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samedi 2 décembre 2017

Pas-de-Calais : Le maire du village, le château, les éoliennes et le tribunal

02/12/2017

Audience hors-norme, mardi, au tribunal correctionnel : le maire de Monchel-sur-Canche était entendu pour prise illégale d’intérêt. Le tribunal cherche à savoir s’il a favorisé l’implantation d’éoliennes dans son village à des fins personnelles. Une poursuite rendue possible… suite à la plainte des propriétaires du château de Flers. Explications.

Il était une fois un maire, une compagnie éolienne, un château et… des rebondissements judiciaires. « Une procédure à la fois intéressante, curieuse, surprenante… », selon Me Faugeroux, l’avocat de la défense. Le dénouement sera connu le 21 décembre. En attendant le délibéré du tribunal correctionnel d’Arras, retour une audience hors du commun.

Beethoven, Tantale et les larmes du maire


Déjà, il y a le prévenu. Bertrand Cléret, 68 ans, dont vingt-deux en tant que maire de Monchel-sur-Canche, sa petite centaine d’habitants, ses agriculteurs et… ses éoliennes. 

Le tribunal veut savoir s’il en a facilité l’implantation dans le village : plusieurs d’entre elles étant installées sur ses terres, il touche des loyers (environ 40000 € par an) de la Compagnie du Vent, qui les exploite. Après deux heures de débat, lorsque la parole lui reviendra, l’élu dira sa stupéfaction : « Je pensais jamais un jour être à la barre. » Les larmes n’étaient pas très loin. 😥


"28 000 clignotements par jour. C’est le supplice de Tantale, la musique de Beethoven dans «Orange mécanique», ça rend fou… "
L’avocat de la partie civile

Et puis il y a les dates : le projet de parc éolien date de… 2002 (lire ci-dessous). À 3,5 km de là, le château de Flers. Acheté par le couple Wallecan en 1996. Quand les mâts blancs ont poussé, les propriétaires ont saisi la justice. Nuisances visuelles. « 28 000 clignotements par jour, estime leur avocat, Nicolas Autet. C’est le supplice de Tantale, la musique de Beethoven dans Orange mécanique, ça rend fou… »
Enfin, il y a le feuilleton judiciaire. Décision rarissime : en octobre 2013, le tribunal de grande instance de Montpellier (où siège la Compagnie du Vent) a ordonné le démontage du parc éolien de Boubers-sur-Canche, dont font partie les éoliennes moncheloises. La Compagnie du Vent a fait appel. Les plaignants ont été déboutés, deux fois. Les pales clignotent encore. Pas du goût des châtelains. En novembre 2013, ils ont déposé plainte contre Bertrand Cléret pour prise illégale d’intérêt.

« Vous avez dit combien cela allait rapporter à la commune, mais pas aux propriétaires. »

Réponse du maire : « Ce n’est pas moi qui ai choisi l’implantation. » En outre, de nombreux témoins attestent que l’édile s’était « dévoué », les autres agriculteurs ayant décliné l’offre. « Vous avez dit combien cela allait rapporter à la commune, mais pas aux propriétaires (qui louent leurs terres) », s’étonne la présidente.
Élise Hibon rappelle également que hormis la première délibération municipale à propos du projet éolien, il a pris part à toutes les autres. « C’est le préfet qui a signé, rappelle son avocat. Et le préfet savait qu’il était maire. » Dans la salle, point de préfet pour venir s’expliquer. Ni de représentant d’Engie, à qui appartient la compagnie. Seulement deux châtelains, un maire de village de père en fils, et leurs conseils. Pas certain que cette histoire ait une morale. Un jugement, si. Il tombera trois jours avant Noël.

Historique

18 octobre 2001. Réunion publique à Frévent pour présenter le projet d’implantation d’éoliennes porté par la Compagnie du vent.

11 janvier 2002. Bertrand Cléret, le maire, expose le projet au conseil municipal de Monchel-sur-Canche. Les élus ne s’opposent pas à l’étude.

18 septembre 2002. Délibération du conseil municipal autorisant le permis de construire. Le projet prévoyant d’implanter trois éoliennes sur les terres du maire, ce dernier sort de la salle et ne prend pas part au vote. La délibération est adoptée.

10 juin 2003. Dépôt du dossier relatif à la création d’un parc éolien dans le secteur.

19 décembre 2003. Réunion publique pour informer sur les répercussions financières du projet pour la commune et la communauté de communes.

2 avril 2004. Le préfet valide le permis de construire.

10 mars 2006. Contrat signé entre la Compagnie du Vent et Bertrand Cléret, qui va louer ses terres en tant que propriétaire et exploitant.

Octobre 2013. Le tribunal de Montpellier (où est basée la Compagnie du Vent) ordonne le démontage des dix éoliennes implantées dans les parcs de Boubers-sur-Canche (qui comprend celle de Monchel-sur-Canche) et des Tambours, suite à la plainte déposée par les propriétaires du château de Flers. Les cours d’appel puis de cassation les débouteront.

Novembre 2013. Les châtelains déposent plainte contre Bertrand Cléret pour prise illégale d’intérêt.
Bertrand Cléret est maire de la commune depuis 1995. Il siège au conseil municipal depuis 1983.

La Voix de... Reno Vatain
Le vent l’emportera
Crise diplomatique avec l’Australie évitée de justesse suite au projet de parc éolien entre Riencourt et Bullecourt, unité de méthanisation à Duisans retoquée après l’ire des riverains, qui a failli virer au pugilat un soir de réunion publique, éoliennes du parc de Boubers-sur-Canche contestées… Les énergies renouvelables n’ont pas le vent en poupe. Certes, penser à planter des éoliennes là où sont tombés 10000 soldats australiens en 1917, l’écologie a connu meilleure publicité… L’enjeu est pourtant de taille: sauver la planète. Un enjeu aussi vital que complexe. Sur le papier, qui dirait non? Mais pas à côté de chez lui. Sauf que demain, c’est loin. En attendant, l’être humain continue gaiement de détruire sa planète. Si rien ne change, il disparaîtra. Le vent, lui, l’emportera.
😠


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Voir sur ce blog article du 19/11/2016
En 2013, la justice a ordonné la démolition de 10 éoliennes dans le Ternois. Oui mais en 2015, elles étaient toujours là......