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lundi 8 mai 2017

Prolifération de projets éoliens en Creuse: le vent tourne-t-il ?

http://www.lamontagne.fr/gueret/opinion/environnement/2017/05/07/proliferation-de-projets-eoliens-en-creuse-le-vent-tourne-t-il_12393172.html

Recueilli par Julien Rapegno, Publié le 07/05/2017

Impact sur le paysage, la santé, rentes potentielles « gonflées » pour les communes, voire développement « anarchique » : cinq personnalités expriment leurs doutes, leur refus catégorique ou leurs réserves à propos de la forte accélération du développement de l’éolien industriel dans la Creuse.
L’association Vents d’État (Ahun-Saint-Hilaire-la-Plaine) a organisé un « sommet » citoyen anti-éolien en Creuse, samedi. Entre 200 et 300 riverains de projets éoliens se sont réunis sur la colline de Grancher, à Guéret. Une douzaine d’associations sont en train de se fédérer (1). La Creuse se hérisse de mâts, ses habitants aussi. Plusieurs personnalités, dont Gilles Clément, paysagiste et personnalité majeure de la pensée écologique, soutiennent cette cause.



1. Gilles Clément, architecte paysagiste et penseur : « Il faut développer les solutions de production d’énergie individuelles ».
« On ne peut pas en même temps vanter la Vallée des peintres et nous mettre des éoliennes dans l’horizon. Il y a des possibilités d’éolien discret. Il faut envisager un ensemble d’énergies alternatives à l’échelle individuelle, avec de petites éoliennes, du photovoltaïque et de l’hydroélectricité. Pourquoi ne fait-on plus d’électricité avec les petits moulins ? On peut faire toutes les échelles à poisson nécessaires. C’est la pression des lobbys sur le législateur qui empêche la production d’électricité gratuite et individuelle. Aujourd’hui, il y a des technologies qui offrent de hauts rendements à ces micro-systèmes.
Moi-même, en Creuse, je suis en totale autonomie, je n’ai pas de compteur électrique grâce au photovoltaïque et à des batteries. Le réseau centralisé par une entreprise qui fait un profit n’est pas la solution ».

2.Alain Freytet, architecte paysagiste creusois de notoriété nationale : « Éviter le mitage »
Sollicité pour participer à cette réunion de Guéret, Alain Freytet a décliné : « Je travaille pour l’État en tant que paysagiste conseil et à ce titre je ne veux pas prendre position. Un schéma éolien a été élaboré pour le territoire et il faut le respecter, éviter le mitage, tenir compte du relief et des sites classés. Je suis favorable à un développement éolien raisonné qui permette, par exemple, de créer des zones indemnes, sans pas une éolienne à l’horizon dans un rayon de 30 à 40 km ».

3. Alain Belime : « Les infrasons sont un nouveau scandale sanitaire »

Alain Belime est un expert en prévention des risques qui vit dans la Loire, où il a réussi, dit-il, à convaincre les pouvoirs publics de stopper un projet éolien au nom du principe de précaution. « Argumenter autour de la protection du paysage, c’est perdu d’avance. Déjà que ce n’est pas facile d’arrêter les projets en essayant de protéger les humains ».
Son principal angle d’attaque, c’est l’impact sur la santé des « infrasons ». Selon Alain Belime : le bruit en lui-même ne constitue pas un risque, en revanche les sons à basses fréquences, et donc inaudibles, liés à la compression de l’air lors du passage de la pâle devant le mât, « provoquent des troubles physiologiques très graves pour les animaux (chevaux et vaches notamment) comme pour les humains ».
Dans son argumentaire-réquisitoire, Alain Belime, qui s’appuie sur des études réalisées à l’étranger et qui cite des séquelles épouvantables, évoque une loi du silence autour des infrasons, comparable à celle qui a débouché « sur les scandales de l’amiante et du sang contaminé ». Pour Alain Belime, il existe certes des technologies alternatives aux aérogénérateurs géants « tels l’arbre à vent », mais il ne remet pas en cause la poursuite du programme nucléaire ; au contraire : « la quatrième génération de réacteurs recyclera ses déchets », croit-il savoir.

4. Éric Correia : « On ne peut plus laisser se monter des projets contre la population ».
Le président de la Communauté d"agglomération du Grand Guéret et conseiller régional est le premier « grand élu » creusois à s’alarmer de la « prolifération anarchique » des projets éoliens en Creuse. Il a d’ailleurs écrit un courrier dans ce sens au préfet Philippe Chopin en janvier. « Je suis pour une régulation ferme. L’un des atouts majeurs de notre territoire, c’est l’authenticité de ses paysages ».
Éric Correia oppose « un projet éolien vieux de dix ans sur les Monts de Guéret et suivi par l’agglo […] aux 14 éoliennes en projet entre Glénic, Saint-Sulpice-le-Guérétois, Anzême et Saint-Fiel. C’est n’importe quoi ! Des sociétés, aux raisons sociales opaques, démarchent directement les maires et leur assurent que l’éolien procurera une rente à leurs budgets communaux. Ca marche d’autant mieux que les dotations de l’État accusent une forte baisse. Les montages financiers de ces projets sont flous. Il faut analyser ces données à l’échelle intercommunale et je pense qu’on ne peut plus laisser se monter de tels projets contre la population ».

5.Muriel Moehring, association AQVA d’Anzême « Les prévisions de chiffre d’affaires sont gonflées » .
Muriel Moehring a exploité les données financières fournies par la société porteuse du projet d'Anzême et les a croisées avec d’autres informations : « Les éléments financiers sont erronés » et donc gonflés. Elle réfute, entre autres, les généreuses prévisions de « rendement » des aérogénérateurs prévus à Anzême : « Les prévisions de chiffre d’affaires sont gonflées car elles sont basées sur un taux de charge de 27 %. En Nouvelle-Aquitaine, le rendement moyen des éoliennes n’est que de 17,3 % ».
Pour Muriel Moehring, « il ne faut pas confondre rentabilité et trésorerie ».
Les généreux tarifs de rachat de l’électricité par EDF permettent de générer du cash dans les premières années d’exploitation : « cet argent remonte aux maisons mères qui opèrent des placements ou se font grassement payer leurs prestations […] Nos factures d’électricité, majorées pour favoriser le développement éolien, alimentent en fait un système financier. La France ne fabrique pas d’éoliennes, une grande partie des dividendes part à l’étranger ».

(1) Les associations locales représentées à la réunion des anti-éolien de Guéret : Anzême, Glénic, Crozant, Saint-Fiel, Saint-Priest-Le Chauchet, Saint-Laurent, Azerables. Les associations en cours de création : Royère-de-Vassivière, Saint-Georges-la-Pouge et Mazeirat. Présence également de l’ADEV (association de défense des eaux et des vallées) et de la Fetem (qui fédère vingt associations en Haute-Vienne).