne, avec surproduction des EnRi).
Les prix de marché sont partout en baisse : pour la France, ils ont été en moyenne de 32,2 €/Mwh en 2020, soit 18% de moins qu' en 2019 (comme nous sommes exportateurs, nous perdons de l' argent). Ce sont d' ailleurs les prix les plus bas depuis 2004 ! Comparativement en Europe, les prix ont baissé partout, les plus bas sont ceux de Nord Pool (Scandinavie), de l'ordre de 11 €/Mwh, pour le reste de l' Europe ils fluctuent entre 30,5 € (Allemagne) et 40 € (Roy. Uni).
On doit remarquer en outre de nombreuses fluctuations de prix, qui sont fonction de la capacité des aléatoires à produire ou pas : dès qu'ils produisent massivement grâce au vent et au soleil, les prix s'effondrent et peuvent même devenir négatifs (surtout constaté de mars à mai), dès qu'ils ne produisent plus, la production peut devenir insuffisante pour couvrir les besoins et les prix flambent surtout si cela se
conjugue avec les températures faibles et l' indisponibilité de moyens classiques (constaté en septembre et décembre). Ces fluctuations s'accentueront nécessairement au fur et à mesure que les aléatoires prennent plus de place dans les mix nationaux, comme on le constate déjà en Allemagne...

CONCLUSION :
Ces quelques vérités rétablies à propos d' un bilan électrique certes complet, mais dont les commentaires sont trop souvent très orientés, que devrons nous retenir de cette année 2020 ?
Le fait majeur, c'est à l' évidence une crise sanitaire qui a perturbé la production, la consommation et les marchés de l' électricité. Conjuguée avec les éléments climatiques qui sont allés de phases caniculaires en épisodes de froid un peu plus forts que les dernières années, nous voyons bien que le système électrique a besoin de capacités de production stables et pilotables pour pouvoir faire face. Comme ce n' est pas le chemin que prennent nombre de pays européens, nous risquons pour l' avenir, de connaître des situations difficiles si nous ne réagissons pas !


Michel DESPLANCHES