http://www.challenges.fr/entreprise/eolien-les-recours-judiciaires-font-souffler-un-vent-de-panique_91342
Article du 20/12/14
Les recours judiciaires se multiplient contre les projets éoliens et inquiètent les professionnels du secteur.
Vent de panique dans l’éolien. Les constructeurs s’inquiètent de l’utilisation systématique d’une nouvelle arme de dissuasion massive par les opposants à cette énergie: l’attaque en justice des élus municipaux impliqués dans les décisions pour prise illégale d’intérêt. France énergie éolienne (FEE), qui regroupe les acteurs indépendants du secteur, vient d’écrire aux députés pour "faire part de (sa)vive inquiétude à propos de la multiplication des attaques devant les juridictions pénale des élus locaux de communes qui ont approuvé des projets éoliens". Une soixantaine de plaintes auraient été déposées dans toutes la France, selon FEE.
L’association Ulysse revendique la méthode: dans une de ses nombreuses contributions au site Economiematin.fr, Louis Marin, son porte-parole, expliquait le 29 octobre: "En tant que résistants, nous usons de toutes les armes en notre possession pour lutter contre cette nouvelle oppression. C’est pour cette raison que nous avons lancé notre objectif de 100% de taux de recours, au pénal, au civil et en administratif".
Conflit d’intérêts
Ainsi, les militants associatifs sont incités à vérifier systématiquement, pour tout projet annoncé ou en cours, si un élu, ou un membre de la famille d’un élu, n’a pas des intérêts personnels sonnants et trébuchants à voir s’installer sur son terrain un de ces moulins à électricité. Dans deux cas, pour l’heure, la justice a condamné des élus, à Laramière (Lot) et Ally-Mercœur (Cantal). "Ce n’est que la partie émergée de l’iceberg, insiste Jean-Louis Butré, président de la Fédération environnement durable (FED). Les opérateurs font tout pour obtenir les terrains d’exploitation. Tout...".Patrick Decostre, DG de Boralex France, le plus important opérateur indépendant, a une tout autre explication: "Les terrains pour les implantations d’éoliennes touchent naturellement de petits villages de France, explique-t-il. Ally compte par exemple 160 habitants. Dans ce cadre, bien entendu, tout le monde est en relation avec tout le monde et les élus municipaux sont aussi bien souvent les grands propriétaires terriens de la localité". Bref, un terrain de jeu idéal pour les accusations de corruption…
La méthode judiciaire a en tout cas porté ses fruits. "Les élus n’osent plus avancer sur le développement de l’éolien, explique Sonia Lioret, délégué générale de la FEE. Nous le déplorons, car cette judiciarisation coupe court aux nécessaires débats autour des projets proposés; il s’agit de pures manœuvres d’intimidation". La FEE enregistre d’importants retards sur les nouvelles implantations. "Désormais nous avons pour mot d’ordre de ne plus demander de délibération des conseils municipaux lorsque nous travaillons sur une implantation, détaille Patrick Decostre. Cela réduit la démarche démocratique autour de ces implantations, mais nous préférons que les édiles soient conscients des risques d’attaques dont ils font l’objet. La décision finale revient de toute façon au préfet, mais nous jugeons indispensable de travailler en étroite relation avec les populations concernées".
En désespoir de cause, dans sa missive aux députés, la FEE tente d’esquisser une voie de sortie: "L’imprécision qui entoure actuellement la définition de la prise illégale d’intérêts est une faille qu’utilisent les détracteurs de l’éolien au détriment des maires; il appartient bien sûr au législateur de juger de l’opportunité d’y remédier". Pas certain que le Parlement saisisse la perche sur un sujet aussi politiquement explosif.