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mardi 23 janvier 2018

Canada : Des résidents dénoncent la contamination de leurs puits par des particules de schiste

http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1079618/puits-schiste-noir-eolienne-chatham-kent

La présence de particules de schiste noir a augmenté substantiellement dans un puits de la région de Chatham-Kent en Ontario, après des travaux d'installation d'éoliennes. C'est ce qu'indiquent les résultats d'analyses d'eau commandées par un groupe de défense des citoyens qui soutient que le problème est répandu dans le secteur.

Dix-huit résidents du comté de Dover accusent les promoteurs d'un parc d'éoliennes, les compagnies Samsung et Pattern Development, d'avoir contaminé l'eau de leurs puits.

Radio-Canada a appris que les membres du groupe Water Wells First ont récemment reçu les résultats d'analyses d'eau. Ils donneront un point de presse mardi après-midi.

Ces analyses démontrent que la concentration de schiste noire est passée d'environ 47 microparticules par millilitre avant les travaux à 681 939 microparticules par millilitre après les travaux.

Les échantillons d'eau ont été recueillis dans un seul puits. Les employés du laboratoire qui ont effectué les analyses n'ont toutefois pas prélevé les échantillons eux-mêmes.

« Ça prouve que la nappe phréatique de la région est très sensible aux vibrations », indique le porte-parole du groupe, Kevin Jakubec.

D'après le groupe, c'est la technique utilisée par les entreprises Samsung et Pattern Development pour installer la base des éoliennes, le battage de pieux, qui ferait autant vibrer le sol.

Les tests ont été effectués par les laboratoires RTI au Michigan, puisque ceux-ci possèdent la certification ISO17025, une norme scientifique internationale dans l'analyse au microscope de particules.

"La majorité des microparticules de schiste noir mesurent moins d'un micron, ce qui rend la filtration de l'eau extrêmement difficile". Kevin Jakubec, porte-parole de Water Wells First

M. Jakubec croit que le schiste noir contient beaucoup de métaux et pose un danger pour la santé.

« On sait qu'il y a de l'uranium dans le schiste et que l'uranium peut libérer du radon. C'est documenté dans la géologie médicale », soutient-il.

Les scientifiques partagés

La plupart des experts questionnés à ce sujet estiment que tout dépend des éléments que contient le schiste en question.

« C'est normal qu'il y ait des particules de schiste dans des puits privés. Ce sont plutôt les métaux dans l'eau qui sont inquiétants et certains schistes ont un taux de métaux très élevé, d'autres bas », explique le géologue à la retraite Olle Selinus.

D'après ce dernier, l'eau doit être analysée selon une série d'éléments pour pouvoir déterminer si elle est néfaste ou non pour la santé.

« Boire de l'eau qui contient des particules n'est pas encouragé mais ne peut pas être dangereux pour la santé [...] si les particules de schiste ne contiennent pas d'éléments toxiques comme de l'arsenic et du mercure par exemple », explique le professeur au département de géologie de l'Université de Dallas, Robert Finkelman.

M. Jakubec soutient, pour sa part, que c'est l'exposition à une grande concentration de particules est problématique, à long terme.
"La formation de schiste noir dont on parle est particulière au sud-ouest de l'Ontario. [...] Elle n'est pas très profonde dans le sol et, au-dessus d'elle, il y a la nappe phréatique." Kevin Jakubec, porte-parole de Water Wells First.

Une approche prudente

Les scientifiques qui ont analysé l'eau croient toutefois que le nombre de particules pourrait être bien plus élevé que ce que leurs résultats ont démontré.

« Quand on a établi le protocole pour caractériser le schiste noir, on a été très prudents dans nos critères d'identification », commente Loyd Kauffman, l'un des directeurs des laboratoires RTI.

"Je comprends les questions politiques derrière cette affaire et c'est pourquoi on essaie d'être la troisième partie neutre du conflit". Loyd Kauffman, Laboratoires RTI

Le scientifique précise qu'il ne peut commenter la façon dont les échantillons ont été recueillis puisqu'aucun membre de son équipe n'était présent.

Gouvernements peu proactifs
Dans une déclaration écrite, le ministère de l'Environnement de l'Ontario indique qu'il continue d'examiner les résultats d'analyses de l'eau commandées par Pattern Development et de Samsung.

Ses employés devraient présenter un état de la situation aux propriétaires des puits au cours des prochaines semaines.

Le porte-parole du ministère rappelle que les réserves d'eau souterraine, qui alimentent les puits, sont situées juste au-dessus du schiste. Cela expliquerait la présence de particules dans l'eau.

Le ministère n'écarte pas non plus une potentielle contamination bactérienne de l'eau, qui créerait de la turbidité.

De son côté, le service des communications de Santé Canada a envoyé un message à Radio-Canada. « Si votre eau potable provient d'un puits situé sur votre propriété privée, vous avez probablement la responsabilité de vous assurer qu'elle est propre à la consommation. Il faut faire analyser cette eau périodiquement pour vérifier si elle est toujours saine. »

À lire aussi :

Éoliennes : au pays de l'eau noire
http://ici.radio-canada.ca/regions/special/2017/eoliennes/index.html
Des résidents en Ontario vivent un cauchemar depuis l’installation d’éoliennes proches de leur domicile.
La couleur viendrait de sédiments de schiste noir en suspension dans l’eau. Depuis cette découverte, ces résidents de la région de Chatham-Kent, en Ontario, disent vivre un véritable cauchemar.
« Nous ne pouvons rien faire. Nous utilisions l’eau pour tout. Je ne peux même pas prendre de bain. Mon monde est complètement bouleversé à cause de ça », se désole Marilyn St-Pierre qui réside à Dover Center.
« Notre eau est finie et notre vie avec. Je ne peux même pas installer un jeu de glissade pour mes enfants et petits-enfants », constate en larmes Christine Burke, qui habite tout près.
LA FAUTE AUX ÉOLIENNES
À la recherche de réponses, les yeux des résidents se tournent rapidement vers les projets de parcs éoliens en cours de construction à proximité de chez eux. Les problèmes, affirment-ils, ont commencé en même temps que les travaux à la fin de l’année 2012 et peu de temps après le début de la construction du parc éolien East St. Clair, à Dover Center.
« Nous n’avons pas à l’époque réalisé ce qui se passait. Je ne voulais pas croire que les turbines pouvaient être en cause. » - Marc St-Pierre
Ce n’est que lorsque d’autres voisins se manifestent qu’il se rend compte de l’ampleur du désastre. Tous habitent dans un rayon de 7,5 km, à proximité du parc éolien.
Douze éoliennes se dressent autour de la propriété de Marc St-Pierre, la plus proche est située à 550 m de sa maison.
Le problème ressurgit en mai 2017, quelques semaines à peine après le commencement des travaux d'un autre projet de parc éolien, North Kent One.
« Ils ne veulent pas avouer. Mais c’est bizarre : mon puits est perdu, le puits voisin est perdu, le puits sur l’autre concession est perdu. Tout est perdu depuis qu’ils ont commencé avec North Wind », explique Lucy Defraeye, une autre résidente touchée.
Une hypothèse que croit volontiers Keith Benn, un géologue professionnel qui travaille depuis plusieurs années dans l’industrie minière en Ontario. Selon lui, la relation entre l’installation d’éoliennes et la contamination des puits est évidente.
« C'est une preuve circonstancielle, d'accord. Mais quand vous avez une source d’eau [pure] pendant des années et qui [se transforme] quelques jours après la construction d’une installation industrielle. Il ne faut pas être un génie pour constater qu’il y a un lien de cause à effet », note-t-il.
« Une conviction partagée par Bill Clarke, un géoscientifique agréé en Ontario depuis 43 ans. « Nous faisons la connexion entre la construction et le parc éolien puisque c’est la seule chose d’importance qui ait changé aux alentours de Chatham-Kent », explique-t-il.

« Il y a des résidents ici depuis des générations. C’est la première fois que quelqu’un relève des problèmes de qualité de l’eau. » - Bill Clarke, géoscientifique
UNE COMPAGNIE NON RESPONSABLE
Marc St-Pierre et sept de ses voisins se tournent vers le ministère de l’Environnement de l’Ontario en 2013 pour avoir des réponses.
L’eau est déclarée propre à la consommation par des inspecteurs du gouvernement.
« Ils ont fait des tests pour vérifier la présence de bactéries, mais ils n’ont jamais fait de prélèvement de sédiments. » 
- Marc St-Pierre
Démunis et toujours aux prises avec une eau noire, ils décident simplement d’installer des filtres, sans jamais recevoir de compensation.
L’histoire est différente pour les citoyens touchés autour du parc North Kent One. Là, la présence de sédiments est telle que les puits sont complètement bouchés.

Les résidents s’adressent à la compagnie Pattern Energy, propriétaire du projet, qui soutient qu’elle n’a rien à voir avec le problème.
Selon les ingénieurs de l’entreprise, il est impossible que la construction de turbines puisse causer de tels problèmes.
Gagan Chambal est directeur de travaux chez Pattern Energy. Il affirme que les recherches effectuées avant de commencer le chantier démontrent qu’il est impossible que des particules de schiste noir, ou quoi que ce soit d'autre, puissent être transportées des chantiers de construction des turbines aux puits situés à des centaines de mètres de distance.
L’étude menée par l’agence de consultants environnementaux Golder Associates ne convainc pas Keith Benn, surtout parce qu’elle est basée sur des modèles et non des analyses empiriques sur le terrain.
« Un modèle ne prouve rien, il ne fait que prédire quelque chose. S’il prédit quelque chose de faux, alors ce modèle est erroné. Et il semble que ce soit le cas ici. » - Keith Benn, géologue
Si les experts ne comprennent pas exactement les causes de cette situation, plusieurs montrent du doigt la technique d’installation par battage de pieux des fondations des éoliennes qui endommagerait l’aquifère.
DES RÉSERVOIRS DE DÉPANNAGE
L’entreprise se dédouane, mais il y a quelques semaines, elle a fait livrer chez plusieurs résidents d’immenses cuves d’eau pour remplacer les puits.
Selon M. Chambal, il s’agit d’une simple démarche de bon voisinage.
« Dans le cadre de notre permis, nous n'étions censés fournir des réservoirs uniquement que s'il était déterminé que notre construction avait une incidence sur la qualité de l'eau. Mais, étant de bons voisins, nous avons pris des mesures proactives pour aider la communauté. Les résidents qui se plaignent de la qualité de l'eau ont donc accès à de l’eau propre même pendant l’enquête », souligne-t-il.
Une solution temporaire qui est loin de satisfaire les résidents qui s’inquiètent aussi de la salubrité de cette eau.
« Quant à moi, c’est une citerne pour donner de l’eau aux animaux ou pour travailler dans les champs. Elle est sale à l’intérieur. On ne peut pas boire cette eau-là, ni laver nos légumes ou cuisiner », affirme Lucy Defraeye.
Et l’arrivée de l’hiver n’annonce rien pour les rassurer.
« Mon réservoir est à l’extérieur. L’hiver s’en vient, je vais avoir de l’eau gelée », renchérit, frustré, Calvin Simmons.
Mais au-delà des inconvénients, ces résidents se sentent abandonnés, surtout par le gouvernement.
DES POUVOIRS PUBLICS PEU À L’ÉCOUTE
Kevin Jakubek est porte-parole de Water Wells First, une association de protection de l’eau potable qui rassemble les résidents touchés depuis 2013.
Il affirme que le gouvernement ne fait pas son travail et devrait enquêter sur tous ces puits devenus inutilisables.
« Nous avons demandé au ministère de l'Environnement d'enquêter depuis plus d'un an et demi et ils ne font pas d'enquête. Ils viennent, ils font quelques tests, mais ils refusent de prélever des échantillons du polluant », dit-il.
Une impression que Marc St-Pierre a lui-même eue.
« Un inspecteur du ministère est arrivé à la maison et je lui ai montré l’eau qui venait du puits elle sortait noire, je lui ai demandé de prendre ça pour l’examiner. Il ne voulait pas toucher. Il ne l’a pas pris. Ils ne veulent pas savoir ce qu’il y a dans l’eau », raconte-t-il.
Pour M. Jakubec, c’est simplement l’histoire qui se répète.
« Les gens ont commencé à remarquer que leur eau était noire. Le gouvernement était au courant et ils n’ont absolument rien fait. Ils ont permis la construction d’un autre parc dans un autre comté. Et là encore, il y a des puits contaminés. » - Kevin Jakubek, porte-parole de Water Wells First
EN ATTENTE DE RÉPONSES
Les citoyens sont frustrés par le peu de cas fait de leur situation.
Même si le gouvernement affirme que l’eau est tout à fait propre à la consommation une fois qu’elle a été filtrée, des experts affirment qu’elle contient des métaux lourds dangereux pour la santé.
« Je suis déjà passée à travers un cancer et ma plus grande peur, c’est d’en avoir un autre. » - Marilyn St-Pierre
Ce que demande Water Wells First, c’est que les travaux soient suspendus le temps d’identifier la source du problème.
Les résidents ont déposé des plaintes auprès du ministère de l’Environnement et des Changements climatiques qui sont actuellement à l’étude.
Pour Bill Clarke, ces démarches vont prendre du temps, un temps au cours duquel les résidents ne pourront pas profiter de la source d’eau potable dont il avait pu jouir jusque là.


News :
05/02/18 : Puits contaminés à Chatham : le ministère de l'Environnement blanchit North Kent Wind 😯
http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1082240/eau-noire-chatham-ministere-environnement-north-wind
Le ministère de l'Environnement de l'Ontario a informé les propriétaires de puits dont l'eau est devenue noire durant des travaux d'installation d'éoliennes, dans la région de Chatham-Kent, que la contamination n'était pas due à ces travaux. Une conclusion rejetée, lundi, par les résidents touchés.
Dans une lettre envoyée à 9 propriétaires des 18 puits dont l'eau est devenue noire dans la dernière année, le ministère conclut que le battage de pieux utilisé pour installer les éoliennes du projet North Kent Wind n'est pas la cause de la contamination de la seule source d'eau potable de ces résidents.
Le document explique que le ministère a demandé aux deux compagnies responsables du projet, Pattern Development et Samsung, de recueillir deux échantillons d'eau chaque jour avant, pendant et après les travaux au chantier North Kent Wind 1.
« Les résultats de ce programme d'échantillonnage ont indiqué que les activités de battage de pieux n'avaient pas eu d'effet sur la qualité de l'eau dans les puits surveillés », peut-on lire dans le rapport.
Le gouvernement soutient également que les puits de la région de Chatham-Kent, particulièrement dans les cantons de Dover et de Chatham, détiennent moins d'eau qu'ailleurs en province, en raison de la composition du sol.
La proportion de puits abandonnés serait aussi la plus élevée dans le sud-ouest de la province, selon les données du ministère.
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Éoliennes : Au pays de l'eau noire
Des particules de schiste contaminent un puits, selon des analyses
Colère et désespoir des résidents
Les propriétaires de puits, qui s'étaient regroupés au sein de la coalition Water Wells First au cours de la dernière année, ont convoqué la presse lundi après-midi afin de rejeter les conclusions du ministère.
Ceux-ci demandent une enquête de la santé publique et déplorent ce qu'ils considèrent être « un dangereux précédent » pour la protection de l'eau.
Pattern Development et Samsung avaient fait installer 12 réservoirs d'eau temporaires sur les terrains des familles touchées.
Six de ces familles ont appris qu'elles perdront ces réservoirs prochainement.
Lundi, leur porte-parole Kevin Jakubec a indiqué aux médias que ces familles étaient désespérées et qu'elles ne savaient pas quoi faire pour la suite des choses.
« C'est décourageant pour les familles de notre communauté de se faire dire par le gouvernement de retourner boire de l'eau visiblement contaminée par des particules de schiste noir. »
Réactions de Pattern Development
Dans un courriel, un porte-parole de Pattern Development dit comprendre que la situation des puits peut-être inquiétante et que l'accès à l'eau potable est essentiel.
Pattern met aussi l'accent sur les vibrations causées par la circulation locale et les pompes des puits.
« Le niveau de vibrations provenant des activités de construction là où se trouvent les puits était [...] beaucoup moins élevé que les vibrations quotidiennes », ajoute le porte-parole Matt Dallas.
Plus d'un million de personnes en Ontario ont un puits comme principale source d'eau potable.