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mardi 7 août 2018

ÉOLIENNES OFFSHORE - Les pêcheurs en mer continuent le combat

http://www.courrier-picard.fr/128230/article/2018-08-06/les-pecheurs-en-mer-continuent-le-combat

Le projet d’éoliennes en mer d’Engie, au large du Tréport, se poursuit, conforté par le président Macron lui-même. Les pêcheurs professionnels, opposants de toujours, tiennent bon.


LES FAITS

2014 : Engie (ex-GDF Suez) remporte le 2e appel d’offres de l’éolien en mer pour un parc au large de Dieppe, du Tréport et de la côte picarde, après un autre projet au large des îles d’Yeu et de Noirmoutier (Vendée). Chacun comptera 62 éoliennes de 8 MW.


2015 : un débat public de plusieurs mois confirme ce que l’on savait déjà depuis 2005, année où un premier projet éolien avait été imaginé : le choix de la zone est le principal obstacle au projet de Dieppe - Le Tréport, pour les marins-pêcheurs, puisque le parc sera situé dans leur zone de travail.


20 octobre 2017 : le Parc naturel marin (PNM) des estuaires picards et de la mer d’Opale rend un avis négatif sur le projet d’Engie, mais, à la faveur d’un changement législatif, cet avis ne s’impose plus au porteur du projet.
20 février 2018 : l’Agence française pour la biodiversité émet un avis favorable, contredisant celui du Parc naturel marin.


20 juin 2018 : le président Macron confirme les six projets éoliens en mer français, dont celui de Dieppe - Le Tréport, après renégociation à la baisse des aides publiques et du tarif de rachat de l’électricité, alors que l’enquête publique n’a pas encore eu lieu.


"Rien n’est perdu", affirme Gérard Montassine, membre de la commission environnement du comité régional des pêches des Hauts-de-France. 

« L’opposition au projet d’éoliennes en mer est toujours là », renchérit Olivier Becquet, vice-président du comité des pêches de Normandie. Et pourtant, les deux représentants des pêcheurs professionnels, opposés aux éoliennes en mer depuis 13 ans (lire « Les faits »), auraient pu perdre le moral.
En effet, les signaux n’ont jamais été aussi favorables pour Engie et sa filiale Éoliennes en mer - Dieppe - Le Tréport (EMDT). En février, l’Agence française pour la biodiversité a rendu, après des mois de tergiversations et de reports de la décisionun avis positif à son projet de 62 éoliennes, dont la mise en service est prévue en 2022. Et, le 20 juin, le président de la République lui-même, excusez du peu, est entré dans la danse. Emmanuel Macron a affirmé que les six projets éoliens offshore en cours sur le littoral français se feront bien, après que le gouvernement eut négocié 15 milliards d’économies pour l’État, par la baisse des aides publiques aux projets, et une diminution du tarif de rachat de l’électricité.


De quoi être amer, du côté des pêcheurs. « Il y a eu deux débats publics, sur le premier projet, en 2010, puis sur celui-ci, en 2015 », rappelle Olivier Becquet. «  À chaque fois le «non» l’a emporté mais l’État est passé outre. L’Agence française pour la biodiversité n’a pas tenu compte de l’avis du Parc naturel marin, alors qu’un tiers des éoliennes sont prévues dans son périmètre. Et le président Macron a fait son annonce alors que l’enquête publique n’a pas eu encore lieu ! »


Après cinq mois de carence, le Parc naturel marin des estuaires picards et de la mer d’Opale a retrouvé une gouvernance, début juillet. Son président, Dominique Godefroy, et ses vice-présidents, ont décidé de repartir pour cinq ans, alors qu’ils avaient démissionné à cause de la décision de l’Agence française pour la biodiversité. Le comité des pêches des Hauts-de-France a dépêché un représentant, devenu vice-président du Parc, pour ne pas faire la politique de la chaise vide. Gérard Montassine et Olivier Becquet ont fait le choix inverse. « Les pêcheurs, localement, ne sont plus représentés dans le Parc, et j‘estime qu’il ne sert plus à rien pour eux », assène Olivier Becquet. « Nous nous battrons, avec les associations SOS à l’horizon et Scopa, en déposant des recours après la fin de l’enquête publique », promet Gérard Montassine. Car les deux hommes ne se font pas d’illusions sur les conclusions de cette enquête, qui devrait avoir lieu à l’automne. « L’État veut ce projet, mal placé, alors que nous avions proposé une zone qui aurait satisfait tout le monde », regrette Gérard Montassine. Le choix de la zone, toujours et encore.


Emploi : l’exemple des hydroliennes ?
Engie promet 1 500 emplois directs pour ses projets éoliens en mer, notamment 750 dans des usines de fabrication de nacelles et pales au Havre. « De la poudre aux yeux », selon Gérard Montassine et Olivier Becquet. Qui citent un exemple tout récent : le groupe Naval Énergies a annoncé, fin juillet, l’abandon de ses investissements dans l’hydrolien en mer, un mois et demi tout juste après avoir inauguré une usine dédiée à Cherbourg. Un abandon justifié par l’absence d’appels d’offres de l’État français, alors que la société avait investi 250 millions d’euros dans la filière, depuis 2008. Naval Énergies avait reçu seulement deux commandes fermes d’hydroliennes, pour le Japon et le Canada. Même si l’on voit mal Engie abandonner ses projets éoliens alors que la situation lui est favorable, Olivier Becquet ne croit pas à ces emplois au Havre : « Tout viendra d’Allemagne ». Ce qu’Engie a toujours démenti.