Des pêcheurs et des habitants se sont retrouvés sur le port, mercredi, pour redire leurs craintes face au projet de parc éolien en mer. |
Les pêcheurs engagent un recours auprès de l’Europe contre le projet d’éoliennes en mer. Ils disent déjà ressentir un impact négatif sur leur activité avec les premiers tests.
62 éoliennes de 8 MW doivent être construites en mer, au large de nos côtes par Éoliennes en mer Dieppe-Le Tréport (EMDT), filiale de la société Engie. Le projet date de 2005.
Le projet suscite l’opposition d’une majorité d’habitants, des élus et des pêcheurs, qui dénoncent une implantation dans leur zone de travail.
Les tests pour la mise en place des mats auraient déjà un impact sur le milieu marin.
Un recours va être engagé par les pêcheurs auprès de l’union européenne.
Dans le port de pêche du Tréport, l’opposition reste vive contre le projet de parc éolien en mer, validé par le président de la République malgré l’hostilité locale.
« Le 10 septembre, le préfet réunit les maires, les députés, les sénateurs, pour préparer l’enquête publique. Nous, nous ne sommes pas invités, alors que nous sommes les premiers concernés », regrette Olivier Becquet, président de la coopérative des artisans pêcheurs associés (Capa). Mercredi, il avait appelé ces derniers à se rassembler devant la Capa, pour exposer les actions entreprises. Tout récemment, a-t-il annoncé, les présidents des comités des pêches de Normandie et des Hauts-de-France ont adressé un courrier commun au préfet de Normandie, pour rappeler leur refus.
Retarder le dossier
Sur le plan juridique, un recours va être engagé auprès des instances européennes : « Un avocat spécialisé va se déplacer pour faire passer le message. » Mais la procédure ne peut être menée par une structure représentative (comme le comité des pêches), elle doit l’être par les pêcheurs eux-mêmes, a précisé le responsable. Il leur demande donc de s’engager individuellement : « Plus il y en aura, plus ce sera porteur. Le but est de retarder le dossier. » Et qu’il soit peut-être un jour abandonné. « On va faire des campagnes d’affichage, distribuer des tracts dans les villes sœurs et bien au-delà. C’est aussi à vous de vous mobiliser », a lancé le porte-parole.
Car les professionnels craignent pour leur avenir. Le Tréport compte 200 marins et 45 navires, essentiellement côtiers. La zone retenue pour l’implantation des 62 mats est celle qu’ils fréquentent le plus, « la plus riche », entre le rivage et la ligne des 20 miles, de la baie de Somme (au nord), à la pointe d’Ailly (au sud). « Elle sera directement impactée par les bruits générés par le chantier pendant deux ou trois ans. » L’onde sonore se diffuse sous l’eau et ferait fuir les poissons.
Les pêcheurs affirment en ressentir déjà les effets négatifs. Depuis deux mois, une barge effectue des tests géotechniques, avec des forages sur chaque emplacement. « Cela a cassé la migration des sèches et des rougets barbets,dénonce Olivier Becquet. Tout ce que nous disons depuis douze ans se confirme. Les études le montrent aussi. Avant, on pouvait avoir une tonne de sèches par bateau, et maintenant on n’a plus rien. »
Les patrons des petites unités hésitent à sortir, pour ne pas dépenser du carburant inutilement. « Nos charges restent les mêmes », note l’un d’eux, évaluant à 50 % la perte de chiffre d’affaires : « Avant le mois de juillet, on travaillait bien sur ce secteur. Mais on ne voit plus de maquereaux, plus de soles. » Un autre s’alarme : « La nature du fond est en train de changer, c’est la destruction de tout un écosystème. » Même la ressource en coquilles Saint-Jacques pourrait être touchée. Vincent Lamidel, patron de l’Héraclès, un chalutier de 16 mètres, imagine les conséquences avec les 62 éoliennes : « C’est affolant. »
Pour Olivier Becquet, le projet menace « l’économie du littoral, et principalement du port du Tréport », évaluant « à 10 millions d’euros par an » le chiffre d’affaires généré localement par la pêche. Il remarque d’ailleurs que le métier attire encore des jeunes. Comme Matthieu Dovergne qui, à 20 ans seulement, a décidé de se lancer à son compte, à la barre de Mattelo, chalutier-crevettier de 7,80 m. Et il s’inquiète forcément.
Le président de la Capa a demandé aux pêcheurs présents s’il fallait engager des discussions avec le porteur de projet pour obtenir des compensations. « Non », ont-ils répliqué. « C’est de la poudre aux yeux », a-t-il approuvé. Ils veulent vivre de leur travail, avant tout. Le combat continue.
Contre « le lobby éolien »
Au lendemain de la démission de Nicolas Hulot, le représentant des pêcheurs, Olivier Becquet, n’a pas vraiment regretté ce départ, critiquant l’action du ministre de l’Écologie sur ce dossier. Les opposants au projet remarquent que celui-ci n’a pas supporté le lobby des chasseurs mais estiment qu’il a cédé au « lobby de l’éolien ». Ils font le même reproche au président de la République, Emmanuel Macron, dénonçant aussi le fait qu’il ait validé le 20 juin dernier la création de six parcs éoliens offshore le long des côtes de la Manche et de l’Atlantique, « sans qu’il y ait eu concertation ». A contrario, Olivier Becquet a noté avec ironie que le projet de parc au large du Touquet, où la famille d’Emmanuel Macron possède une résidence, avait été abandonné. « On l’invite à prendre une villa au Tréport ou à Mers. Il faut qu’il fasse autre chose que d’écouter le lobby des industriels. »